« La sécurité d’Israël dépend de notre indépendance et de notre propre sécurité. La poursuite de l’occupation n’apportera jamais la sécurité à personne. » S’exprimant à Ramallah à l’occasion de la commémoration officielle de la Nakba (la « catastrophe » que représente pour les Palestiniens la création de l’Etat hébreu le 14 mai 1948), Mahmoud Abbas a déclaré jeudi que « soixante ans de rancœur et de frustration ne doivent pas faire perdre espoir au peuple palestinien ». Il a estimé que « le moment est arrivé de créer un Etat indépendant » et il a réaffirmé le droit au retour des réfugiés de 1948 et de 1967.
Au même moment, sur la place Al-Menara (le cœur de la ville) des réfugiés venus du camp d’El-Hamari ont défilé en compagnie de militants du Fatah et d’une série d’autres organisations palestiniennes (sauf le Hamas). Ils brandissaient la clef de leur domicile abandonné en 1948 ou en 1967. « Je n’ai plus revu Salameh (ndlr : un village englobé dans le grand Tel-Aviv) depuis soixante ans et je me demande ce que la ferme de mes parents est devenue, explique cette paysanne habillée de la robe brodée traditionnelle. Lorsque nous avons quitté nos murs dans une charrette tirée par un âne, je ne me suis pas rendu compte que l’on partait pour toujours. Je me souviens encore de l’odeur du jasmin et du coucher de soleil sur la plage. Je donnerais beaucoup pour revoir cela un jour. »
Quant à Mohamad, son époux originaire de Jaffa (une ville arabe faisant désormais partie de Tel-Aviv), il focalise ses souvenirs sur un arbre qui a bercé toute sa jeunesse. « Mon grand-père l’avait planté pour moi et j’aimais l’arroser, dit-il. Est-il encore en place ou a-t-il été remplacé par des hôtels de luxe ? »
A l’occasion de la Nakba, l’Autorité palestinienne a érigé un village de tentes rappelant que les réfugiés ont vécu de longs mois dans ces habitations sommaires. Symboliquement leurs descendants y habitent depuis le début de la semaine « pour rappeler ces souffrances méconnues ». Parmi ceux-ci, Nadia, une étudiante à l’Université de Bir Zeit, guide les visiteurs devant le monument rappelant les 420 villages palestiniens rasés après la création de l’Etat hébreu. Elle distribue également un communiqué de la Commission nationale de commémoration de la Nakba exigeant « la récupération de nos propriétés et de nos biens spoliés ». « Il n’y aura jamais de paix véritable sans droit au retour, assène-t-elle. Après tout, les Juifs victimes des nazis ont exigé que leurs biens spoliés soient restitués. Pourquoi cette prérogative et le devoir de mémoire seraient-ils refusés aux Palestiniens ? »
Dans d’autres grandes villes de Cisjordanie, des dizaines de milliers de personnes ont également défilé pour commémorer la « catastrophe ». A Kalkiliya, à quelques mètres du mur de séparation, la mairie contrôlée par le Hamas a inauguré une clef métallique géante dans le parc municipal. Dans les villages voisins, des voitures de colons ont été attaquées à coups de pierres.
Dans la bande de Gaza, les radios-télévisions contrôlées par le Hamas ont appelé les Palestiniens à marcher en direction d’Erez, le principal point de passage avec l’Etat hébreu, mais ces mots d’ordre n’ont pas vraiment été suivis d’effet. Quelques centaines de Palestiniens se sont effectivement approchés des positions israéliennes, mais les soldats de Tsahal les ont repoussés en ouvrant le feu et en blessant trois protestataires.
Enfin, en Israël même, des bagarres ont éclaté sur plusieurs campus universitaires entre des étudiants juifs et des arabes israéliens vêtus de noir « pour marquer la perte de notre terre ». « Il nous était difficile de ne pas commémorer cette journée, déclare Aroud, le leader des étudiants arabes de l’Université de Haïfa. Après tout, nos racines sont ici. Nos ancêtres sont enterrés dans les alentours et les Juifs qui célèbrent les 60 ans de l’existence d’Israël ont trop souvent tendance à l’oublier. » [1]
Sur RFI [2] :
Des ballons noirs pour la Nakba
Les Palestiniens ont commémoré jeudi à leur façon le 60e anniversaire de l’Etat d’Israël en manifestant dans la rue, en actionnant des sirènes et en lâchant des milliers de ballons noirs dans le ciel. Mais, le défilé organisé à Gaza par le Hamas pour la Nakba (la catastrophe de la création de l’Etat hébreu) n’a pas eu le succès escompté.
La grande manifestation annoncée par le Hamas n’a pas tenu ses promesses. C’était finalement une manifestation limitée : pas plus de quelques milliers de personnes, dans un lieu symbolique, Erez, le point de passage avec Israël.
« Nous sommes là pour montrer que nous avons le droit de rentrer chez nous », disait l’un des manifestants.
Des femmes lançaient des insultes
Plusieurs autres rassemblements pour le droit au retour des réfugiés ont eu lieu à Gaza, organisés par le Jihad islamique ou par le Hamas, à chaque fois pour marquer l’intransigeance sur le droit au retour. Le Hamas se pose en garant du droit au retour, celui qui ne fera pas de concession.
« Mahmoud Abbas est un homme faible, mais la population n’est pas avec lui », a dit l’un des députés du Hamas à propos des négociations en cours entre Israël et l’Autorité palestinienne.
A côté du député, des femmes lançaient des insultes à l’intention du président de l’Autorité palestinienne jugé responsable du blocus qui frappe Gaza.
Le souvenir de la Nakba n’est pas parvenu à unifier les factions politiques palestiniennes.
Voir al-Ahram hebdo [3] :
Chronologie
1947
Février : Le gouvernement britannique, ne parvenant plus à maintenir l’ordre en Palestine, décide de remettre son mandat à l’Onu.
Mars : La Ligue arabe rend la Grande-Bretagne et les Etats-Unis responsables de la détérioration de la situation en Palestine.
Mai : L’Onu désigne les membres d’un comité, l’UNSCOP (United Nations Special Committee On Palestine), composé de représentants de 11 Etats.
Septembre : Publication du rapport de l’UNSCOP. La majorité des membres recommande la partition de la Palestine et la minorité recommande la création d’un Etat fédéral.
Octobre : L’agence juive accepte l’idée de la partition.
Novembre : L’Assemblée générale de l’Onu adopte la résolution 181 sur le partage de la Palestine. La Haganah appelle les juifs de Palestine âgés de 17 à 25 ans à s’inscrire pour le service militaire.
Décembre : La Haganah lance son plan destiné à chasser la population palestinienne et occupe des positions stratégiques dans le pays.
Les Arabes forment l’Armée de la Libération pour aider les Palestiniens à résister au partage.
Les Etats-Unis annoncent un embargo sur les armes vers la Palestine et les pays arabes.
La Grande-Bretagne déclare la fin de son mandat sur la Palestine pour le 15 mai 1948.
La Haganah attaque le village de Khisas et tue 10 palestiniens puis celui de Qazaza.
1948
Janvier : Le premier contingent formé de 330 volontaires arabes arrive en Palestine.
Février : Ben Gourion donne l’ordre à la Haganah à Jérusalem de s’emparer de l’ensemble de la Ville sainte.
L’immigration illégale commence. Le navire Independence arrive à Tel-Aviv avec 280 volontaires qui rejoignent la Haganah.
Mars : La Haganah déclare la mobilisation générale et commence à exécuter le plan Dalet destiné à expulser les Palestiniens.
Avril : Arrivée de la première cargaison d’armes tchèques à Haifa. La Haganah s’empare du village palestinien de Castel. Abdel-Qader Al-Husseini, le chef militaire palestinien à Jerusalem District, est tué.
L’Irgoun, la bande paramilitaire sioniste, massacre la population du village de Deir Yassin. Les villages sur la route vers Jérusalem en sont attaqués et détruits.
Les Britanniques évacuent subitement la ville de Safed puis Haifa. Le Conseil de sécurité appelle à un cessez-le-feu.
Mai : Entre 175 000 et 200 000 Palestiniens sont chassés de leurs maisons par les sionistes.
Le Liban et la Syrie décident d’envoyer des troupes en Palestine avec la fin du mandat britannique. L’Iraq suivra puis l’Egypte. Trois cargaisons d’armes à la Haganah arrivent de France.
Le 14 mai : L’Etat d’Israël est proclamé à Tel-Aviv.
Le 15 mai : Fin du mandat britannique. Le président Truman reconnaît l’Etat d’Israël. Les troupes égyptiennes franchissent la frontières avec la Palestine. La brigade arabe traverse le Jourdain.