Décevant. Ce seul terme suffit pour qualifier le sommet, lundi dernier à Washington, entre le président américain, Barack Obama, et le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu.
Cette rencontre tant attendue entre les deux dirigeants, la première depuis l’entrée en fonction de l’un et de l’autre, n’apportera rien de concret pour les Palestiniens. De grands espoirs étaient pourtant placés sur le président américain, en poste depuis le début de l’année ; d’autant plus que ce dernier avait fait du règlement au Proche-Orient l’une de ses priorités et que les deux mandats de son prédécesseur, Georges W. Bush, avaient été marqués par un alignement aveugle de ce dernier sur Israël, un désintérêt quant au processus de paix et une apathie générale, voire un revers dont les Palestiniens ont, évidemment, payé un lourd tribut.
Pour ce premier tête-à-tête avec le président américain, M. Netanyahu avait déjà donné le ton : l’accent ne doit pas être mis sur le processus de paix mais sur le nouveau cheval de bataille des Israéliens nommé « la menace iranienne ». Et le premier ministre israélien a tenu sa promesse. Benyamin Netanyahu a tenu à axer son entrevue avec Barack Obama sur cette question, concédant le minimum à son interlocuteur en ce qui concerne la question palestinienne. M. Netanyahu a résisté aux appels de M. Obama en faveur de la création d’un Etat palestinien, tout en disant pouvoir envisager un « arrangement » dans lequel Israéliens et Palestiniens vivraient côte à côte.
Quant à M. Obama, il a simplement rappelé qu’il était « dans l’intérêt (…), non seulement des Palestiniens, mais aussi des Israéliens, des Etats-Unis et de la communauté internationale de parvenir à une solution à deux Etats ». Quoi de neuf donc dans les propos du président américain ? Rien. L’on n’attendait pas de M. Obama qu’il rappelle que l’option des deux Etats était la seule valable, mais plutôt de faire pression sur son interlocuteur pour qu’il l’accepte. Or, l’impression générale issue de ce face-à-face est que le président américain s’adressait à lui-même. Il a certes affirmé qu’Israéliens et Palestiniens devaient « prendre au sérieux (leurs) obligations » au regard des accords passés et que « la colonisation devait cesser ». Cependant, il n’a pas fait pression sur son hôte, qui s’est gardé d’endosser le terme d’Etat palestinien, option qu’il déclare ouvertement refuser depuis son arrivée au pouvoir. « Je veux dire clairement que nous ne voulons pas gouverner les Palestiniens », a dit le premier ministre israélien. Des termes jugés vagues, d’autant plus qu’il a posé ses conditions qu’il sait impossibles à satisfaire : la sécurité d’Israël doit être garantie et les Palestiniens doivent reconnaître Israël comme un Etat juif. Si ces conditions sont satisfaites, a-t-il dit, « je crois que nous pouvons envisager un arrangement dans lequel Palestiniens et Israéliens vivent côte à côte dans la dignité, la sécurité et la paix ».
Dans une première réaction à ces déclarations, l’Autorité palestinienne, par la voix de Nabil Abou-Roudeina, porte-parole du président Mahmoud Abbass, a jugé « encourageant » le nouvel appel à la création d’un Etat palestinien du président américain et « décevantes » les déclarations du premier ministre israélien. Moins enthousiaste, le Hamas, lui, a affirmé « ne pas beaucoup compter » sur les déclarations de M. Obama, qualifiées par le porte-parole du mouvement islamiste, Fawzi Barhoum, de « vœux pieux », qui, « non accompagnées de pressions sur l’occupation sioniste et de mesures concrètes, ne reflètent pas de changement radical de la politique américaine envers notre peuple ».
Obama sous pression
Lors de cette première entrevue entre le président de la plus grande puissance mondiale et du dirigeant israélien, ce n’est donc pas M. Obama qui a mis la pression sur M. Netanyahu au sujet du processus de paix, mais c’est ce dernier qui a mis la pression sur le chef d’Etat américain sur l’Iran. M. Netanyahu a ainsi tenu à montrer que le programme nucléaire iranien, dont Israël se croit la cible, était dans ses préoccupations, au moins au même niveau que la paix avec les Palestiniens, sinon plus.
Il a clairement critiqué la diplomatie américaine. Et le leader américain s’est voulu rassurant, assurant à son hôte que la sécurité d’Israël, « en tant qu’Etat juif indépendant », était « d’une importance capitale » pour les Etats-Unis. Soumis à la pression israélienne, il a décidé de se laisser jusqu’à la fin de l’année pour juger du sérieux de l’Iran dans les négociations sur son programme nucléaire controversé. Selon M. Obama, si les discussions commencent rapidement après l’élection présidentielle iranienne de juin, « nous devrions avoir d’ici à la fin de l’année une assez bonne idée pour savoir s’ils vont dans la bonne direction, si les parties impliquées progressent et si l’on assiste à un effort de bonne foi pour résoudre les différends existants ». Et de prévenir : « Nous n’allons pas discuter éternellement ». C’est la première fois que M. Obama formule une échéance, même vague, alors que les six puissances qui cherchent à obtenir la garantie que l’Iran ne fabriquera pas la bombe atomique disent attendre toujours une réponse précise à une offre de rencontre présentée en avril dernier.
Ce délai informel ressemble fort à un geste de M. Obama à l’attention de M. Netanyahu. La rencontre entre les deux hommes aura donc été, pour les Palestiniens, un coup pour rien, pour le premier ministre israélien, un succès relatif, et pour le président américain, un premier échec diplomatique considérable.