L’actuel conflit à Gaza était une “catastrophe annoncée”. Quand celle-ci a fini par avoir lieu, le moment était particulièrement mal choisi : le mandat de George Bush touchait à sa fin, son gouvernement était essoufflé et le président élu Barack Obama s’est refusé avec entêtement (et avec raison) à faire connaître son point de vue, et encore moins à se laisser entraîner dans les aspects politiques de la crise.
Cette tournure des événements devrait avoir deux conséquences principales. Premièrement, les Etats-Unis ont la preuve une fois de plus de leur rôle incontournable en tant qu’arbitre politique au Moyen-Orient. Car, en l’absence des Etats-Unis, les acteurs internationaux (France) et régionaux (Egypte, Turquie) ne se sont pas montrés à la hauteur de la tâche. Ceux qui reprochent à Washington son rôle prépondérant dans le processus de paix israélo-arabe devront mettre un bémol à leurs critiques.
Deuxièmement, le gouvernement Obama va devoir s’attaquer plus rapidement que prévu à la relance du processus de paix israélo-arabe, en particulier sur la question palestinienne. Barack Obama est perçu au Moyen-Orient comme l’antithèse de George W. Bush. Mais il est aussi et surtout le premier président noir américain, avec un fort ancrage dans le tiers-monde. Pendant la campagne et après son élection, il a affirmé à maintes reprises que la diplomatie devrait prendre le pas sur la guerre. Il s’est dit favorable à la négociation avec l’Iran et la Syrie.
Que fera le nouveau président au Moyen-Orient ? Les spéculations vont bon train, mais les meilleurs analystes eux-mêmes n’ont pas de réponse tranchée. Barack Obama a été très mesuré dans ses déclarations postélectorales. Pendant le week-end du 10 et du 11 janvier, face à la gravité de la crise à Gaza, il a réitéré la position qu’il avait défendue lors de la campagne : il entend négocier avec l’Iran et promet de s’attaquer à la crise israélo-palestinienne dès son entrée en fonctions.
L’Iran tire les ficelles dans le monde arabe
A quoi pourrait ressembler la politique d’Obama le 21 janvier ? Elle devrait être menée sur deux plans : à court terme, Washington devrait s’attacher à résoudre la crise à Gaza, ou à en régler les conséquences immédiates ; à plus long terme, si l’on veut parvenir à une solution stable à Gaza, le nouveau président devra proposer des solutions aux problèmes fondamentaux de la région et travailler à l’amélioration des relations israélo-arabes.
Sur ces dossiers, le gouvernement Obama serait bien avisé d’abandonner deux idées reçues largement répandues. La première est que, pour traiter efficacement de questions régionales comme celles relatives à l’Irak et à l’Iran, les Etats-Unis devraient s’engager activement pour trouver une solution au conflit israélo-arabe. Si la conclusion de l’argumentation sous-jacente est correcte, il faut en inverser la logique. On ne doit pas tenter de résoudre le problème israélo-arabe dans le but de construire un dialogue fructueux avec l’Iran, mais on doit régler les litiges avec l’Iran si l’on veut parrainer avec efficacité un processus de paix entre Arabes et Israéliens.
Pour l’heure, l’Iran est celui qui tire les ficelles dans le monde arabe et encourage les forces radicales qui représentent le plus gros obstacle à une relance du processus de paix et à son succès. C’est une politique calculée d’un régime iranien qui cherche à établir une hégémonie régionale et à acquérir une influence internationale. La tâche qui attend Barack Obama est immense : renouer le dialogue avec l’Iran et le persuader, dans le cadre d’un “grand marchandage” bilatéral, de ne pas bâtir un arsenal nucléaire.
Une autre idée préconçue et fausse veut qu’il faille choisir entre deux politiques distinctes, “la Syrie d’abord” et “la Palestine d’abord”. Sous-entendue, l’hypothèse selon laquelle aucun gouvernement israélien ne peut travailler simultanément sur deux accords en vue de parvenir à un statut final, l’un avec la Syrie et l’autre avec les Palestiniens. Il est très possible que cela reste vrai, mais un tel accord avec les Palestiniens n’est plus à l’ordre du jour. Des changements politiques doivent intervenir dans le camp palestinien avant qu’une Autorité palestinienne contrôlant effectivement l’ensemble de son territoire puisse négocier de manière crédible un tel accord.
La perspective de discussions sérieuses entre Damas et Tel-Aviv sera mise à l’épreuve avec l’entrée en fonctions du nouveau président américain et d’un nouveau Premier ministre israélien [qui sera désigné le 10 février]. Les pourparlers indirects entre Israël et la Syrie, menés par le Premier ministre israélien actuel et à peine tolérés par le président Bush, ne portent pas réellement sur la question fondamentale : en échange d’un accord sur le Golan, de nouvelles relations avec Washington et de la reconnaissance de son influence au Liban (mais pas de son contrôle de ce pays), la Syrie est-elle disposée à quitter le camp extrémiste dirigé par l’Iran au Moyen-Orient ?