bitterlemons : Des crimes de guerre ont-ils été commis pendant la récente offensive israélienne contre Gaza ? Peut-on poursuivre les coupables ?
Sourani : Je pense que des crimes de guerre ont été commis, non seulement pendant la brutale offensive israélienne qui a commencé le 27 décembre 2008, mais bien avant.
Nous avons beaucoup travaillé pour enregistrer les crimes de guerre israéliens et nous travaillons dur pour traîner les criminels de guerre israéliens en justice. Cette façon de faire est efficace et la preuve en est qu’Israël a institué de nouvelles procédures pour contrer de telles actions. Il y a une loi du parlement israélien qui punit quiconque donne des informations qui peuvent conduire à une poursuite légale des criminels de guerre et il existe des fonds pour apporter une aide juridique à tout Israélien qui serait ainsi accusé.
De plus, le gouvernement israélien s’est lancé dans une campagne, notamment en Europe, pour persuader les pays de changer leurs lois afin de prévenir la possibilité que des Israéliens aient à répondre de leurs actes devant des tribunaux européens.
bitterlemons : De quelle sorte de crimes parlons nous ?
Sourani : Il y a des cas anciens spécifiques, vérifiés, comme l’assassinat en juillet 2002 de Salah Shehadeh quand une bombe de 985 kilos a été lancée sur une zone civile, tuant 9 femmes et 6 enfants. Pendant la dernière guerre des centaines de bombes de ce genre ont été lancées chaque jour sur la bande de Gaza.
Nous avons préparé une documentation juridique très sérieuse sur les crimes commis contre les civils de Gaza pendant la guerre. Je ne vais pas vous dire quand et comment nous allons utiliser cette information. Mais nous avons des dossiers et des noms ; nous savons où cette information peut être utilisée avec efficacité et nous le ferons tôt ou tard.
bitterlemons : N’y a-t-il pas un problème de démarche si ceci devait être présenté, par exemple, à la Cour internationale de Justice ?
Sourani : Non. Nous évitons tout organisme qui est lié à la volonté politique des Etats-Unis pour la bonne raison que nous connaissons les limites, les pressions et la réalité politique auxquels sont confrontés la Cour internationale de Justice, la Cour pénale internationale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Ce que nous recherchons à la place, c’est ce que l’on appelle une juridiction universelle qui ne dépend pas de la volonté politique mais de l’état de droit et de l’indépendance du pouvoir judiciaire dans des pays spécifiques. Nous devons donc vérifier où les Conventions de Genève sont incluses dans le système judiciaire et comment nous pouvons utiliser ce système de façon efficace.
Il est donc très important pour nous de nous coordonner avec nos contreparties dans d’autres pays. Il existe une réelle plage de coopération entre des personnes dans le monde qui recherchent l’état de droit et non la loi de la jungle.
bitterlemons : Il y a eu de nombreuses informations sur plusieurs incidents où des familles ont été décimées et des quartiers détruits. Au regard de ce qui s’est passé lors de ces incidents, comment qualifieriez- vous l’offensive israélienne ?
Sourani : Dans la Quatrième Convention de Genève, on appelle cela de « graves violations » [du droit] ou des « crimes de guerre ». Je ne veux pas exagérer et aller au-delà de cela mais la Cour espagnole, dans sa récente proclamation sur l’affaire Salah Shehadeh, a déclaré que cet incident pouvait être qualifié de crime contre l’humanité.
Nous avons beaucoup de preuves et des dossiers juridiques détaillés sur ces cas qui ont reçu une grande publicité, et bien d’autres.
Cela fera des dirigeants israéliens, politiques et militaires, des cibles pour ceux qui recherchent la justice et veulent s’assurer que les criminels de guerre devront répondre de leurs crimes.
C’est notre devoir et notre obligation en tant que militants des droits humains. Nous le devons à la souffrance, à la douleur et au sang des innocents, les civils palestiniens [légalement] protégés de Gaza, et cela apparaîtra dans ce processus juridique. Nous voulons l’état de droit, pas la loi de la jungle.
bitterlemons : Israël va dire que les tirs de roquettes à partir de Gaza sont un crime de guerre. Est ce que cela va compliquer vos efforts pour poursuivre les criminels de guerre israéliens ?
Sourani : Un crime ne légitime pas un autre crime. Si Israël pense que les roquettes sont un crime de guerre perpétré par le Hamas, pourquoi a-t-il peur qu’on mette en place un comité international d’enquête indépendant pour enquêter sur ce qui s’est produit à Gaza et le laisser chercher des deux côtés ?
C’est la mission du Conseil des Droits de l’Homme. Israël n’a jamais autorisé aucun des rapporteurs spéciaux, que ce soit John Dugard ou Richard Falk, à se rendre dans les territoires occupés.
Si Israël pense que les Palestiniens sont coupables de crimes de guerre, qu’il laisse une commission internationale faire son travail. Nous sommes prêts à répondre de nos actes tant que cela opère dans les deux sens.
Mais chacun sait qu’un niveau de souffrance, de massacre et de tuerie comme on l’a vu entre le 27 décembre et le 19 janvier ne s’est jamais produit depuis la Nakba en 1948.
bitterlemons : Pensez vous réussir à traduire des personnes en justice ?
Sourani : Bien sûr. Nous devons être optimistes. Nous savons que les Etats-Unis procurent à Israël une protection légale et politique totale. Nous savons que l’Europe fait partie de la conspiration du silence. Nous savons que l’Europe trouve même des excuses à Israël en affirmant que sa guerre est "défensive". Mais nous savons aussi que cette guerre est la première à avoir été diffusée en direct à la télévision, sous les yeux du monde entier.
Et nous savons aussi que ce que notre peuple a subi était injustifié, injuste et illégal. Nous n’allons pas être de braves victimes qui se tiennent bien tranquilles, nous n’allons pas renoncer.
Nous n’avons pas le droit d’oublier ou de pardonner. Un jour la situation va changer. Est ce que les juifs ont le droit de poursuivre les criminels de guerre nazis ? Bien sûr que oui. Avons nous le droit de poursuivre les criminels de guerre israéliens ? Bien sûr que oui.
Je veux que les chefs militaires israéliens soient traduits en justice. Ils semblent fiers de ce qu’ils ont fait. S’ils peuvent se défendre, eh bien, qu’ils soient traduits devant un tribunal et qu’ils le fassent.