Pourquoi, à la veille de la conférence d’Annapolis, Israël libère-t-il 440 prisonniers palestiniens, et non pas 500 ou 300, ou encore 2 000 comme les Etats-Unis s’y attendaient ? Comme si personne ne s’inquiétait du risque sécuritaire représenté par la libération de prisonniers – sauf les politiciens qui veulent l’exploiter à des fins politiques. De ce fait, les tractations ne tournent qu’autour du nombre de prisonniers qu’"il convient de gaspiller" pour tel ou tel événement.
Le fait de jouer ainsi avec le sort d’individus incarcérés en Israël – quelque 10 000 –, en se fondant non pas sur la longueur de leur peine mais sur l’utilité politique de leur accorder la liberté, ternit l’image d’Etat de droit dont se targue Israël. S’il y a une réserve constante de candidats à la libération, il va de soi qu’ils auraient pu être relâchés depuis longtemps. On a l’impression que les prisons israéliennes ne servent plus qu’à faire des gestes de bonne volonté : la nuit, on arrête des dizaines d’hommes armés recherchés pour en libérer plusieurs centaines le lendemain matin, et ce processus se répète tant que la réserve de prisonniers n’est pas épuisée et qu’il reste des candidats à une libération.
La manière dont les Palestiniens sont placés en détention n’est pas non plus conforme à la procédure normale. Que ce soit en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, ils sont enlevés de nuit à leur domicile ou dans la rue, seuls certains d’entre eux sont jugés et les preuves présentées ne correspondent généralement pas aux normes en usage en Israël. Et quand il n’y a pas de preuves, les Palestiniens sont incarcérés sans passer en jugement et pour une période qui peut être prolongée à volonté. Un exemple notoire est celui des parlementaires du Hamas qui ont été enlevés [durant l’été 2006] après la prise en otage du soldat Gilad Shalit [en juin 2006].
Au cours des années 1990, Israël a libéré 10 000 détenus dans le cadre des accords d’Oslo, mais les prisons se sont à nouveau remplies, si bien qu’aujourd’hui 10 000 Palestiniens se trouvent à nouveau derrière les barreaux. En prévision de la conférence d’Annapolis, il y a eu plusieurs séries de libérations : 250 prisonniers [en juillet 2007] à l’occasion du sommet de Charm El-Cheikh [25 juin 2007], 90 à l’occasion des fêtes du ramadan [octobre 2007], et 440 aujourd’hui, à quelques jours de la conférence.
Ces opérations donnent l’impression qu’il y a une compréhension réciproque entre le gouvernement et l’appareil judiciaire militaire, que les juges sont parfaitement conscients que les peines rendues ne sont que des instruments de négociation et les prisonniers une monnaie d’échange. Pour la restitution d’un captif, des milliers de détenus sont libérés ; pour la conférence d’Annapolis, seulement quelques centaines ; et, à l’occasion d’une fête, quelques dizaines.
L’utilisation de prisonniers comme une monnaie d’échange est contraire aux règles de la justice. Si des milliers de détenus ne représentent aucune menace pour la sécurité, il convient de les libérer, non pas par petits lots et en prévision de certains événements, mais dans les plus brefs délais possibles. Quand le Premier ministre Ehoud Olmert dit que le geste le plus facile qu’Israël puisse faire est de libérer des prisonniers, il donne à penser qu’ils sont maintenus en détention à cette seule fin. C’est là un motif d’incarcération très problématique.