Chaque année des artistes de la Bande de Gaza se voient décerner des bourses par la France pour passer six mois à la Cité des Arts, à Paris. Hélas pour ces heureux élus, depuis la victoire électorale des islamistes du Hamas aux législatives de janvier 2006, la Bande s’est peu à peu transformée en une prison à ciel ouvert d’où il est presque impossible de s’échapper. A cause des nombreux contrôles imposés par le voisin israélien.
Gaza n’étant pas desservie par des compagnies aériennes commerciales, tout l’enjeu pour les Gazaouis souhaitant se rendre à l’étranger est de rallier un aéroport international. Difficile quand on sait que les Palestiniens sont interdits d’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv alors que c’est le plus proche ! Boursiers de la France ou non, ils sont contraints de se replier sur la capitale jordanienne, Amman, pour attraper un avion. Las ! Le trajet entre Gaza et Amman relève davantage du parcours du combattant que d’un avant-goût de vacances.
Erez, passage obligé
La sortie de la Bande de Gaza se fait obligatoirement par le point de passage d’Erez, situé du côté israélien. Et les contrôles effectués par les soldats de Tsahal s’avèrent si redoutables qu’en trois ans aucun des artistes gazaouis sélectionnés par le Consulat général de France à Jérusalem pour se rendre à la Cité des Arts, n’a réussi à passer.
Il y a quelques semaines, les autorités israéliennes ont fini par mettre en place de nouvelles procédures. Objectif officiel : faciliter le passage de ces jeunes dûment cornaqués par la France, sans pour autant les autoriser à embarquer à Tel-Aviv. Mais les diplomates tricolores ont vite fait de déchanter.
Début octobre, ils ont essayé de faire sortir un jeune artiste plasticien de Gaza invité à plusieurs reprises à la Cité des Arts, et ont appliqué à la lettre la nouvelle procédure mise en place par le ministère israélien des Affaires étrangères. En l’occurrence, que l’artiste demande un entretien avec le lieutenant Frankeinstein (sic !) de l’armée israélienne, affecté au terminal d’Erez pour obtenir, le moment venu, le droit de quitter Gaza en empruntant ce terminal. Lequel officier a fixé rendez-vous au jeune artiste à 6h30 du matin. C’était le début de la galère.
Bienvenue en Israël !
A 9h00, le plasticien faisait toujours le pied de grue côté palestinien et téléphone à un diplomate français pour lui demander la marche à suivre. Ce dernier entre alors en contact avec le lieutenant Frankeinstein et se voit répondre qu’il « s’en occupe » et que le jeune homme doit « attendre ». Quatre heures plus tard, l’artiste finit par décrocher un feu vert israélien, traverse le tunnel du terminal d’Erez et décroche son ticket pour une fouille en règle : à poil et inspection de chaque vêtement. Il est ensuite enfermé à double tour dans une cellule située au sous-sol du terminal où il somnole pendant une heure.
Lorsqu’il est enfin admis à rencontrer le lieutenant Frankeinstein, il aura attendu plus de sept heures…. Sans surprise, l’entretien avec le militaire israélien n’a rien à envier à un interrogatoire policier : « penchez-vous pour le Hamas ou le Fatah ? », « comment et de quoi vivez-vous ? », « quid de vos collègues et amis ? »… Cerise sur le gâteau, cette remarque du lieutenant qui lui demande pourquoi les Français ont tenu à ce qu’il rencontre un officier de l’armée israélienne alors qu’Israël n’a rien à reprocher au jeune homme…
Israéliens et Palestiniens inégaux devant les feux rouges
A Jérusalem, dans la zone limitrophe de Chufat, où habitent de nombreux Palestiniens, et French Hill, zone résidentielle israélienne, se trouve un important carrefour où se croisent une route de colons venant de leurs colonies dans le nord des territoires occupés et se rendant à Tel-Aviv ainsi qu’une route réservée aux Palestiniens se rendant à Jérusalem pour y conduire leurs enfants à l’école le matin ou pour y travailler. Les feux de circulation restent allumés au vert trois minutes pour les colons juifs et huit secondes pour les Palestiniens. Cherchez l’erreur…
Tout est bien qui finit bien puisque l’artiste décroche finalement l’autorisation de transiter par Erez lorsque le Consulat de France lui aura délivrer son visa pour venir en France. Ce qui n’a évidemment pas tardé, faisant de cet artiste le premier depuis 2005 à pouvoir se rendre à la Cité des Arts.
Lorsque le jeune homme quitte le lieutenant Frankestein, il est 17 heures (il est arrivé au terminal à 6h30 du matin). Il sera quitte pour une dernière frayeur sur le chemin du retour vers Gaza. Par crainte d’un contrôle musclé au check-point du Hamas dont les barbus ne manqueraient pas de trouver suspect qu’il ait passé un entretien avec l’armée israélienne, il a préféré se glisser dans un petit groupe de Palestiniens rentrant, eux aussi, à la maison.
Quand l’Afrique du Sud pratique la réciprocité
Les artistes gazaouis ne sont pas les seuls à rencontrer les pires difficultés avec les autorités israéliennes. Les diplomates étrangers sont à peine mieux lotis lorsqu’il s’agit d’entrer dans Gaza. S’asseyant sur les bons usages, les forces de sécurité israéliennes exigent de fouiller les voitures diplomatiques. Le Consul Général de France, mais aussi celui des Etats-Unis ont déjà été retenus plusieurs heures aux check-points érigés par les forces militaires dans les Territoires palestiniens occupés. La France, comme de nombreux autres pays n’ose pas protester. D’autres, telle l’Afrique du Sud, n’affichent pas ce type de pudeur. Il y a quelques mois, un diplomate sud-africain a été empêché de poursuivre sa route et retenu pendant plus d’une heure à un barrage israélien. La police sud-africaine en a fait de même le lendemain en bloquant un diplomate israélien pendant plus d’une heure près de Johannesburg.