Majed Bamya est diplomate au ministère palestinien des Affaires étrangères. En poste à Ramallah, il réagit à la situation dans la bande de Gaza. Il répond, vendredi 17 juillet, aux questions de RFI.
RFI : Que ressentez-vous ce matin ? Etes-vous en colère ?
Majed Bamya : Nous sommes en colère contre la puissance occupante, contre ceux qui nous privent de notre liberté, de notre capacité à vivre en dignité sur notre terre. Israël a voulu revenir en arrière. Revenons en arrière... Aux sept ans de siège, imposés à deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, sans que personne n’intervienne. A 65 ans de déni de droits. A des décennies d’occupation militaire. Ils parlent de la menace qui pèse sur la moitié des villes israéliennes, il n’y a pas un seul Palestinien en sécurité, où qu’il soit : dans sa maison, dans la rue, dans n’importe quelle ville de Cisjordanie ou de la bande de Gaza. Nous n’avons aucun moyen de nous protéger. Nous n’avons pas d’armée à déployer et le monde refuse de nous accorder la protection internationale !
Nous devons donc accepter notre mort quand il parle des gens qui sont heureux de mourir. Quand vous n’avez plus de choix vous acceptez votre mort. Le monde, la communauté internationale nous appelle aujourd’hui au nom du droit d’Israël à la sécurité, en nous occupant, en nous imposant le siège en commettant des crimes de guerre, à mourir en silence.
RFI : Vous sentez-vous abandonnés par la communauté internationale ?
Nous nous sentons trahis par la communauté internationale ! Surtout nous, l’Organisation de Libération de la Palestine, qui pendant ces dix dernières années avons tout fait pour qu’il y ait un processus de paix et un horizon politique. Et face à nous, nous avons eu un gouvernement d’extrême-droite, qui n’a pas cessé de trouver des prétextes pour continuer.
Demandez à vos interlocuteurs israéliens quelles raisons sécuritaires justifient la colonisation. 500 000 colons sur nos terres ! Quelles raisons sécuritaires invoquent-ils pour que ces colons nous agressent et nous attaquent quotidiennement ? Est-ce qu’ils ne pensent pas que l’occupation est la raison de l’insécurité ? Est-ce qu’ils ne pensent pas que les peuples ne capitulent pas et vous disent quel gouvernement aurait accepté cela ? Quel peuple aurait accepté pendant six décennies de vivre sous le joug militaire d’une autre nation ?
La France a résisté. Toutes les nations occupées ont résisté. C’est l’ordre naturel des choses. Mais nous avons tenté d’imposer la voie politique et la voie pacifique. Quelle est notre crédibilité aujourd’hui, alors qu’il y a eu six attaques en sept ans contre notre peuple dans la bande de Gaza, qui ont fait déjà 2 500 morts et que nous avons 500 000 colons en Cisjordanie ?
RFI : Vous dites : « La communauté internationale nous a trahi. » Qu’attendez-vous de cette communauté internationale aujourd’hui ?
Ce qu’elle a fait ailleurs, qu’elle intervienne par la protection internationale accordée à notre peuple, qu’elle intervienne si nécessaire par des sanctions – un mot qui est banni parce qu’il s’agit d’Israël –, qu’elle intervienne pour juger les criminels de guerre, au lieu d’accueillir Netanyahu et Lieberman. Lieberman qui est un colon. Partout ailleurs des personnes de ce genre-là ne seraient pas accueillis partout à travers le monde. Qu’elle cesse de dire qu’Israël a le droit à la sécurité, alors qu’elle occupe. Qu’elle dise à Israël : vous voulez votre sécurité ? Cessez d’occuper et d’opprimer le peuple palestinien. Voilà le langage que l’on aurait aimé entendre. Un langage de courage et de respect de notre dignité humaine. Nous ne valons pas moins que les Israéliens ! Nos vies civiles ne valent pas moins que les vies israéliennes ! C’est intolérable, ce qui est en train d’arriver !
RFI : Les événements peuvent-ils remettre en cause l’accord de réconciliation conclu en avril dernier entre le Fatah et le Hamas ?
C’est ce qu’espère Israël. J’espère que nous, Palestiniens, serons capables de déjouer ce piège qui est face à nous. Il est normal, tant qu’il y a occupation, que nous soyons unis, que nous trouvions les moyens de résister à cette occupation et que nous trouvions les moyens de faire entendre notre voix en espérant qu’il y ait une intervention pour aider les Palestiniens. Nous continuons à chercher les voies politiques. Offrez-nous des voies politiques, puis soyez exigeants à notre égard. Tant qu’il n’y a pas de perspectives politiques les peuples ne capitulent pas. Les peuples occupés et opprimés ne capitulent pas.
RFI : Le Hamas peut-il être un véritable partenaire politique ?
Le Hamas représente une vraie portion du peuple palestinien et il se dirigeait vers un rapprochement politique avec nous. Quand il a signé cet accord de réconciliation nationale il a accepté l’idée d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967. Il a accepté le cessez-le-feu. Il a accepté le programme politique du président qu’il a mandaté pour négocier.
Mais de l’autre côté, nous n’avons personne avec qui négocier. Donc, aujourd’hui, quand nous sommes face au Hamas et qu’on leur dit : « Venez vers notre programme politique » ; Qu’est-ce que nous avons à montrer ? Mille Palestiniens ont été arrêtés au cours de ce dernier mois ! En Cisjordanie - dans des territoires qui sont censés être sous notre souveraineté, sous notre contrôle -, nous avons des incursions israéliennes quotidiennes jusqu’à un kilomètre de la présidence, à Ramallah, les jeeps israéliennes militaires sont entrées. Est-ce que vous pensez que c’est comme ça que nous allons réussir à convaincre le Hamas de venir sur notre plateforme politique ?
Le vrai problème est du côté israélien. C’est la puissance occupante qui doit décider de mettre fin à son occupation. Quand vous aviez un gouvernement d’apartheid et que Mandela était en prison vous ne disiez pas à Mandela de dire de faire ceci ou cela. Vous avez demandé au gouvernement d’apartheid de s’engager à mettre fin à l’apartheid. Puis Mandela a pu dire qu’il était prêt à un dialogue politique.
RFI : Avez- vous avez des informations sur les résultats de l’opération menée en ce moment à terre par l’armée israélienne ?
Nous avons des informations de nos amis et de nos collègues dans la bande de Gaza. Il ne s’agit pas de détruire l’infrastructure palestinienne. Il s’agit d’imposer la peur et de prolonger le siège contre la population et, ainsi, de détourner l’attention vers des questions sécuritaires au lieu que nous restions sur le dialogue politique, qui, lui amènera la sécurité à long terme à tous les peuples de la région.
Je vous rappelle que 240 Palestiniens ont été tués au cours de la dernière semaine, dont cinquante enfants. Et nous avons quinze enfants tués au cours des deux derniers jours, des 72 heures qui viennent de passer. Je vous demande de penser aujourd’hui très fort aux deux millions de Palestiniens qui sont bombardés, qui n’ont pas d’abris, nulle part où se réfugier dans l’endroit le plus peuplé du monde et qui voient maintenant les chars débarquer. Il serait largement temps que la communauté internationale intervienne comme elle l’aurait fait partout ailleurs.