Cher Monsieur Olmert,
Je vous écris en espérant que vous prendrez le temps, malgré votre
programme chargé en tant que Premier Ministre par intérim d’Israël,
d’entendre les espoirs d’un Palestinien.
Bien que votre accession à la fonction de Premier ministre ait pris un
chemin difficile en raison de l’accident d’Ariel Sharon, je crois que
vous avez une opportunité pour être un acteur d’une réconciliation
historique. Bien que, j’en suis sûr, vous soutiendrez vouloir vous
situer dans le prolongement politique de Sharon, vous avez néanmoins des
atouts importants avec les Palestiniens que Sharon n’avait pas.
Le premier atout est que vous ne portez pas le poids, comme Ariel
Sharon, d’une image négative chez les Palestiniens et les Arabes. Ayant
été maire de Jérusalem pendant 10 années, vous connaissez au plus près
la situation des Palestiniens.
Je crois que les chances pour une grande avancée politique dans notre
région n’ont jamais été aussi grandes. Du côté israélien, votre
confiance dans le processus politique s’est démontrée récemment, quand
vous et Sharon avez décidé unilatéralement d’agir à l’encontre de votre
propre idéologie et vous êtes opposés au puissant mouvement des colons.
Tous les deux, vous êtes allés aussi à contresens du courant
conformiste, rompant avec le parti du Likoud, réduisant grandement la
mainmise idéologique que le comité central, très à droite, de ce parti
avait sur la politique israélienne.
Se retirer de secteurs[palestiniens] très peuplés et faire cesser aussi une occupation
permanente sur un autre peuple étaient des actes nécessaires pour
préserver la nature juive d’Israël, ce que vous deux avez mis au centre
de la pensée israélienne.
Dans une moindre mesure, ces changements significatifs ont aussi été
intégrés du côté palestinien. Alors que je crois que l’occupation -
plutôt que la réaction qu’elle provoque - est la première cause à notre
conflit, la trêve décidée unilatéralement par les groupes de militants
palestiniens a énormément réduit les attaques anti-israéliennes, ce qui
montre que les Palestiniens aussi perçoivent les limites de leurs
actions armées.
La décision du Hamas de se joindre au mouvement politique en participant
aux prochaines élections législatives indique que même ce mouvement
islamique, à la ligne dure, reconnaît que le conflit doit être abordé
avec des moyens politiques plutôt que militaires.
Je sais que vous êtes un Israélien patriote, et je crois aussi que
beaucoup peut être fait pour réduire les tensions entre nos deux
peuples, et éventuellement conduire à une réconciliation authentique et
à la paix. Comme auparavant, la priorité peut être donnée à des
négociations où nous parlerions ensemble. Sharon et vous-même avez pu
penser que l’action unilatérale était nécessaire à Gaza, mais le retrait
de Gaza aurait pu produire beaucoup plus d’effets positifs pour les deux
côtés s’il avait été réalisé bilatéralement.
Une discussion de vive voix s’intéressent aux deux avis des parties.
Elle doit rechercher la cessation immédiate de la violence des deux
côtés, en même temps que converger vers un règlement du conflit.
Contrairement au retrait territorial, la cessation des violences ne peut
être réalisée que bilatéralement. Les deux côtés doivent s’engager à
arrêter les assassinats, les tirs, les bombardements, et toute autre
forme d’attaques sur les citoyens et cibles militaires du côté adverse.
Pour être effectif, un tel cessez-le-feu doit prévoir une procédure de
surveillance.
Des observateurs étrangers neutres devraient être sollicités pour être
déployés sur les principaux points sensibles pour identifier quiconque
violerait l’une des clauses de l’accord.
A ce point, des négociations vigoureuses pour un accord définitif
devraient s’engager immédiatement. Historiquement, les cessez-le-feu ne
sont efficaces que lorsqu’ils sont garantis par des pourparlers que les
deux parties ont considérés comme authentiques et sérieux.
Dans le même temps, l’état d’esprit des Palestiniens et leur attitude
envers Israël demandent à être plus favorables pour obtenir un
environnement politique qui soutienne les négociations.
L’amélioration
des conditions de vie quotidiennes, particulièrement par une plus grande
liberté de déplacements pour les Palestiniens entre Gaza et la
Cisjordanie, et à l’intérieur de la Cisjordanie, serait déterminante
pour aider à créer ce sentiment positif.
Je vous souhaite vraiment le succès dans vos responsabilités comme
Premier Ministre par intérim, et comme dirigeant du Kadima.
Vos efforts
dans le sens de la résolution du conflit palestino-israélien pourraient
conduire à un progrès politique significatif dans tout le Moyen-Orient.
Mais, quoi que vous fassiez durant les prochains mois pour gagner les
prochaines élections parlementaires, s’il vous plaît, souvenez-vous que
le soutien que le Kadima a reçu de la société israélienne provient
précisément de son choix à se positionner au centre modéré.
Aussi, s’il
vous plaît, ne vous laissez pas vous-même convaincre par les pressions
des radicaux et des faucons israéliens.
L’appui que vous aurez des
Israéliens et des Arabes dépendra de votre détermination pour des
avancées sérieuses dans le processus de paix.
Ce processus, maintenant comme avant, doit aboutir à une Palestine
indépendante et démocratique, à côté d’un Etat d’Israël, sécurisé et stable.
Daoud Kuttab est
journaliste palestinien et directeur de l’ « Institut of Modern Media »
de l’université Al Quds à Ramallah.
vendredi 13 janvier 2006 - http://www.imemc.org/content/view/16038/1/
Traduction : JPP