FLOTTILLE DE LA LIBERTÉ II
Tristement, comme on pouvait s’y attendre, le rapport Palmer-Uribe sur l’incident concernant la Flottille de la liberté I, le 31 mai 2010, rapport qui a fait l’objet d’une fuite dans le New York Times le 1er septembre, exonère Israël de ses crimes. Bien que le rapport blâme les forces israéliennes pour avoir fait un usage excessif de la force en donnant l’assaut contre nos navires civils en route vers Gaza, il justifie le blocus de Gaza en se fondant sur des bases erronées, met en doute les intentions des organisateurs de la flottille, et s’abstient d’exiger des auteurs des violations des droits de la personne qu’ils assument leurs responsabilités.
Dès le départ, la composition du comité Palmer-Uribe faisait problème. La nomination de l’ancien président colombien, Alvaro Uribe, à titre de vice-président de ce groupe, en discréditait d’avance l’intégrité et l’impartialité. Compte tenu de l’association étroite entre Uribe et la pratique militaire et paramilitaire d’assassinat de civils en Colombie, et de son mépris notoire pour les défenseurs des droits de la personne, sa nomination au sein d’un groupe qui avait pour mandat d’examiner des questions liées aux droits humains était pour le moins problématique. Qui plus est, le gouvernement d’Uribe n’avait jamais caché ses intentions de resserrer sa coopération militaire avec Israël. [1]
En plus des problèmes liés à sa composition, le comité ne visait pas à faire la lumière sur l’incident ni à obtenir justice pour les victimes, mais à proposer un compromis politique, afin de rétablir les relations entre Israël et la Turquie. Le Comité avait pour unique mission d’examiner les rapports d’enquête internes de la Turquie et d’Israël, et aucun de ses membres n’a rencontré de témoins ni mené d’enquête objective approfondie d’aucune sorte. Il s’agit d’une tentative politique de reléguer dans l’ombre la seule enquête indépendante et impartiale, et le rapport qui en a découlé, ayant trait à l’assaut sur la flottille, enquête commandée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (A/HRC/15/21), et effectuée par trois experts reconnus internationalement en matière de droits de la personne. Les Nations Unies n’ont pas encore pris acte des constatations et des recommandations de ce rapport rendu public le 23 septembre 2010.
Entre autres allégations outrageantes, le Comité Palmer-Uribe soutient qu’Israël avait le droit d’imposer un blocus naval sur Gaza pour assurer sa sécurité légitime. Cette justification passe entièrement sous silence le fait que le blocus naval s’inscrit dans un régime général de fermeture que de nombreux organismes des droits de la personne, notamment différents organismes des Nations Unies, ont déclarée illégale. En outre, on passe sous silence les preuves incontestables que le blocus naval et le régime de fermeture n’ont rien à voir avec la sécurité d’Israël, mais visent plutôt à mettre de la pression sur la population de Gaza. Les dirigeants israéliens ont déclaré publiquement que le blocus constituait un outil de guerre économique dans le but de maintenir l’économie de Gaza au bord de l’effondrement, dans l’espoir d’inciter ses citoyens à se soulever contre le gouvernement du Hamas. [2]
Le fait de s’en prendre à des civils pour faire pression sur un gouvernement contrevient au droit humanitaire international qui interdit cette pratique, une forme de châtiment collectif illégal en vertu de la quatrième Convention de Genève.
Le rapport Palmer-Uribe identifie à tort l’International Humanitarian Relief Organization (IHH) comme le principal promoteur de la planification de la flottille, et accuse les organisateurs de la Flottille de la liberté que nous sommes d’avoir agi avec témérité ; le rapport met en doute la nature humanitaire de notre action (pages 46 à 48). Six organisations non gouvernementales internationales de la société civile ayant toutes participé à cette entreprise à part égale, ont planifié la Flottille de la liberté I. Notre action consistait en une forme légitime d’intervention directe non violente. Nous rejetons la conclusion du couple Palmer-Uribe selon laquelle les soldats israéliens ont été confrontés à de la « violence organisée ». Les commandos lourdement armés qui ont tenté de s’emparer du Mavi Marmara en haute mer ont plutôt fait face à une poignée de passagers non armés qui ont réagi par des gestes légitimes d’autodéfense, en réponse à une agression injustifiée.
Même si notre navire contenait 10 000 tonnes de marchandises dont la population de Gaza avait un besoin criant, nous n’avons jamais caché qu’en plus de lui apporter de l’aide, nous avions l’intention de briser le blocus illégal de Gaza. La crise humanitaire qui sévit à Gaza résulte d’une politique délibérée, illégale et immorale. Le fait de défier cette politique dans le but d’éliminer la cause des souffrances de toute une population constitue, en soi, une action humanitaire.
Même si le rapport convient qu’Israël a fait un usage excessif de la force envers des civils non armés, il n’exige pas que les responsables assument leurs actes. Le rapport signale qu’Israël n’a pas tenu compte des preuves médico-légales qui ont démontré que la plupart des neufs personnes tuées ont été atteintes par des projectiles multiples, parfois même dans le dos, ou qu’on a tiré sur elles à bout portant ; le rapport n’a pas non plus tenu compte des témoignages crédibles de mauvais traitements infligés à d’autres passagers aux mains des forces israéliennes. Le rapport recommande simplement qu’Israël exprime ses regrets, ce qui constitue une insulte envers les victimes et leurs familles, et ce qui mine gravement le droit international en matière de droits de la personne et de droit humanitaire international.
Enfin, le rapport passe sous silence la question des quatre autres navires de la Flottille de la liberté I, toujours détenus par Israël, ainsi que le refus du gouvernement israélien de rendre aux passagers des biens et de l’équipement valant plus d’un million de dollars, notamment des appareils photo et des caméras vidéo qui contiennent des éléments de preuve.
Nous soutenons la décision de la Turquie de durcir ses relations avec Israël et d’expulser l’ambassadeur israélien, et de suspendre les liens militaires entre les deux pays, et nous approuvons la déclaration de la Turquie selon laquelle le pays intentera des poursuites contre les Israéliens responsables de l’attaque. Ces mesures sont nécessaires pour mettre un terme à l’impunité d’Israël qui bafoue les droits humains des Palestiniens et qui fait fi du droit international. [1]