Paris, le 16 mai 2012
M. François Hollande
Président de la République
Palais de l’Élysée
75008 Paris
Monsieur le Président de la République,
Permettez-moi, tout d’abord, de vous féliciter pour votre élection à la plus haute et lourde responsabilité de la France : la présidence de notre République.
Dans votre discours d’investiture, et donc votre premier discours de Président de la République, vous avez déclaré : « La France est une nation engagée dans le monde. Par son histoire, par sa culture, par ses valeurs d’humanisme, d’universalité et de liberté, elle y occupe une place singulière. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a fait le tour du monde ».
Vous avez eu raison de le rappeler et d’affirmer : « Nous devons en être, et moi le premier, les dépositaires et nous situer aux côtés de toutes les forces démocratiques du monde qui se recommandent de ses principes. La France respectera tous les peuples, elle sera partout fidèle à la vocation qui est la sienne, défendre la liberté des peuples, l’honneur des opprimés, la dignité des femmes ».
Votre investiture a coïncidé avec la 64ème commémoration d’un dramatique événement qu’a vécu le peuple palestinien. Celui de la « Nakba », la catastrophe. 750.000 Palestiniens furent alors expulsés de leur terre et contraints à un exil forcé.
Monsieur le Président de la République,
Il est temps de réparer cette injustice qui n’a fait que s’aggraver durant ces 64 dernières années.
Les Palestiniens et leur direction ont pourtant accepté d’édifier leur État sur 22% seulement de la Palestine historique, laissant 78% à leur voisin israélien. Ce compromis, pour eux plus défavorable que le plan de partage de 1947, avait un objectif : arriver à une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens.
Malgré cette concession véritablement historique, le peuple palestinien attend toujours ce que la communauté internationale lui a promis de manière constante, un État palestinien viable dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale.
Cette promesse est régulièrement réaffirmée par la communauté internationale.
Elle a été répétée à plusieurs reprises par vos prédécesseurs.
Leurs souhaits et déclarations n’ont, malheureusement, jamais été accompagnés d’actes. Comme pour la croissance dont vous avez déclaré en Allemagne que le mot était prononcé souvent mais les actes non accomplis pour y parvenir.
Au Proche-Orient, sur le terrain, la situation ne cesse de s’aggraver du fait de la politique israélienne et aussi en raison du laisser-faire complaisant de la communauté internationale dont c’est pourtant le rôle fondamental que « d’imposer » la paix.
A la courageuse offre de paix palestinienne et des pays arabes, Israël répond par plus de colonisation, de répression, d’humiliation, d’expropriation de terres, de privation de liberté et d’oppression.
Toutes les catégories du peuple palestinien, dont les enfants, les vieillards et les femmes subissent cette politique de négation et de refus de l’autre.
Vous pouvez imaginer, Monsieur le Président de la République, l’espoir des Palestiniens lorsqu’ils vous entendent affirmer vouloir « défendre la liberté des peuples, l’honneur des opprimés, la dignité des femmes ». Votre déclaration suscite chez eux une forte attente. Ils ont bien reçu votre message qu’ils voient comme un message d’espoir, de justice et de paix.
Ils ont besoin d’un geste fort pour reprendre confiance en la communauté internationale. Ils sont lassés d’entendre les conseils qui les incitent à négocier sans fin, dans un rapport de force totalement déséquilibré, pendant qu’Israël installe jour après jour sur le terrain des faits accomplis tendant à rendre impossible la solution à deux États.
Cette solution à deux États, fondée sur l’application du Droit international est pourtant aujourd’hui la seule qui permette d’assurer la sécurité de tous les États de la région, y compris celle d’Israël.
Ils ne peuvent plus donner le moindre crédit, après 64 années d’attente douloureuse, à ceux qui leur disent que la demande de reconnaissance de leur État et de son admission pleine et entière à l’ONU, reste prématurée. Combien de temps devront-ils attendre encore ? Qu’il n’y ait plus rien à négocier que les limites d’un improbable bantoustan ?
Monsieur le Président de la République, vous pouvez contribuer à réparer cette injustice dangereuse pour la stabilité internationale en transformant les paroles données par la France en des actes significatifs.
La reconnaissance de l’État palestinien par la France comme premier pas, puis sa reconnaissance internationale comme vous l’avez promis dans votre programme électoral, ouvriraient la voie, avec le vote de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU, à une paix réelle si longtemps attendue. Le peuple palestinien en quête de ses droits nationaux et les peuples arabes en lutte pour la démocratie vous en seront reconnaissants.
En s’engageant sur cette voie, la France sera fidèle à la vocation vous avez rappelée et aura, là aussi, un rôle d’entraînement pour l’Union européenne.
Soyez, Monsieur le Président de la République, celui qui engagera la France sur la bonne voie, celle des valeurs d’humanisme, d’universalité et de liberté.
La déclaration des droits de l’homme et du citoyen retrouvera ainsi tout son sens dans le discours de la France et, avec elle, l’image de notre pays dans cette région du monde y sera restaurée après y avoir été trop longtemps abîmée.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma haute considération.
M. Jean-Claude Lefort
Député honoraire
Président de l’AFPS