Ce qui suit est la première partie d’un article en deux parties résumant une nouvelle étude réalisée par Stop the Wall sur les politiques israéliennes qui ciblent les enfants palestiniens et l’enfance.
Cette semaine, les enfants reprennent le chemin de l’école en Palestine. Certains trouveront leur école en ruines, d’autres ne retrouveront pas des camarades de classe qu’ils avaient il y a seulement quelques mois. Depuis le début de l’année 2023, Israël a tué au moins 38 enfants palestiniens, en a blessé près de 1 000, tandis que 160 d’entre eux sont détenus dans des prisons israéliennes. 2280 enfants palestiniens ont été tués depuis janvier 2000.
Au-delà des chiffres choquants et des histoires douloureuses qui se cachent derrière chaque cas, il existe un modèle évident de ciblage des enfants palestiniens et de l’enfance. Il ne s’agit pas d’un effet secondaire, mais plutôt d’une composante nécessaire du projet de colonisation de peuplement d’Israël et de son régime d’apartheid.
La quête d’une oppression durable
Le colonialisme de peuplement est, par définition, un projet à long terme de conquête territoriale qui remplace la population indigène par une population de colons. Pour que cet effort soit durable, il est fondamental pour le colonisateur d’éliminer la population indigène ou du moins sa résistance.
Cette "logique d’élimination" est un élément central des sociétés coloniales de peuplement à travers le monde et comprend l’élimination génocidaire des populations, leur expulsion de la terre et pléthore de stratégies visant à déstructurer, fragmenter et affaiblir la société indigène. Elles visent à faire en sorte que la prochaine génération ne résiste plus à la dépossession et à l’oppression, et abandonne la revendication de ses droits. À chaque génération d’indigènes insurgés, la focalisation des puissances coloniales se renforce sur la destruction et/ou le contrôle de l’éducation, de l’enfance et des naissances.
L’imposition d’un régime d’apartheid est une tentative de créer un régime colonial durable en éliminant les populations indigènes de certains espaces et de certains droits.
Toutefois, les responsables du système d’apartheid sud-africain avaient déjà compris qu’une telle ségrégation engendrait des générations futures rebelles et non dociles. Lorsqu’en 1976, jusqu’à dix mille étudiants sud-africains ont manifesté, les forces de l’apartheid ont tué entre 400 et 600 étudiants et ont entamé une répression brutale contre les enfants et les jeunes. Entre 1984 et 1986, on estime que 11 000 enfants, dont certains n’avaient que neuf ans, ont été détenus sans procès, maltraités et torturés dans les cachots sud-africains.
La tentative d’Israël de tuer l’espoir palestinien
Les idéologues et les politiciens sionistes ont toujours su qu’une stratégie d’élimination était nécessaire pour créer l’État d’Israël sur la terre palestinienne.
Avant et peu après la Nakba de 1948, 75 à 80 % de la population palestinienne qui vivait sur les terres sur lesquelles Israël a été créé a été expulsée, tandis que des centaines de villages et de communautés ont été rayés de la carte. Certains ont pensé que ce serait une raison suffisante pour que les Palestiniens renoncent à leurs droits et partent. David Ben-Gourion, premier Premier ministre d’Israël et chef du parti travailliste, a adhéré à la théorie selon laquelle le temps guérira et tout sera oublié.
Depuis le début, Israël s’est attaché à "éliminer" les réfugiés palestiniens, y compris leur capacité à organiser la lutte pour leur droit au retour, à délégitimer leurs revendications et à les disperser. Cet effort se poursuit.
Pourtant, une génération plus tard, la Première ministre israélienne Golda Meir a dû reconnaître un autre défi fondamental s’imposant aux plans de colonisation de peuplement d’Israël, lorsqu’elle a déclaré : "Nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tué nos enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous forcer à tuer leurs enfants."
Il est clair que ce ne sont pas les Palestiniens qui forcent le régime israélien à tuer leurs enfants. Pourtant, tant qu’Israël poursuivra son projet de colonisation de peuplement et son régime d’apartheid, il devra continuer à s’en prendre aux enfants palestiniens et à l’enfance.
Ze’ev Zabotinsky, le fondateur du mouvement révisionniste sioniste, qui représente les racines idéologiques de l’actuel gouvernement de droite, a décrit cette logique coloniale lorsqu’il a écrit en 1923 que "toute population indigène dans le monde résiste aux colons tant qu’elle a le moindre espoir de pouvoir se débarrasser du danger d’être colonisée. C’est ce que font les Arabes en Palestine, et c’est ce qu’ils continueront à faire tant qu’il leur restera une petite étincelle d’espoir."
Les enfants palestiniens et la jeunesse palestinienne incarnent cet espoir. Il est au cœur de la lutte pour la justice.
Stratégies d’élimination
Dans les années 90, la période du processus d’Oslo a représenté un moment d’espoir pour les Israéliens de voir les Palestiniens accepter "volontairement" une version de l’apartheid du 21e siècle. Pléthore de projets de normalisation visant à créer des Palestiniens dociles s’adressaient en particulier aux enfants et aux jeunes.
Le dos d’un t-shirt représentant un soldat de l’armée israélienne avec une ligne de mire d’arme à feu sur le ventre d’une femme palestinienne enceinte et un sous-texte disant "1 tir, 2 meurtres". Source : Twitter.
Cette farce a pris fin avec le déclenchement de la seconde Intifada. Depuis lors, les déclarations et slogans génocidaires de dirigeants politiques et de mouvements qui encouragent le meurtre d’enfants palestiniens sont devenus monnaie courante. L’ancienne ministre israélienne de la "Justice", Ayelet Shaked, a publié sur un post tristement célèbre sur Facebook disant que les mères palestiniennes "devraient disparaître", de même que "les maisons dans lesquelles elles ont élevé les serpents". Sinon, a déclaré Mme Shaked, "d’autres petits serpents seront élevés là-bas." Les foules dans les rues de Tel-Aviv ont scandé lors du massacre de 2014 à Gaza, "il n’y a pas d’école demain, il n’y a plus d’enfants là-bas [à Gaza]." Cette façon de penser est partagée par l’actuel ministre israélien du patrimoine, qui a commenté le récent bombardement brutal de Gaza, qui a tué deux familles et trois enfants dès la première nuit, en disant : "Nous sommes des gens qui ne feront pas de mal à une mouche, mais si la mouche le dérange, la mouche doit être tuée, ainsi que ses enfants si elle se cache derrière eux." Il n’est pas surprenant que les soldats israéliens impriment et distribuent des T-shirts représentant des Palestiniennes enceintes dans la ligne de mire d’un fusil de sniper avec le sous-texte "1 tir, 2 meurtres" ou un enfant palestinien dans la ligne de mire avec le sous-texte "plus c’est petit, plus c’est difficile."
Tandis que l’idée que les Palestiniens doivent être "éliminés" fait toujours consensus dans la société israélienne, un profond fossé s’est récemment creusé en son sein sur comment le faire.
L’aile la plus "libérale" de la politique israélienne, y compris le conseiller de plusieurs gouvernements israéliens, l’universitaire Arnon Sofer, soutient que le seul moyen d’éliminer la "menace démographique" - c’est-à-dire les taux de natalité palestiniens et la croissance de la population - est la "séparation", c’est-à-dire l’isolement des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza derrière les murs d’apartheid d’Israël. En effet, le mur de séparation a été conçu par des dirigeants travaillistes tels que Shimon Peres et Ehud Barak. Étant donné que ce type d’"ingénierie démographique" implique l’abandon d’une partie des terres palestiniennes revendiquées par Israël - afin d’entasser les Palestiniens à l’intérieur de bantoustans fermés - les sionistes de droite s’y sont toujours opposés.
Les politiciens israéliens d’extrême droite proposent la force et l’expulsion brutale et désordonnée. S’appuyant sur les principes de Zabotinsky, le ministre israélien des finances et ministre au sein du ministère de la défense, Bezalel Smotrich, envisage dans son "Plan décisif" des moyens de "mettre fin à l’espoir arabe de réaliser des ambitions nationales sur la terre d’Israël". Ce plan prévoit qu’une seule population ait de l’espoir et un avenir - les autres seront confrontées à une brutalité extrême. Moshe Feiglin, ancien vice-président du Parlement israélien, a proposé l’expulsion de tous les Palestiniens de Gaza et le bombardement de ceux qui refusent de partir.
Alors que les Palestiniens continuent d’exister et de résister, Israël est de plus en plus désespéré et violent dans sa stratégie d’élimination et ses attaques contre les enfants palestiniens.
Il est grand temps que nous comprenions clairement cet aspect horrible de la politique israélienne et que nous mettions en place une solidarité internationale efficace pour y mettre un terme et demander des comptes aux responsables.
Traduction : AFPS