Photo : Octobre 2023, vue aérienne de bâtiments écroulés et de la destruction dans la bande de Gaza © UNRWA Photo par Ashraf Amra
Les frappes aériennes israéliennes dans la bande de Gaza ont fait des dizaines de morts cette nuit, alors que l’on craint une intensification de la campagne militaire dans la ville méridionale de Rafah, une minuscule poche du territoire où se réfugient plus d’un million de personnes.
Alors que les divisions au sein du gouvernement israélien sur la guerre s’intensifient, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, devrait arriver dans la région dimanche. Il s’agit de son cinquième voyage depuis que le groupe militant a attaqué Israël le 7 octobre, tuant au moins 1 200 personnes et en prenant environ 250 en otage.
M. Blinken devrait passer la semaine en Arabie saoudite, en Égypte, au Qatar, en Israël et en Cisjordanie pour discuter d’un accord visant à obtenir la libération d’au moins 136 otages restants à Gaza et d’un cessez-le-feu destiné à apaiser les tensions régionales, en particulier dans la mer Rouge.
Son homologue français, Stéphane Séjourné, s’est rendu en Égypte et a déclaré lors d’une conférence de presse que "nous sommes favorables à un cessez-le-feu, mais nous devons aussi préparer le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza".
Les bombardements dans la bande de Gaza ont tué plus de 127 personnes au cours de la nuit, selon des sources gazaouies, y compris des frappes sur deux tours résidentielles à Rafah, la zone la plus méridionale du territoire, près de la frontière avec l’Égypte, qui abrite plus de la moitié des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza.
Des frappes ont également touché Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, où sont restés des milliers de personnes qui craignaient de fuir vers le sud.
Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré que l’armée avait détruit 17 des 24 bataillons du Hamas. "La plupart des bataillons restants se trouvent dans le sud de la bande de Gaza et à Rafah, et nous nous en occuperons", a-t-il déclaré.
Une frappe sur une crèche à Rafah qui avait été transformée en abri de fortune a tué au moins deux personnes et une frappe sur une voiture en a tué plusieurs autres, selon l’agence de presse palestinienne Wafa.
"La crainte est grande que l’opération militaire s’étende au gouvernorat de Rafah, ne laissant absolument aucun endroit où aller pour la grande majorité des personnes déplacées", a déclaré Hisham Mhanna, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en poste à Rafah.
"Cela ne fait qu’accroître la peur, le stress et l’anxiété, d’autant plus que les gens sont confrontés à des conditions de vie inhumaines sans précédent. Ils ont été contraints d’essayer de survivre.
"Il est plus important que jamais de mettre un terme à cette effusion de sang et de protéger tous ceux qui peuvent être sauvés à Gaza", a-t-il déclaré, s’interrompant au son d’une explosion à proximité. "C’était une bombe, il y en a sans arrêt", a-t-il ajouté.
La crainte que Rafah soit dans la ligne de mire des forces israéliennes s’inscrit dans un contexte de divisions de plus en plus vives au sein d’Israël quant à la direction de la guerre, et de pressions exercées sur les médiateurs pour qu’ils parviennent à un accord de cessez-le-feu rapide.
Les bombardements terrestres, aériens et maritimes de Gaza ont fait au moins 27 000 morts depuis octobre, selon le ministère de la santé dirigé par le Hamas, avec plus de deux fois plus de blessés et des milliers de personnes a priori ensevelies sous les décombres.
M. Blinken devrait arriver dans la région peu après que le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a critiqué Joe Biden dans une interview accordée au Wall Street Journal, déclarant que le président américain n’avait pas apporté un soutien total à Israël et qu’il était "occupé à donner de l’aide humanitaire et du carburant qui vont au Hamas".
"Si Trump était au pouvoir, le comportement des États-Unis serait complètement différent", a-t-il déclaré.
Il y a peu de preuves que le filet d’aide et de carburant autorisé à entrer dans la bande de Gaza approvisionne le Hamas alors que les besoins de la population de Gaza augmentent. Les Nations unies et le CICR ont mis en garde contre une famine imminente touchant plus de 2 millions de personnes.
Le chef de l’opposition israélienne, Yair Lapid, a réprimandé M. Ben-Gvir et son partenaire de coalition, M. Netanyahu.
Les déclarations de M. Ben-Gvir, a écrit M. Lapid sur X, constituent "une attaque directe contre le statut international d’Israël, une attaque directe contre l’effort de guerre, une atteinte à la sécurité d’Israël et, surtout, prouvent qu’il ne comprend rien à la politique étrangère".
"Je demanderais au premier ministre de le retenir, mais Netanyahou n’a aucun contrôle sur les extrémistes de son gouvernement".
Plus tard dans la journée de dimanche, lors d’une réunion du gouvernement, M. Netanyahou s’est présenté comme le seul capable de gérer les relations avec les alliés internationaux. "Je n’ai besoin d’aucune aide pour gérer nos relations avec les États-Unis et la communauté internationale tout en défendant fermement nos intérêts nationaux", a-t-il déclaré.
Un projet de proposition présenté par les États-Unis et les médiateurs du gouvernement qatari prévoit une première pause de 30 jours dans les combats, liée à la libération des femmes, des personnes âgées et des malades pris en otage. En cas de succès, cette pause serait suivie d’une deuxième période de 30 jours au cours de laquelle les otages masculins et ceux que le Hamas considère comme des soldats en service actif seraient libérés.
La structure de l’accord est destinée à permettre des discussions sur un arrêt définitif des combats, un point de friction à long terme.
Le conseiller de M. Biden en matière de sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré à l’émission Face the Nation de la chaîne CBS que "la balle est dans le camp du Hamas à l’heure actuelle".
La nécessité d’acheminer de la nourriture, des médicaments, de l’eau et des abris dans la bande de Gaza sera au cœur des discussions de M. Blinken avec les responsables israéliens au cours de sa visite, a-t-il ajouté.
Osama Hamdan, membre du bureau politique du Hamas, a déclaré lors d’une conférence de presse à Beyrouth samedi soir que le groupe réfléchissait à l’accord proposé mais se concentrait sur le retrait total des forces israéliennes de Gaza, une demande que M. Netanyahu a rejetée.
Mhanna a déclaré qu’alors que les discussions se poursuivaient, les conditions à Rafah s’aggravaient. "Les gens luttent quotidiennement pour trouver de la nourriture, de l’eau propre à la consommation humaine, tout morceau de bois qu’ils peuvent utiliser pour allumer un feu et garder leurs familles au chaud, car il a fait extrêmement froid et il a beaucoup plu cette semaine", a-t-il déclaré.
Selon les estimations, la majorité des 1,93 million de personnes déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza se trouvent actuellement dans le gouvernorat de Rafah, une zone d’à peine 65 km², soit moins de 20 % de la superficie du territoire.
Dalia Cusnir, une Israélienne dont les deux beaux-frères sont retenus en otage à Gaza, a déclaré qu’elle souhaitait que le gouvernement israélien donne la priorité à la libération des personnes enlevées par le Hamas.
Malgré les critiques croissantes à l’encontre du leadership de M. Netanyahu et les menaces de M. Ben-Gvir de se retirer de la coalition gouvernementale, Mme Cusnir a déclaré qu’elle estimait que le Premier ministre était capable de prendre des décisions politiquement difficiles et qu’elle souhaitait qu’il en fasse davantage.
Elle a rappelé que M. Netanyahou avait réussi à libérer l’ancien soldat Gilad Shalit, qui avait été pris en otage par le Hamas à Gaza et libéré en 2011 en échange de prisonniers palestiniens.
"Bibi Netanyahou est mon premier ministre, il est le premier ministre d’Israël et je ne remets pas cela en question. Pour moi, c’est lui qui peut ramener les otages", a-t-elle déclaré. "Il a ramené Gilad Shalit, il sait comment le faire, il sait comment traiter avec l’opinion publique lorsque cela implique de payer un prix élevé ou difficile.
"En regardant ce que dit Netanyahou, je me sens confuse. J’ai l’impression qu’il veut ramener 136 corps".
Traduction : AFPS