Monsieur le Premier Ministre,
Le processus de colonisation à l’œuvre en Palestine, met en péril chaque jour un peu plus la possibilité même de la solution à deux Etats dont le principe est pourtant constamment rappelé par la France. Prenant la mesure de cette situation, et dans un souci de cohérence avec ses dénonciations de principe de la colonisation, l’Union européenne a publié le 19 juillet dernier des « lignes directrices » excluant des aides financières de l’Europe les activités israéliennes dans les colonies.
La France de son côté qui réaffirme avec constance son souci de contribuer à une juste solution du conflit ne peut demeurer passive face à ces faits accomplis lourds de menaces.
Voilà plusieurs années que les Consuls généraux européens en poste à Jérusalem et Ramallah recommandent des mesures concrètes pour y faire obstacle. Dans le même sens, le 22 mars dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, dans une résolution adoptée à l’unanimité moins une voix, a demandé à tous les Etats « de prendre les mesures qui s’imposent pour faire en sorte que les entreprises commerciales domiciliées sur leur territoire et/ou relevant de leurs compétences, y compris celles qui sont la propriété de l’État ou contrôlées par l’État, qui ont des activités dans les colonies de peuplement ou des activités en relation avec les colonies respectent les droits de l’homme dans toutes leurs activités ».
L’Autorité palestinienne, par la voie de son président Mahmoud Abbas, en a également fait la demande dernièrement à la France et aux autres gouvernements européens.
Les Pays-Bas viennent de nous donner un exemple concret d’application de ces prescriptions. Ainsi leur Ministre des Affaires étrangères a déconseillé à l’entreprise Royal Haskoning de participer à la conception d’une usine de traitement des eaux usées à Jérusalem-Est, ce projet exposant la compagnie à l’accusation de violation du droit international et la mettant donc en insécurité juridique. L’Allemagne avait déjà, en 2011 avec les mêmes arguments, dissuadé la Deutsche Bahn de participer au projet de train rapide Tel Aviv-Jérusalem qui doit traverser les territoires palestiniens occupés.
La France doit elle aussi dissuader les entreprises françaises de participer à des projets profitant aux colonies et s’opposant de ce fait à toute solution politique pérenne.
Elle peut, par la publication de principes directeurs fixant des règles de conduite claires à l’attention des entreprises françaises, déconseiller les transactions financières et commerciales avec des entreprises ou institutions israéliennes qui participent directement à la colonisation et aux violations du droit international, du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Monsieur le Premier Ministre, en émettant de tels principes directeurs, la France mettra elle aussi ses actes en conformité avec ses principes et affirmera qu’il ne peut y avoir de solution politique durable au conflit en dehors du droit.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre en ma profonde considération.
Taoufiq Tahani
Président de l’AFPS