Des experts juridiques palestiniens, des universitaires et des groupes de défense des libertés numériques ont exprimé leur indignation face à une nouvelle politique israélienne concernant l’entrée et la résidence des étrangers en Cisjordanie occupée, qui, selon eux, complique davantage les règles de circulation et ajoute des restrictions à un système déjà alambiqué.
L’ordonnance de 97 pages, intitulée Procédure d’entrée et de résidence des étrangers dans la région de Judée et Samarie (pdf), remplace le document actuel de quatre pages. La Judée et la Samarie est le terme utilisé par le gouvernement israélien pour désigner la Cisjordanie.
Cette politique comporte des règles d’entrée plus larges, ce qui, selon certains experts juridiques, constitue une tentative de restreindre et de suivre les déplacements des ressortissants étrangers dans les territoires palestiniens occupés, de contrôler la croissance de la population palestinienne et de conserver des données sur les revendications territoriales des Palestiniens possédant des nationalités étrangères.
Les nouvelles règles, qui doivent entrer en vigueur le 22 mai, ont été publiées en février mais n’ont guère retenu l’attention à l’époque.
Le règlement considère la Cisjordanie comme faisant partie intégrante d’Israël et utilise des termes tels que "Judée et Samarie" ou " Zone ". Elles stipulent également l’entrée en Israël dans le but de "transiter" vers la Cisjordanie.
Les règles compliquent et formalisent encore davantage les restrictions d’entrée écrites et non écrites pour les étrangers qui souhaitent visiter, faire des affaires, se réunir et résider avec leur famille palestinienne, travailler ou faire du bénévolat en Cisjordanie, ou encore étudier ou enseigner dans des établissements universitaires palestiniens.
Les Palestiniens détenteurs d’un passeport étranger doivent fournir des informations - à des fins de visa - sur une demande d’approbation avant le voyage, qui comprend les noms et les numéros d’identification nationaux des parents "au premier degré" ou d’autres personnes non affiliées avec lesquelles ils peuvent séjourner ou à qui ils peuvent rendre visite.
Les Palestiniens qui ne sont pas soumis à ce système d’identification inhumain doivent désormais communiquer aux autorités israéliennes les coordonnées de leurs parents au premier degré et des personnes à qui ils comptent rendre visite en Cisjordanie.
Ainsi, même si vous vivez à l’étranger, Israël veut toujours connaître votre réseau et vos cercles de fréquentation.
- Marwa Fatafta مروة فطافطة (@marwasf) 26 avril 2022.
Les experts en droits du numérique disent que les informations personnelles sur les voyageurs et leurs familles et connaissances sont susceptibles d’être utilisées dans le cadre des efforts de surveillance de masse et de collecte de données d’Israël.
"C’est un exercice de surveillance", a déclaré Marwa Fatafta, experte palestinienne des droits du numérique et analyste politique d’Al Shabaka. "Avec cette nouvelle politique, les autorités israéliennes veulent cartographier les cercles sociaux et les biens des Palestiniens qui vivent à l’étranger avec des passeports étrangers."
"L’ensemble du système d’identification est construit pour contrôler les deux aspects les plus cruciaux de la Palestine : les personnes et la terre. Maintenant, d’une certaine manière, il s’appliquera également aux Palestiniens ayant des liens avec la Cisjordanie", a-t-elle déclaré à Al Jazeera.
Les Palestiniens détenteurs de passeports étrangers doivent également indiquer s’ils possèdent des biens ou s’ils sont susceptibles d’en hériter en Cisjordanie. Aucune raison n’est donnée pour expliquer pourquoi ces informations sont nécessaires au traitement d’une demande d’entrée.
Conformément à la nouvelle politique, des différences sont faites entre les voyageurs qui souhaitent rendre visite à des Palestiniens en Cisjordanie et ceux qui rendent visite à des colons israéliens. Seuls ceux qui rendent visite à des Palestiniens doivent obtenir une autorisation avant leur visite et fournir les informations susmentionnées.
Le document indique que l’objectif de ces nouvelles règles est de "définir les niveaux d’autorité et le mode de traitement des étrangers qui souhaitent entrer dans la région de Judée et Samarie". Les autorités israéliennes affirment que les restrictions sur les déplacements en Cisjordanie sont nécessaires pour des raisons de sécurité.
Al Jazeera a contacté l’Administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens pour obtenir un commentaire sur les nouvelles règles, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
Effet sur le milieu académique palestinien
Les universitaires qui souhaitent étudier ou travailler dans n’importe quelle université de Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est occupée, sont soumis à des quotas et à d’autres restrictions concernant le travail universitaire, selon la nouvelle réglementation.
Seuls 150 étudiants étrangers peuvent étudier dans les collèges et universités palestiniens - et encore, ils ne peuvent le faire que dans des disciplines pré-approuvées.
Le document stipule : "Les demandes de permis au titre de cette disposition seront approuvées s’il est prouvé, à la satisfaction du fonctionnaire agréé de l’Administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens, que le conférencier contribue de manière significative à l’enseignement universitaire, à l’économie de la région ou à la promotion de la coopération régionale et de la paix."
Les mêmes restrictions ne s’appliquent pas à ceux qui cherchent à étudier dans des établissements universitaires israéliens, que ce soit en Israël ou en Cisjordanie.
11. En revanche, ceux qui souhaitent étudier dans des établissements universitaires israéliens, que ce soit en Israël ou en Cisjordanie occupée, peuvent demander un visa de résident temporaire A/2 et ne sont pas soumis à des quotas ou à des restrictions quant aux disciplines qu’ils peuvent étudier. L’apartheid, quel apartheid ?
- Ahmed Abofoul (@AhmedAbofoul) 26 avril 2022
Les titulaires de diplômes de troisième cycle ne sont autorisés à enseigner dans les établissements palestiniens que pendant un semestre par année universitaire et ne peuvent pas se représenter pour enseigner pendant neuf mois. Si l’enseignant est titulaire d’un doctorat et que les autorités israéliennes le considèrent comme un conférencier "émérite", il peut rester plus longtemps ; toutefois, il existe un quota de 100 conférenciers émérites étrangers.
Basri Saleh, sous-secrétaire du ministère palestinien de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, a déclaré que le gouvernement israélien "serre la vis" de manière arbitraire aux personnes qui tentent d’entrer en Cisjordanie. Les nouvelles restrictions israéliennes vont "obliger de nombreux professeurs et universitaires qui ont travaillé pendant de nombreuses années dans les universités palestiniennes à partir", a déclaré Saleh.
Dans une déclaration, l’université de Birzeit, l’un des établissements universitaires les plus prestigieux de Cisjordanie, a dénoncé les nouvelles procédures et a exhorté "toutes les institutions universitaires et les organisations de défense des droits de l’Homme" à se joindre à elle pour condamner "cette violation manifeste du droit international".
Traduction : AFPS