Le 14 juin 2009, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou tient son premier discours de politique étrangère depuis son élection en février dernier. Pour la première fois, M. Netanyahou évoque la perspective d’un Etat palestinien. Le 4 juin, le discours de Barack Obama au monde musulman avait pressé l’Etat hébreu d’endosser le principe de « deux Etats pour deux peuples » et appelé au gel total de la construction dans les colonies de Cisjordanie. Très attendu, le discours de Netanyahou marque pour Obama un important pas en avant.
L’Union européenne a pris avec des pincettes la proposition de Benyamin Netanyahou. « De mon point de vue, il s’agit d’un pas dans la bonne direction. L’acceptation d’un Etat palestinien a été formulée », a déclaré Jan Kohout, ministre tchèque des Affaires étrangères. Son pays assure aujourd’hui la présidence de l’Union. En juillet, lui succédera la Suède dont le ministre des Affaires étrangères, Carl Bildt, précise « Un Etat ne peut être défini comme n’importe quelle autre chose. Le fait qu’il ait prononcé les mots [d’Etat palestinien] constitue une première petite étape. »
Les cendres de Gaza sont à peine éteintes et les tombes des morts tombés sous le « Plomb durci » sont à peine refermées. L’Europe ne pouvait manifester plus d’enthousiasme. Que sera l’Etat palestinien de Netanyahou ? Un hymne national et un drapeau.
Moins qu’un canton
Pour le surplus, il sera doté de moins de pouvoirs qu’un canton suisse. Le discours du Premier ministre israélien est martelé par la répétition obsessionnelle des conditions qu’Israël fixe à son éventuelle reconnaissance d’un Etat palestinien. La Palestine devra s’engager à être désarmée et à ne point pouvoir contrôler son espace aérien. Elle devra accepter qu’Israël se définisse les frontières qu’il juge sûres et conserve Jérusalem comme capitale indivisible.
Les Palestiniens devront accepter qu’Israël soit un Etat juif : « la condition fondamentale pour en finir avec le conflit, la reconnaissance publique, absolue et sans équivoque d’Israël comme l’Etat nation du peuple juif. »
La menaçante signification de cette exigence est explicite : « Nous devons dire la vérité dans sa totalité. Une grande communauté palestinienne vit dans notre patrie. Nous ne voulons pas les gouverner, nous ne voulons pas dominer leurs vies, nous ne voulons pas leur imposer notre drapeau et notre culture. » Les Palestiniens et leurs descendants qui n’ont pas été expulsés en 1948 seront libres de rejoindre les Palestiniens réfugiés à Gaza, Ramallah ou au diable.
De surcroît, Netanyahou refuse évidemment de prendre l’engagement que demandait Obama : celui de ne pas poursuivre la construction de colonies. Le régime palestinien que dessine Israël est par définition celui de l’apartheid. Il ressemble comme au frère aux bantoustans que l’Afrique du Sud raciste prévoyait pour ses populations noires. Un porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, a ainsi estimé que « ce discours reflète l’idéologie raciste et extrémiste de Netanyahou et fait fi de tous les droits du peuple palestinien ».
Raciste, Israël ?
L’Etat-nation qu’instituent au cours du XIXe siècle les nouvelles classes dominantes est raciste par sa nature même. Les idéologies racistes sont nées au XIXe siècle. Elles sont nées du nationalisme, qui mythifie les Etats-nations et s’impose aux peuples en proclamant leur génie racial ; de l’antisémitisme, qui ajoute à la judéophobie chrétienne la haine moderne des Juifs accusés d’être sans-patrie ; du colonialisme qui justifie la civilisation de la « race blanche » ; de l’élitisme des classes dominantes qui nourrit le ressentiment des classes opprimées.
Le monde a changé. Les Etats-nations constitués au XIXe siècle sont aujourd’hui des Etats démocratiques, plurinationaux et pluriculturels. Ils ont fait l’expérience des guerres raciales et nationales. La question de l’identité de leurs concitoyens y est ouvertement discutée. Pourtant, leurs institutions restent celles du XIXe siècle. Et continuent de nourrir une définition raciale du compatriote. Une large part de la classe politique suisse ne continue-t-elle pas de penser que le vrai Suisse protège de l’altération son identité nationale ? En 1992 encore, son parlement ne se demandait-il pas si une législation contre le racisme n’entamait pas de manière excessive le droit des Suisses à la préservation de leur propre identité, respectivement à la délimitation par rapport aux étrangers ?
Le sionisme du XIXe siècle était évidemment formé par une conception qui dominait la création de tous les Etats-nations. L’Etat d’Israël conçoit-il aujourd’hui son avenir dans cet esprit ? Il s’enfonce alors dans une impasse. Et fait le choix d’une guerre ininterrompue contre le peuple palestinien.