Ramallah - 19 juillet 2003
Ce 19 juillet 2003, nous arrivons sur la place Al Manara, au centre de Ramallah, alors qu’il y règne une bien étonnante effervescence.
Des jeunes gens courent en tous sens, s’agglutinent avec frénésie autour des vendeurs de journaux.
En effet, ce jour là, ce sont les résultats du Al twjehe l’équivalent de notre bac.
Au milieu de cette foule, nous partageons la joie de tous, quelle agréable surprise...
Un vieil homme près de moi, engage la conversation, me raconte les souffrances de sa vie, m’indique que tout récemment des terres de son village ont été confisquées par les troupes d’occupation, une nouvelle colonie en perspective. La feuille de route ne l’oublions pas vient de s’accompagner d’un vote à la Knesset indiquant qu’Israël affirme que la Cisjordanie et Gaza sont des territoires israéliens et qu’il n’y a absolument aucune raison de limiter les colonies (que la communauté internationale, l’ONU déclarent en toute logique au regard du droit international comme illégales) mais bien au contraire de les étendre.
D’autres hommes se joignent à notre conversation, puis un cortège de manifestants s’approchent. En tête de cortège, sont brandis des cartes d’Israël et de Palestine faisant apparaître le tracé du mur honteux de Sharon.
D’autre affiches portent « Non à la paix sans Jérusalem ! »
Plus tard, nous retrouvons Benoît, professeur de mathématiques à l’université de Bir-Zeit. Cette année n’a connu que 4 à 5 semaines perdues par des actions de l’armée d’occupation, une année calme en quelque sorte.
Par hasard, nous passons devant un rassemblement : banderoles, affiches. On reconnaît le portrait de Ghassan Kanafani, l’écrivain assassiné dans les années soixante-dix à Beyrouth par les services secrets israéliens. Nous décidons d’aller voir de plus près. Ce sont des familles de prisonniers palestiniens, détenus dans les prisons israéliennes. Nous sommes accueillis par une jeune femme qui nous explique que cette initiative « de la base » a lieu chaque samedi depuis trois semaines et qu’elle est soutenue par l’ensemble des partis politiques palestiniens.. Un responsable nous demande qui nous sommes avant de nous inviter à entrer dans le jardin. Notre appartenance à l’AFPS, qu’il connaît bien, semble le rassurer. Un jeune originaire de Deir Istiya est aussi présent dans l’assemblée, et se souvient bien des chantiers de 1996 et 1998 organisés par le Comité Rennais : comme il connaît deux d’entre nous, cela finit de mettre Issam, notre interlocuteur en confiance. Il nous présente alors à l’assistance, composée d’une quarantaine de femmes. Elles sont assises et portent sur leurs genoux des photographies dont certaines semblent un peu passées, déjà. Issam leur explique le sens de notre visite. Aussitôt, toutes les femmes nous entourent et nous demandent de les prendre en photo avec les portraits de leurs proches, pères, frères, enfants…
Elles nous demandent de raconter les conditions de détention, les refus opposés au droit de visite, les condamnations à perpétuité ou à des peines très lourdes pour des fautes souvent contestées par leurs auteurs supposés. Elles nous disent le scandale de la détention administrative, prolongée de six mois en six mois, sans aucune forme de jugement, méthode déjà utilisée par le pouvoir blanc Sud Africain du temps de l’apartheid.
Ces photos, elles semblent s’y raccrocher comme à des bouées de sauvetage… Pour ne pas oublier. Pour ne pas laisser s’évanouir le souvenir des regards, la chaleur des corps, leur odeur… Pour refuser à toute force l’ignominie des numéros matricules, la déshumanisation.
Ces prisonniers ont un nom, une histoire, qu’on s’en souvienne ! Ils ont des amours, des enfants qu’ils n’ont parfois qu’à peine connus.
La plupart d’entre eux a enduré sévices et tortures, comme ce jeune sorti depuis peu de détention administrative et qui nous montre son biceps, traversé de part en part par une aiguille d’acier. Cicatrices…
Nous témoignerons. Nous nous engageons à faire notre possible pour les sortir de l’anonymat, pour leur redonner un visage, un nom…
Ils s’appellent ainsi :
Mohammad Hashem Khalaf, de Ramallah, emprisonné depuis un an et demi sans jugement.. Il risque vingt ans de prison pour activités de résistance armée. Il a 22 ans.
Maher Ali Mohammad Muter, de Qalandia. Il est lui aussi en détention administrative depuis deux ans et encourt une peine de 27 ans d’emprisonnement pour avoir tiré sur une colonie. Il a quatre enfants.
Ahmad Azzam Msafer Massara al Nubani, âgé de 26 ans. Condamné à treize ans de prison pour avoir appartenu à la force 17, la force de protection rapprochée du président Arafat. Son père avait été tué au Liban en 1982. Sa mère n’a plus obtenu de droit de visite depuis trois mois.
Hassan Ali Muneer Salameh de Beitunia. Condamné à perpétuité. En prison depuis 1982. Il a deux enfants. Sa femme s’est débrouillée toute seule pour les nourrir et les élever. Elle n’a pu le voir depuis trois ans. Il se trouve actuellement à la prison d’Ashkelon. Ses deux enfants sont aujourd’hui étudiants. Ils n’ont pour ainsi dire jamais connu leur père.
Aïssa Mohammad al Jabari, originaire de Hébron. Emprisonné en mai 2002. Battu violemment lors de son interrogatoire : rate éclatée, deux vertèbres brisées… Il est en prison à Beer Sheva. Toujours en détention administrative, il risque trente ans de prison. Sa mère dénonce les mauvaises conditions de détention.
Ahmad Mahmoud Kaabne est bédouin, de la région de Jéricho. Il aurait tué deux colons armés. Il a deux filles. Toute visite a été interdite depuis deux ans. Auparavant, seuls son père et sa mère avaient pu lui rendre visite. On leur a interdit de lui faire parvenir de la nourriture.
Raed Mahmoud Youssef Zebar Qdsar. Emprisonné depuis 2002, il est menacé d’une peine de 20 ans. Depuis deux mois, les visites sont interdites.. Il a été placé en cellule d’isolement.. Marié, il a un petit garçon. Seules sa mère et parfois sa femme avaient pu le voir. Il est lui aussi à Beer Sheva.
La liste serait longue… Ces quelques exemples suffisent à illustrer les conditions dans lesquelles l’Etat d’Israël, au mépris des droits humains, maintient en détention, souvent sans jugement, près de huit mille prisonniers politiques palestiniens, parmi lesquels quatre-vingt dix femmes.
Cette initiative des familles de prisonniers n’en est qu’à ses débuts, mais elle semble vouloir s’inscrire dans la durée. Déjà, des délégations se sont rendues auprès du premier ministre, Abou Mazen, et auprès de Yasser Arafat, pour exiger que la question de la libération des prisonniers ne fasse pas l’objet de tergiversations, ni de compromis. Selon nos interlocuteurs, cette question, à l’instar de celle du droit au retour des réfugiés, du démantèlement des colonies, et du statut de Jérusalem-est, constitue un enjeu nodal, non négociable.
Cette exigence sera à nouveau rappelée, samedi prochain à Ramallah, lors d’une manifestation conjointe avec Taayush (« Rapprochement ») ce groupe de militants israéliens fortement engagé dans la lutte contre l’occupation. Si cette manifestation se confirme, nous y participerons également.
Jérusalem - 19 juillet 2003
Nous rejoignons Jérusalem. Les check-points sont actuellement plus souples nous dit-on et cependant pour nous alors qu’en tant qu’étrangers nous sommes épargnés, nous ressentons à chaque regard des gamins ou gamines en uniformes qui nous contrôlent combien ils aiment humilier..
Nous avons à Jérusalem, la grande joie de passer la soirée avec Neta Golan, coordinatrice de l’ISM mais aussi et surtout jeune maman de la charmante Nolan et mariée à un homme palestinien. Elle nous dit les pressions subies, les procès qui l’attendent, les projets qu’elles préparent avec ses amis de tous les coins du monde.
Un rappel d’une des actions pour lesquelles elles risquent et assument avec détermination la quasi certitude de goûter aux geôles de son pays avec son bébé : en février ou mars 2001, elle avait eu connaissance d’un nouveau projet d’arrachage d’oliviers. Aussi Neta golan et une amie se sont enchaînées chacune à un olivier.. Les militaires ont coupé les chaînes et elles ont été arrêtées puis tous les oliviers ont été arrachés. Les paysans palestiniens alentour se mirent à prier pour leur soutien à ces courageuses militantes israéliennes. D’autres militants ont été poursuivis notamment car l’un d’eux avait été vu filmant les évènements. Le film a été sauvé et a été transmis au plus grand nombre (bien entendu, aucune de nos chaînes télévisées n’a jugé bon de nous le diffuser).
DLD
Hébron - Rencontre avec un des responsables du centre de loisirs d’été pour jeunes filles - 21 juillet 2003
Ce responsable nous présente les activités du centre, qui vient d’ouvrir.
« Pour qu’elles puissent se diriger, demander leurs droits, pour résister, construire une autre vie, vivre »]]
Les enfants n’ont nul part où jouer. Nous sommes un petit groupe qui essaie de s’occuper d’eux. Notre groupe n’est pas le même que celui dirigé par les autorités, qui prennent les enfants de 6 à 14 ans : ici, nous les prenons jusqu ’au bac. Chacune paie sa part pour financer l’activité : 10 shekels [soit un peu plus de deux euros] pour une période de quinze jours. Notre but est de former des leaders féminins en Palestine dans les villages, pour qu’elles puissent se diriger, demander leurs droits, pour résister, construire une autre vie, vivre. Il y a uniquement des filles, peut-être l’année prochaine le projet sera élargi. Sept ou huit jeunes filles encadrent les enfants. Certaines on passé leur bac, d’autres font des études à l’université. Ils font de l’art, de la danse, et d’autres activités de ce type. Elles rentrent chez elle à 14 heures. Pour aider à acheter des crayons, des boîtes sont mises devant les mosquées.
« Maintenant, toutes les entrées des villages sont fermées »
Les israéliens qui s’emparent des terres situées autour des colonies considèrent ces terres comme les leurs. Les missions de cueillette des olives que vous faîtes ne servent pas seulement à avoir des olives, mais aussi à protéger notre terre. Merci. Vous avez aidé les agriculteurs à gagner leur vie, parce qu’ils ont pu cueillir leurs olives. Vous avez protégé ces agriculteurs, menacés par les colons, qui tuent les Palestiniens qui s’approchent de leurs colonies. La majorité des Palestiniens étaient des ouvriers qui travaillaient autrefois en Israël, mais également sur ce qui leur restait de terre, pour les cultiver. Maintenant, toutes les entrées des villages sont fermées. Il fallait 10 mn pour aller d’ici au centre d’Hébron. Vous avez vu maintenant combien de temps vous avez mis ? La route que vous avez pris tout à l’heure est une route que nous avons construite récemment. Avant, il fallait trois heures, et marcher dans les champs par des petits chemins.
« Il s’est caché pour sauver sa vie, et finalement il est mort »
J’ai une histoire triste qui vient d’arriver il y a quatre jours. Des ouvriers essayaient d’aller travailler clandestinement en Israël. Des soldats israéliens les ont vu et les ont poursuivi avec leur Jeep.. Il y a eu un accident. Deux ouvriers sont morts. Ce qui est très important à dire, c’est qu’un ouvrier, qui n’était pas très gravement blessé, a préféré s’enfuir. Il est allé très loin se cacher parmi les arbres.. Après l’arrivée de l’ambulance qui transportait des blessés, il a eu peur. Il est resté quatre heures caché entre les arbres. Sa famille s’inquiétait. Il a téléphoné à sa famille et demandé du secours. On est allé le chercher et on l’a trouvé dans un état très grave. Finalement, il est mort. Il ne s’est pas enfui : il s’est caché pour sauver sa vie, et finalement il est mort .
« Comment faire un cessez-le-feu puisqu’on est pas armé ? »
Tous les jours, on a des morts près des check points. Les Israéliens les considèrent comme des terroristes, mais ce sont des ouvriers qui cherchent à gagner leur vie. Les Israéliens détruisent leurs maisons, arrêtent les gens : c’est une vie qui n’est acceptée par personne. La seule chose qui nous a poussé à accepter la « feuille de route » c’est le cessez-le-feu. Normalement, le cessez-le-feu devrait être fait par les Israéliens parce que c’est eux qui tirent tout le temps. Le peuple n’est pas armé. Il est prisonnier chez lui. Comment faire un cessez-le-feu puisqu’on est pas armé ? Eux, ils ont des tanks. Ce qui est bizarre, c’est que beaucoup de gouvernements pensent que c’est une guerre à égalité, armée contre armée. Israël a une force immense. Cette feuille de route, c’est malheureusement une manoeuvre politique qui va contre notre demande d’indépendance. On ne veut pas voir un seul colon en Palestine. On est capable de vivre sur notre terre sans aucun problème : même si on est pauvre, on s’en fiche. Tout le peuple vit une vie misérable. Les compagnies américaines et la politique américaine veulent voler les intérêts de tout le monde, diriger le monde entier. Le danger qui menace les Palestiniens, vous menace aussi et menace tout le monde. Un proverbe arabe dit : « on a mangé la vache blanche parce que la vache noire n’a pas voulu défendre la vache blanche, et finalement la vache noire a été mangée le même jour ». On a des gouvernements qui sont très mauvais. On sait bien la raison de l’occupation : vos gouvernements aussi ont aidé les Israéliens à s’installer. Les relations entre notre gouvernement et le vôtre sont des relations honnêtes, et pas d’intérêt. Le blocage des territoires cause des problèmes sociaux, politiques, économiques. Les gens n’ont pas de travail, ne réussissent pas à acheter du pain.. On ne dit pas cela pour que vous nous donniez de l’argent, mais pour que vous nous souteniez beaucoup plus, pour en terminer avec cette occupation. Nous avons de bonnes relations avec des Israéliens de gauche qui viennent ici.. Ils nous invitent à aller chez eux, mais malheureusement on ne peut y aller. C’est difficile aussi pour eux de venir ici parce que la loi israélienne le leur interdit, mais quand on réussit à se rencontrer ici en cachette, les enfants peuvent les voir. Nous montrons ainsi la différence entre ce qui est mauvais et bon. La première fois que les enfants les ont vu, ils ont eu peur.
« J’ai envie d’aller à l’extérieur »
J’ai envie d’aller à l’extérieur. On m’a proposé d’aller en Italie, mais je n’ai pas le droit de quitter mon pays. Je rencontre souvent des gens de pays européens, et même des Etats-Unis. Beaucoup de gens d’ici ne peuvent pas quitter le pays, donc nous sommes très contents de vous voir. Je ne peux aller chez vous, mais vous êtes ici : c’est extraordinaire. Ceux qui sont allés en France ou dans d’autres pays européens, quand ils reviennent, ils sont très contents. On souhaite qu’un jour pour vous l’entrée et la sortie dans notre pays soit plus facile..
Pour l’année prochaine, ça serait formidable de pouvoir faire des échanges avec des enfants français qui viendraient ici.
Malgré tout ce qui se passe, on ne quittera jamais notre pays, on restera toujours ici, on résistera. Votre visite nous aide et aide les gens qui voient un avenir très sombre.
Hébron - Le comité de défense de la terre d’Hébron - 22 juillet 2003
Fondée en 1994, le Comité de Défense de la Terre, est une association Palestinienne spécialisée sur la défense des Palestiniens qui se sont vu confisquer leurs terres par Israël. Ils constituent des dossiers et portent plainte devant les tribunaux israéliens auprès desquels il obtiennent parfois gain de cause.
Depuis 1967, Israël a confisqué 450 000 dunums de terres palestiniennes sous différents prétextes :
1. Les zones militaires situées principalement près de la frontière à l’est, appelées zones de sécurité
1.. Les routes réservées aux colons (qui comportent des zones d’exclusion de 100 m. de part et d’autre de la route)
2.. Les colonies
Après Oslo les Israéliens ont confisqué plus de 276 000 dunums
Israël a pris possession de terres déclarées « vides » près de la frontière mais les autorités palestiniennes recensent plus de 116 000 habitants dans différents hameaux de ces zones..
Même si Israël déclare certaines colonies illégales, l’état israélien leur fournit protection, eau, électricité et infrastructures routières.
Depuis le cessez-le-feu, le Comité de Défense de la Terre rapporte une augmentation des confiscations de plus de 20% par rapport à la période antérieure.
Pour constituer les dossiers permettant d’étayer les plaintes des Palestiniens lésés, le CDT recherche des photos satellites afin de prouver le bornage des propriétés.
Le CDT remercie les missions civiles qui interviennent depuis deux ans pour aider les paysans palestiniens à cueillir leurs olives dans les zones menacées par les colons. La présence d’internationaux a permis de dissuader les colons de faire feu sur les paysans. Certains agriculteurs n’avaient pu remettre les pieds dans leur propriété depuis dix ans.
D’ores et déjà, les missions civiles bretonnes de France-Palestine Solidarité se sont engagées et organisées pour continuer d’intervenir dans la région d’Hébron aux côtés des agriculteurs menacés.
Hébron, Cisjordanie, 24 juillet 2003.
En 1947, l’ONU avait donné 52% du territoire de la Palestine historique à Israël. A l’issue de la guerre israélo-arabe de 47/48, Israël annexe 78% des terres.
Lors de la guerre des six jours en 1967, Israël poursuit son expansion en occupant la Cisjordanie, Gaza et le Golan Syrien (toujours occupé aujourd’hui)
En 1987, au CNP d’Alger, l’OLP reconnaît l’existence de l’Etat d’Israël dans les frontières d’avant 67. Selon les résolutions de l’ONU, les territoires occupés doivent être évacués par l’armée israélienne, et toute forme de colonisation est considérée comme illégale (aux yeux des conventions de Genève).
Pourtant la colonisation démarre aussitôt après la guerre des six jours. Elle s’est poursuivie sous chaque gouvernement depuis lors (y compris pendant la « paix d’Oslo »).
Une colonie, c’était souvent au départ une zone confisquée par les militaires pour y installer un camp. Puis des civils s’y installaient peu à peu. Certaines d’entre elles sont devenues de véritables villes.
Sharon, Ministre de la défense en 1982 avait annoncé la couleur en donnant l’impulsion à une campagne massive de colonisation afin de rendre impossible toute perspective d’autonomie ou d’Etat palestinien..
Depuis, le pouvoir des colons est devenu tel qu’ils n’hésitent pas à s’approprier de facto des terres palestiniennes, en y installant des bungalows. L’armée, non seulement ne les en empêche pas, mais doit assurer leur sécurité selon les ordres émanant du gouverneur militaire.
A Hébron, des colons se sont installés en plein cœur de la vieille ville, ce qui lors des accords d’Oslo a conduit à élaborer un statut particulier pour cette ville, qui n’a jamais été évacuée par l’armée.
C’est également à Hébron que se trouve une des plus grandes colonies des territoires occupés, appelée Kyriat Arba,
Avec sa famille élargie qui compte une centaine de personnes, Sameeh vit à la limite sud de la colonie de Kiryat Arba, dans un groupe de cinq maisons.
Il propose de nous y conduire , afin que nous puissions nous rendre compte des conditions dans lesquelles il vit. Sur le chemin, nous constatons que des maisons palestiniennes, situées à intervalles réguliers le long de la route qui mène de la colonie au sanctuaire des patriarches, ont été investies par l’armée. L’école du quartier a été transformée en base militaire. De même, des barrages de terre entravent la circulation des habitants à proximité de la colonie. Ils interdisent l’accès aux ambulances en cas d’accident ou d’attaques de l’occupant.
Il raconte différents événements dont certains ont été relatés, nous précise-t-il, par des médias internationaux..
Un jour, des soldats tournaient autour de la maison en harcelant la famille. L’un d’eux a attaché la grille de la maison à sa jeep et l’a arrachée. Deux des enfants, âgés respectivement de trois et huit ans, s’y étaient agrippés : ils ont été traînés sur une trentaine de mètres ; le plus âgé a eu 71 points de suture et le plus jeune 58 situés principalement sur la tête. Sameeh nous montre les photographies qu’il a prises à la clinique. Il ne s’agit pas d’un accident , dit-il : « les soldats riaient ».
Récemment, Sameeh a reçu un ordre militaire pour la destruction de sa maison. Cet ordre faisait référence à la « sécurité des colons » : or la maison n’était pas située dans le périmètre de sécurité. Alors les colons ont construit une nouvelle clôture, au ras de sa maison, expropriant de fait un hectare de jardin. Il a refusé de se plier à cet ordre de démolition alors, dans la nuit du 5 avril 2003 les soldats israéliens ont tiré dans la chambre des enfants, blessant l’un d’entre eux à la jambe. Cet enfant vit aujourd’hui avec une jambe raide. La zone a été interdite d’accès aux journalistes. Depuis, la maison continue à être la cible de tirs comme en témoignent les impacts de balles à l’intérieur des pièces et les vitres brisées.
Sameeh en vient à nous parler de sa famille. Ses enfants ont tous des problèmes psychologiques. De nombreuses plaintes ont été déposées à la police israélienne, dans lesquelles figurent des analyses médicales faites sur les blessés, ainsi que des photographies qui montrent, dit-il, toute la « barbarie israélienne ».. Son père a 60 ans. Il a été opéré du cœur en février 2003 à la suite d’une crise cardiaque. Cela n’a pas empêché les colons de lui demander de quitter sa maison. Comme il refusait, ils l’ont attaqué et il a été touché d’une balle. Sameeh a réussi a lui sauver la vie car il avait des connaissances médicales suffisantes pour lui donner les premiers soins.
Les enfants sont régulièrement agressés physiquement par les soldats ou les colons, notamment sur le chemin de l’école.
Les soldats procèdent régulièrement à des perquisitions dans les maisons le jour et la nuit.
L’eau et l’électricité sont régulièrement coupées par les Israéliens.
En tant que personne civile ayant la nationalité palestinienne, Sameeh ne bénéficie d’aucune protection face aux agressions des colons. L’armée a l’ordre de n’intervenir que pour assurer la sécurité des colons, et non pour s’interposer entre eux et les Palestiniens lorsque ces derniers sont victimes d’attaques. Les lois, dit-il, sont systématiquement bafouées lorsqu’il s’agit des Palestiniens. « Ils nous traitent comme si nous n’étions pas des être humains » déplore-t-il. Malgré cela, à chaque agression, il va porter plainte à la police israélienne. Mais celle-ci accepte rarement de les enregistrer. Pourtant, les preuves ne manquent pas.
Pourtant, Sameeh ne renonce pas. Il dit que quoiqu’il arrive il restera chez lui, qu’il s’efforcera de faire reconnaître ses droits. Il s’engage par ailleurs dans l’action collective en participant à la création d’d’u association de quartier, Al Mahawer, « le carrefour ». Cette association a été créée en 2000 pour faire face aux conditions très dures que connaît le quartier sud d’Hébron en raison de l’attitude des colons. Elle est la seule qui travaille dans le domaine médical. Elle agit, comme nous l’explique Sameeh, « dans l’intérêt des habitants », grâce notamment aux aides qu’elle reçoit d’associations locales et internationales. Al-Mahawer, qui est autorisée par l’Autorité Palestinienne, offre différents services aux habitants : aides aux familles pauvres, aux enfants orphelins, aux femmes démunies, etc. L’association donne également des cours de premiers secours, possède une clinique ouverte 24h/24, ainsi qu’un laboratoire d’analyses médicales. Depuis quelques jours, elle est dotée d’une salle d’urgence. Par ailleurs, elle travaille en association avec L’union des comités de secours médical palestinien (UPMRC). Sameeh nous décrit rapidement le fonctionnement d’AL-Mahawer : les services y sont gratuits pour tous, et l’on y reçoit entre 60 et 100 personnes par jour pour des consultations diverses. L’équipe médicale est composé notamment d’un médecin, d’un pédiatre, et d’un médecin spécialisé dans le handicap et la rééducation fonctionnelle.. Le quartier, explique Sameeh, a besoin de tout : il n’y a pas de centre culturel pour les enfants, aucune activité. L’association a donc créé un centre culturel avec d’autres associations locales (dont des psychologues qui travaillent avec les enfants souffrant de troubles liées aux violences de l’occupation).
Voilà un exemple particulièrement éloquent de la résistance palestinienne.
Si vous souhaitez contacter les membres de l’association
AL-MAHAWER SOCIETY
Sameeh N. Da’na, Manager
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Tel 2291381
FAX 2291380
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EMAIL : Al-mahawer@hotmail.com