C’est à Paris que se tient cette année l’une des conférences les plus intéressantes pour l’opinion publique convoquée par les Nations unies : la conférence annuelle des organisations non gouvernementales, habituellement réunie à New York.
Que sont ces ONG ? Le sigle provient de la Charte des Nations unies adoptée à San Francisco en 1945. Rappelons que les rédacteurs de ce texte fondateur attribuaient, certes, aux gouvernements des Etats membres la responsabilité de mettre en oeuvre les décisions prises. Mais ils se réclamaient dans son préambule des "peuples" et donnaient un statut consultatif auprès de leurs organes gouvernementaux aux représentants de la société civile, donc "non gouvernementale".
Trois ans plus tard était adoptée à Paris a Déclaration universelle des droits de l’Homme, dont nous célébrons le 60e anniversaire. A l’évidence c’est aux Etats membres que les droits imprescriptibles, inaliénables et indissociables qu’elle énumère imposent des obligations, tant en matière civique et politique, qu’en matière économique, sociale et culturelle.
Tout naturellement la 61e conférence qui s’ouvre dans les locaux de l’Unesco, et à laquelle participent plus de 2 000 représentants d’ONG, a pris pour thème la promotion et le respect des droits qui figurent dans cette déclaration à la rédaction de laquelle j’ai eu le privilège de participer.
Qui mieux que ces ONG - dont le nombre a prodigieusement proliféré au cours du dernier demi-siècle dans chacun des 192 Etats membres - peut porter témoignage des violations, parfois dramatiques, toujours préjudiciables, du fonctionnement juste et démocratique de la société mondiale ?
Qui plus qu’elles est qualifié pour rappeler aux gouvernements des Etats et aux institutions internationales elles-mêmes les obligations auxquelles ils ont souscrit : non seulement de promouvoir chacun chez lui les libertés fondamentales et les droits économiques, sociaux et culturels de tous leurs ressortissants, mais aussi de mobiliser ensemble les ressources nécessaires pour faire bénéficier leurs partenaires les moins fortunés de cette solidarité généreuse et efficace évoquée dans les résolutions de toutes les conférences mondiales convoquées par les Nations unies depuis vingt ans.
Un tableau affligeant
A cet égard, les participants au riche programme de débats prévus du 3 au 5 septembre, parmi lesquels figurent le secrétaire général adjoint chargé de l’information, le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, Simone Veil et Ingrid Betancourt, qui interviendra le dernier jour en direct de New York, mais surtout les représentants de nombreuses organisations de la société civile venus de 90 pays, sont confrontés cet automne à un tableau du monde particulièrement affligeant et même terrifiant.
Non seulement les violations les plus dramatiques restent impunies dès lors qu’il s’agit d’Etats préoccupés de leurs seuls intérêts, mais le droit à la vie est refusé au Darfour, en Palestine, en Somalie, le droit à la libération au Tibet, en Tchétchénie, le droit à un procès équitable à Guantanamo.
Par ailleurs, les objectifs de développement proclamés en 2000 sont loin d’être atteints. Les exemples de discriminations, d’obstacles inhumains opposés aux mouvements migratoires, de marginalisation de groupes humains minoritaires abondent et doivent être courageusement dénoncés.
Ces dernières années, les dépenses à des fins militaires ont bien souvent dépassé les budgets alloués à l’éducation, aux soins de santé et à la satisfaction d’autres besoins dans les domaines humanitaires, malgré l’instabilité économique, la diminution de la sécurité alimentaire et la multiplication des catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme.
En outre, les mesures adoptées par certains Etats au nom de la lutte contre le terrorisme compromettent sérieusement la primauté de l’état de droit. L’autonomie du pouvoir judiciaire est affaiblie et des mesures de répression sont adoptées pour étouffer la voix des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des minorités, des populations autochtones.
Le moment est donc venu d’offrir, par cette conférence, à un large éventail de défenseurs des droits de l’Homme - ONG, associations de la société civile, activistes, institutions du système de l’ONU, représentants des milieux universitaires, du secteur privé, des médias du monde entier -, un cadre de discussion leur permettant de partager leurs connaissances et leurs expériences sur la meilleure manière de promouvoir le respect des droits et des libertés, le but ultime étant de faciliter l’intégration des principes de la déclaration dans la vie de tous les jours de tous les citoyens de la planète.
Il restera à inspirer aux responsables de tous les Etats le courage nécessaire pour en assurer la mise en oeuvre.