Sans doute avez-vous entendu parler ces derniers jours de Josef Fritzl, ce septuagénaire de la ville d’Amstetten en Autriche, dont vous ignoriez probablement l’existence auparavant. Si c’est le cas, sans doute avez-vous été atterré de découvrir que cet individu avait commis sur sa famille, d’épouvantables méfaits que personne dans son entourage n’a semblé avoir remarqués… Aujourd’hui, tant les autorités que les médias se demandent, incrédules, comment de tels événements ont pu se produire sans éveiller la curiosité de certains voisins, quand la maison des Fritzl est située dans une rue animée de la localité. Comment penser qu’une ville moderne, dotée d’infrastructures récentes, parcourue par des services à la population tels la poste, la voirie, la police, et différentes régies, n’ait pas été plus attentive à de tels faits !? Sans doute, vous demandez-vous comment de tels sévices ont pu s’exercer sur des personnes plus faibles et démunies pendant près de 25 ans, dans l’un de ces pays si fiers de leur appartenance à l’Europe contemporaine !?
Sans doute, notre malaise face à ce genre de drame devrait-il nous renvoyer à nous-mêmes et à notre capacité ou non d’exercer notre attention, d’observer et s’il le faut, d’alerter les autorités sur ce qui se déroule autour de nous comme tragédies quotidiennes… au lieu de n’être capables que de ré-actions, toujours à posteriori, toujours trop tard. Il paraît que 200 habitants munis de cierges se sont réunis sur la place centrale pour exprimer leur soutien à la famille, et montrer au monde que la ville est sans le moindre doute une cité où de telles abominations ne peuvent advenir sans que ses habitants ne se mobilisent. Mais hélas, après coup.
Parallèlement, nul doute que nous aurons droit pendant quelques jours encore, aux indigestes manifestations des 60 ans d’existence de l’Etat d’Israël, en mémoire au 14 mai 1948. Nul doute qu’en de multiples endroits, des minutes de silence rivaliseront avec des moments de recueillement et des discours convenus de nos représentants illustres toujours prompts à se remémorer les fautes du passé – et donc des autres – plutôt que de prendre en compte les dérives présentes – dont ils sont directement responsables… C’est tellement plus commode !
Et nul doute que dans la foulée, ceux-là s’empresseront de fêter avec d’autant plus de faste et de bruit l’anniversaire d’un Etat qui pratique pourtant l’apartheid, que le silence se fait lourd et dès lors complice sur une Palestine désormais démembrée. D’aucuns, et non des moindres, afficheront des sourires satisfaits, flûte de champagne à la main et zakouskis plein la bouche, pour fêter l’évènement.
Nul doute que dans le même temps, une population à genoux continuera à se traîner dans ce qui lui reste de lambeaux de territoire ; que des adultes continueront à se priver de tout pour éduquer leurs enfants ; que des vieillards n’auront toujours pas les soins minima qu’ils nécessitent ; que des hommes seront encore punis collectivement pour n’importe quel injuste motif ; que des femmes seront soumises à d’incessantes humiliations ; que des adolescents seront emprisonnés et torturés ; que des enfants seront déstructurés à vie ; que des nourrissons naîtront toujours dans des situations de plus en plus précaires ; que des terres violées en de multiples endroits seront encore et encore pillées et redistribuées à des voleurs sans vergogne. Et même, que des rapports très officiels, établis par de prestigieux organismes reconnus internationalement, continueront à dénoncer les multiples dérives de cet Etat israélien qui bafoue toute règle démocratique dès qu’il s’agit des populations arabes de la région… mais resteront sans lendemain.
Sauf à se rappeler vaguement, que là aussi 60 ans se sont écoulés… mais d’une Naqba qui n’en finit pas ! Et qu’au lieu de champagne y coulent des larmes, et qu’à la place de buffets débordants les rations de produits élémentaires y sont désormais dramatiquement comptée.
L’énorme différence dans le cas présent, c’est qu’il n’y a nul doute que tout ce beau monde sait ce qu’il en est. Tout ce beau monde sait que cet Etat ivre de son impunité perpétue ses crimes et ses mensonges dans une conspiration du silence à laquelle chacun de nos pays si « démocratiques », participe ! Un peu comme si, après avoir découvert les atrocités perpétrées par Josef Fritzl sur sa famille, chacun détournait le regard et poursuivait sa route... Personne ne semble vouloir voir ni reconnaître la tragédie qui se poursuit. Les quelques (trop) rares tentatives de dénonciation d’une telle situation sont désormais étouffées par une mauvaise conscience du passé, singulièrement entretenue par des voix plus fortes et des médias dominants mieux orchestrés. Et donc, nul doute que la fête en question battra son plein, que la musique et les danses feront un temps perdre la tête à beaucoup… ajoutant au délit, la volonté de l’oubli et l’encouragement à continuer d’ignorer ces faits tragiques et incontestables.
Chantez, riez et buvez donc… le jour arrive où cette injustice flagrante, cette dérive mortelle, et cette accablante lâcheté reviendront tel un boomerang à la face de ceux qui auront dansé sur le cimetière palestinien qu’ils auront creusé et entretenu pour la naissance d’un Etat raciste et moribond dans sa définition, qui paiera cher ses crimes et eux cette forfaiture !