Par ce biais, c’est la question de l’intégration de ces camps dans leur environnement local qui est posée, avec pour principal objet d’analyse les interactions qui se sont développées entre leurs habitants, aujourd’hui au nombre d’un million quatre cent mille, soit environ un tiers de l’ensemble des refugiés enregistrés, et les principales institutions en charge de leur gestion quotidienne, soit les autorités des pays d’accueil et l’UNRWA [1] (UNRWA, 2007).
On essaiera en particulier de s’interroger sur l’accélération récente des travaux de réhabilitation de nombreux camps depuis la fin des années 1990 en terme de rénovation de l’habitat et des réseaux routiers ainsi que de réfection des réseaux d’eau et d’electricité. La gestion des camps s’apparente-t-elle encore à ce que Blandine Destremau, se référant au cas jordanien au début des années 1990, appelait la « reproduction du provisoire » (Destremeau, B., 1994) ? Ou est-on entré dans une phase nouvelle d’implantation permanente des réfugiés dans leurs pays d’accueil, prélude à un règlement définitif du conflit israélo-arabe ?
Répondre à ces interrogations nécessite de revenir sur les principales étapes de la gestion des camps depuis 1949-1950, lorsque les premiers d’entre eux furent installés. Chacune de ces étapes, du remplacement des tentes par des unités d’habitation en dur dans les années 1950 à l’aménagement de ‘résidences modèle’ en Cisjordanie et en Syrie depuis le début des années 2000, témoigne de l’évolution du contexte politique et socioéconomique dans lequel les interactions trilatérales réfugiés/sociétés d’accueil/UNRWA se sont inscrites.
a) L’institutionnalisation des camps (1949-1960)
Les camps de réfugiés palestiniens dits ‘officiels’ [2] s’élèvent sur des parcelles de terres d’État ou de terres privées mises à la disposition de l’UNRWA depuis mai 1950 par les autorités d’accueil pour y secourir les plus démunis des réfugiés : il s’agissait de leur assurer un logement gratuit et de leur faciliter l’accès aux services de base : rations de secours, instruction primaire et préparatoire, et soins de santé [3]. Le séjour dans les camps ne devait être que temporaire, le temps que les programmes de travaux de l’UNRWA rendent les réfugiés concernés autonomes [4]. En 1950, les réfugiés des camps constituaient environ un tiers des quelques 900 000 réfugiés alors enregistrés ; une proportion identique à celle d’aujourd’hui, soit 1,356 millions sur un total de 4, 5 millions de réfugiés (UNRWA, 1951 : par. 16 et 25 ; UNRWA, 2007).
Plusieurs facteurs, dont les faibles capacités d’absorption des pays d’accueil ainsi que l’attachement massif des réfugiés des camps à leur ‘droit au retour’, finirent par mettre un terme aux velléités de réintégration collective de l’UNRWA dès le fin des années 1950 (UNRWA ; 1982 : p. 97-104). Leur existence préservée, les camps acquirent alors une signification politique indiscutable, devenant au fil des années l’un des symboles les plus marquants de la préservation d’une identité spécifiquement palestinienne en exil, fondée sur la mémoire de la terre perdue de Palestine et articulée autour des structures familiales ou claniques traditionnelles (Dorai, K., 2005 ; Sanbar, E., 1984). [5]
Champ d’action privilégié, mais non exclusif, de l’UNRWA, les camps témoignent également de la responsabilité des Nations Unies dans la prise en charge humanitaire et le règlement politique de la question des réfugiés. [6] Malgré leur catégorisation par les sociétés d’accueil comme des entités ‘à part’ -des poches de pauvreté au conservatisme social et à l’engagement politique plus marqués- les camps s’ancrèrent graduellement dans leur environnement local.
Ce processus résulta des relations sociales, professionnelles et politiques qui s’établirent entre les réfugiés des camps et les sociétés d’accueil en fonction du statut juridique plus ou moins discriminatoire que les législations nationales leur avaient conféré, en général au nom du respect du ‘droit au retour’ : de citoyen ‘temporaire’ en Jordanie, à apatride dans les autres pays d’accueil (Al Husseini, J., 2006 : 110-115). [7]
En revanche, parce qu’elle impliquait une éventuelle implantation durable des réfugiés, l’évolution infrastructurelle des camps se fit beaucoup plus lentement. Ainsi, l’opération de remplacement des tentes par des unités d’habitation en dur, entamée en 1951, prit près de dix longues années et d’innombrables campagnes de persuasion auprès des communautés de réfugiés. Encore plus lente fut l’harmonisation des réseaux d’électricité et des eaux potables et usées, qui fonctionnèrent longtemps de manière autonome. Ainsi, le pourcentage des unités d’habitation reliées au réseau d’eau municipal reste négligeable jusqu’en 1960 ; il atteignit 10% en 1967 (en Jordanie principalement), 25% en 1970, 50% en 1980 et entre 95% et 100% au cours des années 1990-2000 seulement (UNRWA, 2004). Emblèmes indéracinables du ‘droit au retour’, les camps se devaient de demeurer des lieux temporaires, statutairement isolés des municipalités voisines. L’interdiction imposée aux réfugiés de construire le moindre étage aux unités d’habitation, illustrent cette volonté de préserver le caractère temporaire des camps.
b) De la consolidation des camps à leur réhabilitation (1960-1987)
Relativement maîtrisé durant les années 1950, le développement urbanistique des camps se complexifia de manière incontrôlée par la suite, l’UNRWA et les pays d’accueil éprouvant les plus grandes peines à gérer l’accroissement démographique de leur population. C’est souvent de manière anarchique que les réfugiés étendirent les unités habitations, dont les premiers modèles, en Jordanie par exemple, consistaient en une pièce de 12m2 par famille de 4-5 membres (2 pièces pour les familles de 6-8 membres) dans des parcelles ne dépassant pas 80-100m2. [8]
L’extension se fit d’abord horizontalement, restreignant ainsi les voies de passage ainsi que les espaces publics ; puis verticalement, en violation de l’interdiction de construction d’étage(s), nuisant en cela à la qualité de l’habitat et à celle de l’hygiène publique : mauvaise isolation, manque d’ensoleillement et de ventilation. Ce schéma s’étendit aux quartiers environnants, à mesure que les réfugiés se sentant trop à l’étroit dans l’espace des camps en sortirent, souvent pour s’établir dans leur voisinage. Villes et camps urbains finirent souvent par ne plus constituer qu’un même bloc. Mais aux yeux des réfugiés, cette tendance n’augurait nullement la dissolution des camps au sein des municipalités voisines ; bien au contraire, les camps étendaient leur espace ainsi que les réseaux sociaux qu’ils abritent au reste des villes.
L’émergence de la résistance palestinienne sous la houlette de l’OLP à partir des camps de réfugiés de Jordanie et du Liban provoqua dès la fin des années 1960 une mutation du discours palestinien sur les camps et leurs habitants. Basée sur le dynamisme éducatif des réfugiés nés en exil, cette mutation se voulait émancipatrice : elle visait à transformer la représentation des réfugiés des camps, de personnes économiquement vulnérables et dépendantes de l’assistance humanitaire en combattants fedayin maîtres de leur destin.
Mais elle ne concerna pas immédiatement l’amélioration de l’habitat des camps : la norme rigide du ‘droit au retour’, source de précarité infrastructurelle, restait encore de rigueur même si, comme le nota le Commissaire général de l’UNRWA au milieu des années 1970, les réfugiés plus instruits de la seconde génération de réfugiés commencèrent à s’intégrer au marché du travail régional et à procéder eux-mêmes à la rénovation de leur unités d’habitation (UNRWA, 1973/4 : 21, 27 ; 1974/1975 : 29).
L’évolution des politiques d’occupation israéliennes dans la bande de Gaza dès la fin des années 1970 amena l’OLP à réviser sa position au sujet des conditions de vie dans les camps. En effet, dans le sillage des accords de Camp David signés avec l’Egypte en 1978, les autorités israéliennes décidèrent de se lancer dans une stratégie de relogement volontaire des réfugiés vers des ensembles urbains nouvellement construits à l’extérieur des camps.
Fermement condamnés par l’OLP, ces projets connurent néanmoins un certain succès auprès des réfugiés des camps de Gaza : jusqu’à la fin des années 1980, près d’un quart d’entre eux y souscrivirent [9]. L’OLP tira vite les leçons de ces développements : quand bien même l’adhésion de principe des réfugiés au ‘droit au retour’ restait entière, l’augmentation de leurs revenus depuis 1967 grâce à leur intégration dans les marchés du travail israélien et des pays du Golfe, conjuguée à leurs espoirs maintes fois déçus de retour rapide aux foyers originels, avait suscité des aspirations matérielles difficilement compatibles avec une existence dans l’espace confiné et souvent insalubre des camps.
L’amélioration des conditions de vie devint donc une condition sine qua non de leur préservation, ainsi qu’un moyen de contrer l’influence idéologique de l’occupant israélien. Profitant de fonds arabes destinés à soutenir les institutions des territoires palestiniens occupés depuis 1978, l’OLP finança durant les années 1980 plusieurs projets infrastructurels proposés et exécutés par l’UNRWA, comme l’extension et la rénovation des installations éducatives et sanitaires de l’agence, le drainage des eaux stagnantes, et la réfection d’unités d’habitation délabrées (Al Husseini, J., 2000 : 57-58). Encore limitée aux camps de Gaza, cette approche ‘développementaliste’ promue par l’OLP avec l’approbation, voire la participation, des réfugiés, s’est graduellement étendue au reste du Proche-Orient dès la fin des années 1980 à un rythme dicté par l’évolution du conflit israélo-arabe, ainsi que les intérêts des autorités d’accueil.
c) Le développement des camps comme prélude à leur dissolution symbolique et physique ? (1988-2008)
L’avènement d’un État palestinien que fit entrevoir la première Intifada en Cisjordanie et dans la bande de Gaza dès décembre 1987 incita la communauté internationale à y améliorer durablement les conditions de vie. Les camps de réfugiés, d’où partit cette Intifada, furent les premiers visés. Dès 1988, l’UNRWA y procéda, avec l’accord des communautés de réfugiés, à la rénovation de l’infrastructure physique et sociale des camps. [10]
Cette approche ‘développementaliste’ et participative se confirma au lendemain du lancement ‘processus d’Oslo’ en septembre 1993. Dès décembre de cette année là, l’Assemblée Générale des Nations Unies chargea en effet l’UNRWA de « contribuer de façon décisive à imprimer un nouvel élan à la stabilité économique et sociale des territoires occupés » [11]. Le ‘Programme pour la mise en œuvre de la Paix’ qu’adopta alors l’UNRWA visa à l’instauration d’une infrastructure socio-économique permanente dans ces territoires, en soutien à l’Autorité palestinienne, et avec l’appui actif de cette dernière. La mise entre parenthèse de cette dimension ‘étatique’ du mandat de l’UNRWA suite à l’éclatement de l’Intifada al-Aqsa en septembre 2000 n’a pas empêché l’agence de continuer à y promouvoir des projets innovants dans les camps : c’est le cas du projet de reconstruction du camp de Jenin, qui a vu son centre détruit remplacé dès 2002 par un quartier modèle suivant une approche participative impliquant l’ensemble des habitants du camp.
Parallèlement, dans une perspective à moyen, long terme, la Banque mondiale a financé des études concernant la transformation future des camps en quartiers d’habitation ‘réguliers’ répondant aux standards municipaux (Krafft, N., Elwann, A., 2007 : 135-137).
Ecartés de cette approche développementaliste centrée sur le processus de formation étatique palestinien, les autres pays d’accueil se virent pleinement concernés dès la fin des années 1990-début des années 2000. Pour ces derniers également, ce n’est plus à une reproduction quasi-statique du provisoire que doit tendre la gestion des camps, mais plutôt à un aménagement de ce provisoire en fonction de leurs intérêts socioéconomiques et politiques propres. En 1998, les autorités jordaniennes furent les premières à se lancer dans une politique volontariste d’amélioration des conditions de vie dans les camps. Ceux-ci furent couverts par l’Economic and Social Productivity Programme (SPP), un programme national financé par la Banque mondiale, visant à l’amélioration des conditions de vie dans les poches de pauvreté du Royaume. En l’espace de quelques années, la plupart des camps en Jordanie ont vu leur infrastructure physique et une partie de leur habitat entièrement rénovée. En Syrie également, l’amélioration des conditions de vie des réfugiés a mobilisé l’attention des autorités.
En collaboration avec l’UNRWA, des projets d’une envergure sans précédent ont été mis en œuvre. En particulier, en 2002 a débuté le relogement volontaire de réfugiés du camp surpeuplé de Neirab (région d’Alep) vers un complexe urbain bâti sur mesure dans le camp informel voisin de Ayn al-Tall, ainsi que la remise en état du réseau d’évacuation des eaux usées et des voies d’accès dans plusieurs camps de la région de Damas. Et même le Liban, le pays d’accueil le plus fortement opposé à aux projets de rénovation des camps en raison de l’implantation permanente des réfugiés que ceux-ci sont susceptibles d’induire, a autorisé depuis 2005 l’UNRWA à entreprendre des travaux infrastructurels dans les camps du Sud-Liban (asphaltages des ruelles des camps, mise sous terre des voies d’évacuation des eaux usées, etc.), ce à quoi il s’était opposé jusque-là. En juin 2006, ces camps ont même eu l’honneur de visites d’une délégation ministérielle libanaise. Celle-ci n’a pas manqué de s’offusquer de l’état de délabrement des camps et de promettre haut et fort une révision de la politique libanaise à ce sujet.
Cette évolution spectaculaire de la politique de gestion des camps a contribué à consolider leur existence tout en respectant leurs caractéristiques spécifiques, bien reconnaissables pour n’importe quel observateur : entourés de frontières souvent invisibles mais par définition rigides, les camps sont demeurés des espaces aux densités de population et à la précarité architecturale bien plus marquées qu’ailleurs [12]. Par ailleurs, les installations de l’UNRWA, parées de leurs drapeaux au sigle des Nations Unies, sont là pour rappeler à ceux qui n’y auraient pas été attentifs, le statut spécifique dont jouissent les camps.
Pourtant, c’est généralement en termes de craintes et de frustrations que les réfugiés des camps, encore plus que leurs frères d’infortune vivant dans les villes et campagnes des pays d’accueil, décrivent aujourd’hui leur condition. A tel point que leur acceptation des récents travaux de réhabilitation a parfois été interprétée, non plus comme l’expression d’une volonté de résistance identitaire au nom du ‘droit au retour’, mais comme l’expression d’un esprit défaitiste généré par les évolutions particulières du mouvement national palestinien depuis la conclusion des ‘Accords d’Oslo’ de septembre 1993 : d’une part les positions ‘pragmatiques’ de la direction palestinienne qui a semblé plus d’une fois prête à sacrifier la question des réfugiés à l’avantage de son projet étatique en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ; et d’autre part, la paralysie des institutions politiques et sociales de l’OLP dans la plupart des pays du Proche-Orient. A cela il faut ajouter la nouvelle transformation des représentations dont ont été l’objet les camps au sein sociétés des d’accueil. Symboles traditionnels de la résistance palestinienne depuis la fin des années 1960, ils sont redevenus, à quelques exceptions près, [13] des espaces de marginalité socioéconomique obstacles à la prospérité de l’ensemble du Proche-Orient, voire même des « camps d’internement humain » pour reprendre les termes d’un rapport préparé en 1996-1997 par des universitaires de Cisjordanie en collaboration avec différents ministères de l’Autorité palestinienne (Dakkak, I. & Said N., 1997 : 73). En Jordanie, où la plupart des camps ont été établis sur des terres privées, la menace de leur démantèlement et de l’expulsion de leurs habitants s’est faite très précise durant la période ‘active’ du processus de paix (1994-2000), lorsque les propriétaires de ces terres en ont réclamé la restitution (Feyçal, A., 1996 : 7) [14].
L’Intifada al-aqsa et le dérèglement subséquent du processus de paix ont quelque peu relégué ces perspectives à l’arrière-plan. Suite aux destructions massives subies par les camps de Jenin et ceux de la bande de Gaza, les camps se sont même par instants réapproprié leur aura de bastion de la résistance palestinienne. Mais l’avenir des camps de réfugiés et, plus généralement, le statut permanent des réfugiés -résidents des camps ou non- reste bien incertain. Malgré les efforts de rénovations infrastructurels consentis par l’UNRWA et les pays d’accueil, le stigmate de la marginalisation économique et sociale reste prédominant [15].
C’est aujourd’hui principalement en termes de dépendance socioéconomique, d’insalubrité publique, de délinquance, de possession illégale d’armes et, plus récemment, de foyers privilégiés d’un islamisme radical montant que les camps sont généralement représentés (Hamarneh, A., 2002 ; Rougier, B., 2006). La dégradation de leur statut social a placé les réfugiés de camps devant le dilemme suivant : s’ils restent pour la plupart attachés à la préservation du camp en tant qu’atout politique collectif devant être préservé jusqu’au règlement juste de leur situation, individuellement, ils se montrent beaucoup plus enclins à se reloger dans des régions ou des quartiers plus confortables, n’hésitant pas, comme cela a été remarqué dans certains camps urbains de Jordanie et du Liban, à louer et même à vendre leurs unités d’habitation à des non-réfugiés, dont nombres de travailleurs immigrés attirés par les prix modérés proposés (pour le cas Jordanien, voir Hamarneh, A., 2002 : 181-184). Faut-il voir là l’amorce d’un processus graduel de dissolution des camps, indépendamment de l’attachement des réfugiés à leur ‘droit au retour et à la compensation’ ?
Conclusion
Si la gestion des camps de réfugiés palestiniens n’a cessé d’être marquée par la ‘norme’ du ‘droit au retour’, sa mise en œuvre a varié selon l’adaptation des réfugiés et des acteurs institutionnels impliqués à l’évolution du contexte politique et socioéconomique proche-oriental.
Longtemps considérée par les réfugiés ainsi que les autorités d’accueil comme une atteinte à ce droit, la réhabilitation de l’infrastructure des camps s’est ainsi muée, d’abord au cours des années 1980 dans les territoires occupés de la bande de Gaza et de Cisjordanie, puis dans les autres pays du Proche-Orient, en support essentiel à la préservation de ce droit : réhabiliter le camp, c’est en assurer la survie devant les plans d’implantation permanente envisagés par Israël et ses alliés. Cette évolution a garanti aux camps leur caractère temporaire tout en leur conférant une certaine intégration physique dans le tissu urbain des pays d’accueil.
Jusqu’aux ‘Accords d’Oslo’ de septembre 1993, cette évolution stratégique de la notion de réhabilitation a correspondu à l’évolution du statut sociopolitique du réfugié des camps : le réfugié démuni, dépendant de l’assistance internationale, s’émancipe dès la fin des années 1960 en se transformant en ‘héros’ du ‘droit au retour’ et en acteur emblématique de la résistance palestinienne contre Israël. Plus prosaïquement, nombres de réfugiés des camps se sont intégrés d’eux-mêmes dans les pays d’accueil au gré des opportunités socioprofessionnelles que ces derniers leur ont offert.
Le processus de paix engagé suite à la conclusion des ‘Accords d’Oslo’ a rompu l’équilibre matériel et symbolique sur lequel l’intégration qualifiée des réfugiés des camps était basée. En remettant en cause le statut des réfugiés et celui des camps sans aucune garantie quant à leur statut permanent, ce processus les a placés dans une situation délicate de porte-à-faux face à des sociétés d’accueil en mal de développement et de croissance économique, y compris dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza sous autonomie palestinienne.
En attendant la conclusion (ou l’absence) d’un accord définitif avec Israël, comment en effet concilier le projet de construction national-étatique dans l’ensemble des pays de la région, avec ses exigences d’intégration politique et de viabilité socio-économique, tout en préservant l’existence des camps, symboles du refus de l’implantation définitive des réfugiés, mais également figures de marginalité et de dépendance matérielle ?
Ces questions nous invitent à une discussion de fonds sur les modalités d’intégration géographique, politique, et socioéconomique des camps et de leurs habitants dans les sociétés d’accueil, et ce à l’échelle municipale, nationale et régionale. A cet égard, il convient de se départir des approches ‘essentialistes’ souvent adoptées par ceux qui, des acteurs politiques ou humanitaires aux chercheurs, tendent à produire une représentation figée des camps en termes exclusifs de ‘non-lieux’, de ‘camps d’internement’ ou, à l’inverse, de ‘lieux de mémoire’, selon leurs orientations idéologiques et/ou théoriques.
Comme l’a montré cette contribution, chacune de ces représentations représente seulement un aspect de la réalité complexe des camps, dont l’importance a varié en fonction des différentes phases de l’histoire agitée du Proche-Orient.
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