Tandis que l’accord sur le nucléaire avec l’Iran a accaparé la majeure partie de l’attention et mis en lumière les tensions ininterrompues cette semaine dans les relations entre les USA et Israël, le minuscule village palestinien de Susiya a réussi aussi à retenir l’attention du Département d’Etat des Etats-Unis. Israël a précisé qu’il se prépare à démolir des parties du village de Cisjordanie, après le Ramadhan, qui se terminera officiellement vendredi, ou après les vacances musulmanes actuelles de l’Aid el-Fitr.
Selon Nasser Nawaj’ah, habitant de Susiya, qui est aussi un chercheur de B’Tselem, l’Administration Civile de l’armée israélienne (le gouvernement militaire de la Cisjordanie) a informé les habitants de son intention de démolir environ la moitié des structures du village une fois que le mois de Ramadhan sera passé : 10 maisons d’habitation, un centre de santé, huit abris pour les animaux, 12 entrepôts et des dépendances. L’examen d’une pétition à la Haute Cour faisant appel des démolitions et d’un plan d’expulsion des habitants de Susiya n’est prévue que pour le 3 août.
Interrogé sur la situation, le porte-parole du Département d’Etat des USA, John Kirby, a déclaré jeudi :
“Nous suivons de près l’évolution de la situation dans le village de Susiya en Cisjordanie et nous exhortons les autorités israéliennes à s’abstenir de mettre à exécution toute démolition que ce soit dans le village. La démolition de ce village palestinien ou de parties de celui-ci et les expulsions de Palestiniens de leur foyer serait nuisible et provocatrice.
De telles actions ont un effet au-delà des individus et des familles qui sont expulsés. Nous sommes inquiets de ce que la démolition de ce village puisse aggraver l’atmosphère en vue d’une solution pacifique et puisse établir une norme préjudiciable de déplacement et de confiscation de terres, étant données particulièrement les activités liées à l’établissement de colonies.
Nous exhortons les autorités israéliennes à travailler avec les habitants du village pour mettre au point un projet pour le village qui réponde aux besoins humanitaires des habitants.”
Quoiqu’il soit important que le Département d’Etat mette en garde Israël contre les mesures de démolition, Israël a déjà, à de nombreuses reprises dans le passé, “établi une norme préjudiciable de déplacement et de confiscation des terres” et l’administration Obama n’a rien fait à ce sujet. Al Araqib, un village bédouin “non reconnu”, à l’intérieur même d’Israël, dont les habitants sont des citoyens israéliens à part entière, n’ont pas bénéficié à ma connaissance de la même sorte d’attention de la part de Washington.
La seule raison pour que Susiya en bénéficie est que sa démolition constituerait un autre pas dans l’annexion de facto par Israël de la Zone C (plus de 60 % de la Cisjordanie) et dans le déplacement forcé des Palestiniens, empêchant l’inclusion de la Zone C dans ce qui est défendu comme faisant partie d’un futur état palestinien.
Les militants israéliens ont organisé une présence constante dans le village à partir de vendredi en solidarité avec les gens de Susiya et pour enregistrer toute action des forces israéliennes. Il y a aussi des pétitions mises en circulation, en Israël et parmi les partisans de la Voix Juive pour la Paix aux USA, exigeant l’abrogation par Israël de son projet.
Des décennies de lutte et une histoire d’expropriations
Israël a expulsé pour la première fois les habitants de Susiya de leurs terres en 1986, afin de construire une colonie juive portant le même nom et pour créer un centre archéologique au sommet du village palestinien. Les Palestiniens déplacés ont déménagé le village vers leurs terres agricoles contiguës et se sont battus depuis lors pour continuer à exister.
L’armée israélienne cependant n’a jamais donné aux habitants de Susiya l’autorisation de bâtir leurs maisons à l’endroit actuel. Susiya est située au Sud des collines d’Hébron, dans la Zone C de Cisjordanie, qui selon les accords d’Oslo est sous l’entier contrôle d’Israël.
La raison pour laquelle les Palestiniens du Sud des Collines d’Hébron ont procédé à des constructions illégales est due au refus systématique des autorités israéliennes de leur délivrer des permis de construire ou de reconnaître tout droit d’aménagement. L’armée israélienne rejette 90 % des demandes palestiniennes d’aménagement dans la Zone C et la plupart des villages dans cette zone affrontent des restrictions et des menaces de destruction quasi-identiques. Des colonies pour les Israéliens juifs, toutefois apparaissent continuellement dans la région.
En mai dernier, la Haute Cour de Justice a donné à l’Etat le feu vert pour détruire le village à tout instant en refusant de publier un arrêt de suspension jusqu’à ce qu’un appel soit entendu.
Traduit de l’anglais par Y. Jardin, du GT de l’AFPS sur les prisonniers