Toutes les maisons du village de Susiya en Cisjordanie ont été construites sans permis. Par conséquent l’intention de l’Administration Civile de démolir les maisons semble respecter le droit, l’ordre et les règles d’aménagement. Le plan a même reçu le feu vert du Juge de la Cour Suprême Noam Sohlberg, qui, au début de mai, a refusé de différer la démolition jusqu’à ce qu’une audience puisse être tenue à propos du recours des villageois contre le rejet du plan directeur, qu’ils ont proposé, par les autorités.
Dans une réunion avec les villageois au début de la semaine dernière en présence du Major Général Yoav Mordechai, coordinateur de l’activité du gouvernement dans les territoires et du chef de l’Administration Civile, le Général de Brigade David Menachem, les responsables militaires ont laissé entendre qu’ils étaient soumis à des pressions – des colons entre autres – pour procéder à la démolition. Ils ont aussi déclaré qu’ils étaient intéressés par le dialogue et par la recherche d’une solution qui n’implique pas de démolitions attirant les médias, mais qui ne laisserait pas non plus les villageois à l’emplacement qu’ils occupent actuellement. Trois jours après la réunion, les villageois ont reçu une liste de 40 structures dont l’Administration Civile attendait qu’elles soient démolies par les habitants avant l’audience de la Haute Cour de Justice prévue pour le 3 août.
A Susiya, comme dans l’ensemble de la Zone C (les 60 % de la Cisjordanie sous contrôle total d’Israël) les autorités israéliennes édictent des lois d’aménagement pour justifier et bloquer les constructions et le développement palestiniens. Cela est entièrement fallacieux. Des lois parallèles sur les constructions rendent possible l’extension des colonies, tandis qu’autant de Palestiniens que possible sont déplacés et forcés de s’installer dans les Zones A et B, où les Palestiniens disposent d’une administration civile. Donc, invoquer le droit est une démarche particulièrement cynique.
Les familles qu’Israël veut déplacer de force de Susiya ont déjà été expulsés en 1986 d’un village troglodytique dans lequel ils ont vécu pendant plus d’un siècle et qui a été déclaré site archéologique. Ils ont trouvé refuge dans d’autres grottes, sur des terres qu’ils possédaient ou louaient, et au fil du temps ils ont bâti là des maisons et des enclos pour le bétail. En 2001, l’Administration Civile et l’armée ont commencé à démolir les habitations troglodytiques, les cabanes et les citernes.
La Haute Cour a arrêté les démolitions, mais n’a pas ordonné aux autorités d’autoriser les villageois à réparer leurs maisons ou à en construire de nouvelles.
En octobre 2013, l’Administration Civile a rejeté un plan directeur préparé par les villageois qui aurait autorisé les habitants à solliciter des permis de construire, en déclarant que pour le bienfait des habitants et dans l’intention “d’améliorer le statut” des femmes, ils devaient déménager vers les abords de la ville de Yatta, placée sous le contrôle de l’Autorité Palestinienne. Le démantèlement du village palestinien de Susiya permettrait à la colonie de Susiya, créée en 1983, de mettre la main sur les terres palestiniennes et de créer un autre “bloc de colonies” devant faire partie du soi-disant consensus national.
Les Etats-Unis ont récemment mis en garde contre la démolition de Susiya, en déclarant que sa destruction “aurait un effet allant au-delà des personnes et des familles qui sont expulsées”. Mais la démolition ne doit pas être évitée pour des raisons diplomatiques ; de préférence, la Haute Cour de Justice doit éviter de se cacher derrière des arguments fallacieux et de mauvaise foi relatifs à l’ordre public. Approuver le plan directeur préparé par les villageois et reconnaître officiellement le village palestinien qui a été construit après une précédente expulsion est une occasion de trouver une solution.
Traduit de l’anglais par Y. Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers