Cette semaine, au Caire, en Egypte, plusieurs factions palestiniennes étaient censées démarrer un dialogue inter-palestinien attendu depuis fort longtemps. En octobre dernier, après des discussions avec les principaux mouvements politiques, dont le Fatah et le Hamas, l’Egypte a proposé un plan pour mettre fin aux luttes intestines, appelant de ces vœux l’élaboration d’un gouvernement d’unité nationale, la réforme de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et des services de sécurité de l’Autorité Palestinienne (AP) et la préparation d’élections en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Le Hamas avait apparemment prévenu les officiels égyptiens qu’il ne participerait pas à cette rencontre. Il avait envisagé ce boycott en raison de réserves sur le projet d’accord, de divergences quant à l’extension du mandat présidentiel du président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas et d’une vendetta en cours menée par les services de Abbas contre les membres du Hamas en Cisjordanie.
En janvier, le président-élu Barack Obama sera intronisé nouveau chef de l’état américain. Le mandat de Abbas se terminera quelques jours auparavant, et en février auront lieu des élections en Israël. En 2010, le mandat du Conseil Législatif Palestinien prendra également fin.
Avec la fin de l’ère George W. Bush à la présidence américaine, l’échec du processus d’Annapolis montrera une fois pour toute que depuis la guerre de 1967, Israël a fait tout ce qui était en son pouvoir pour s’assurer que la solution à deux états ne verrait pas le jour. Toute une série de déclarations émanant du Quartet pour le Moyen-Orient et appelant Israël à « geler » la construction et l’extension des colonies sur des territoires palestiniens occupés et à faciliter la libre circulation des Palestiniens ont été ignorées par Tel-Aviv en toute impunité.
Lorsque ces négociations de façade se termineront sans résultats, le régime de Abbas et l’Autorité Palestinienne perdront les derniers restes de leur légitimité.
A l’origine, l’Autorité Palestinienne avait été créée pour mettre en oeuvre les Accords d’Oslo de 1993. Cet intérim devait en théorie prendre fin avant 1999 avec la création d’un état palestinien totalement indépendant – même si cela ne fut jamais affiché ainsi. Mais l’échec des négociations de Camp David en 2000, la rencontre de Taba qui suivit, la moribonde « feuille de route » et le processus bloqué d’Annapolis ont prolongé cette période « tampon » indéfiniment et sans qu’on en voie la fin. Il nous faire face à la réalité : c’est la fin de la solution à deux états. L’Autorité Palestinienne, sans autre raison d’être que de servir les intérêts d’Israël en tant que sous-traitant de l’occupant, ne doit pas être maintenue en vie. Son existence ne fait que prolonger l’injustice au lieu de précipiter sa disparition.
En 1988, le Conseil National Palestinien (CNP), le parlement de l’OLP, a approuvé la solution à deux états, acceptant la création d’un état palestinien sur à peine 22% du territoire historique de la Palestine (la Cisjordanie et la Bande de Gaza). Israël ayant toujours rejeté cette offre de paix aux implications importantes, le CNP peut maintenant la retirer. Mais pour être en mesure de le faire, la plus importante institution du peuple palestinien doit être refondée. L’OLP n’est maintenant plus qu’une coquille vide, et ne peut pas prétendre représenter fidèlement les Palestiniens. Il pourrait y avoir de nouvelles élections pour les 700 sièges ou presque du CNP et un nouvel exécutif de l’OLP pourrait être formé.
Plusieurs réseaux évoquent maintenant la solution consistant à refonder le CNP. Plus d’un millier de Palestiniens vivant en exil ont lancé un appel pour la rénovation du CNP dans un communiqué adressé à Abbas et publié par le quotidien jordanien al-Dustour en juillet dernier. Le communiqué demandait à Abbas de mettre en œuvre « les accords du Caire de 2005 qui prévoyaient la tenue d’une réunion du comité préparatoire à l’élection d’un nouveau CNP ». Les accords du Caire pour la réforme et la démocratisation de l’OLP ont été signés par le Fatah de Abbas, la faction dominante, et par d’autres factions palestiniennes dont le Hamas, qui ne fait pas partie de l’OLP. Jusqu’à présent, rien n’a été entrepris pour faire avancer le processus. Les signataires ont mis en garde contre « ceux qui ignoreraient les demandes du peuple palestinien de désigner le nouveau CNP par un processus électoral » et ont souligné « que ceux qui ne cherchent pas à défendre la parfaite représentativité de l’OLP s’isoleront du peuple palestinien et seront tenus pour responsables de la division de l’unité de son peuple et de sa lutte, construite dans le sang et la sueur, et grâce à un effort collectif de tout le peuple palestinien ».
Des reportages récents ont fait état que le chef du bureau politique du Hamas, Khalid Meshal, exilé à Damas, envisageait de rénover l’OLP avec Bassam Abu Sharif, membre du CNP et cacique du canal historique de l’OLP. La réforme de l’OLP est un sujet majeur des négociations entre factions palestiniennes qui doivent reprendre ce mois-ci au Caire et qui visent à restaurer « un gouvernement d’unité nationale » en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
Dès que tout le monde se sera accordé sur la tenue d’élections pour renouveler le CNP, le Comité Central Electoral Palestinien doit enclencher le processus et pourrait demander à l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) de mettre sur pied un processus électoral « déterritorialisé ». L’OIM a beaucoup d’expérience en ce domaine et a mené de telles élections en Bosnie Herzégovine, au Kosovo, au Timor oriental et en 2004 a organisé les deux plus importantes consultations « déterritorialisées » - avec inscription et vote des réfugiés de l’étranger, ce qui a donné l’opportunité aux Afghans et aux Irakiens de l’étranger, dont les réfugiés, de participer à des élections dans leur pays respectif. Aucune raison technique ou logistique n’empêche la tenue d’élections similaires pour les Palestiniens.
Non seulement les Palestiniens doivent reprendre l’initiative, mais ils doivent la conserver. Les dirigeants palestiniens ont besoin de légitimité, et les Palestiniens de tous horizons, où qu’ils vivent, doivent pouvoir faire rendre des comptes à ces dirigeants. Une vraie consultation ne devrait pas seulement impliquer des groupes ad-hoc mais tous les Palestiniens. Planifier des élections pour le CNP en est le moyen. Les Palestiniens ne devraient pas se bercer d’illusions à propos du « gouvernement » pro-américain de Ramallah. D’un autre côté, le Hamas ne représente pas tous les Palestiniens. En fait, la majorité des Palestiniens ne vivent ni en Cisjordanie ni dans la Bande de Gaza et n’ont jamais eu leur mot à dire quant au choix de leurs dirigeants. Ce dont les Palestiniens ont besoin, c’est d’un processus global, avec des moyens de rendre des comptes. Le plus grand atout des Palestiniens, c’est eux-mêmes – le peuple, mais à moins qu’on permette au peuple d’être impliqué, sa capacité à œuvrer pour sa libération est gâchée.