L’ambition des pamphlets n’est-elle pas de secouer la léthargie intellectuelle et les statu quo émollients ? Question vigueur, le lecteur sera servi. De l’angle d’attaque au style, privilégiant l’exclamation énervée, c’est d’une critique en règle de la politique israélienne qu’il devient le témoin.
En l’espèce, le recours au concept d’apartheid pour décrire les rapports israélo-palestiniens est le produit d’un parcours de journaliste plutôt que celui d’une réflexion idéologique. De 1984 à 1990, Michel Bôle-Richard fut le correspondant du Monde en Afrique du Sud, où il assista à l’épuisement d’un système de ségrégation raciale hérité de trois siècles de colonialisme. Après plusieurs postes en Europe, il s’installa à Jérusalem, en 2006.
La même année déjà, un correspondant du quotidien britannique The Guardian, Chris McGreal, passé lui aussi de l’Afrique du Sud à Israël, avait fait le constat de similitudes dans les colonnes de son journal. Que ces deux expériences historiques soient difficilement comparables ne fait pourtant pas de doute, comme le reconnaît d’ailleurs Michel Bôle-Richard. Ce dernier abandonne vite cette piste pour mettre en évidence les spécificités israéliennes, dont l’extension d’un système de double standard à la population arabe-israélienne, laquelle dispose en théorie de droits auxquels la réalité résiste, un plafond de verre qui ne cesserait de se renforcer sous l’effet du " dextrisme " cultivé par la majorité juive israélienne, ou bien la responsabilité des pays occidentaux qui financent un processus de paix doublement mensonger, faute de dynamique et de perspective dignes de son intitulé.
Si elle doit être dénoncée pour ses injustices, l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza est un concept juridique délimité qui n’a peut-être pas grand-chose à gagner à être rapproché d’une domination raciale bien spécifique, qui a fini par disparaître.
Rien ne permet en effet de discerner aujourd’hui les craquements dont Michel Bôle-Richard fut le témoin il y a plus de vingt-cinq ans à Johannesburg. Où que l’on se tourne, l’épuisement du sentiment national palestinien et l’ossification intellectuelle israélienne semblent promettre le pire. Cette perspective justifie le sentiment d’urgence qui irrigue chacun des chapitres de l’ouvrage, une inquiétude sans doute plus fédératrice qu’un procès en apartheid.
Israël, le nouvel apartheid
Michel Bôle-Richard
Les liens qui libèrent, 250 p., 18 €