Face à la poursuite de l’occupation et de la colonisation, la menace de sanctions et d’un boycott d’ampleur internationale se précise de plus en plus. Dernier exemple en date, le ministère norvégien des Finances a annoncé le 30 janvier qu’il allait exclure les firmes israéliennes Africa Israel Investments et Danya Cebus de son fonds de pension gouvernemental. En cause, "leur participation à de graves violations des droits de l’homme et au crime de guerre que constitue la construction de colonies à Jérusalem-Est".
Normalement, un débat sur la façon de faire face au défi du boycott devait avoir lieu le 29 janvier au cabinet du Premier ministre Benyamin Nétanyahou. Mais, vu la crise entre ce dernier et son ministre de l’Economie, Naftali Bennett [Foyer juif, extrême droite], la discussion a été reportée.
Le gouvernement est le théâtre de profondes divergences sur la manière d’affronter la menace du boycott et sur sa nature réelle. A cela s’ajoutent le manque de coordination au sein du gouvernement, ses luttes intestines, les difficultés budgétaires et le manque d’information sur les organisateurs du boycott : autant de freins à l’élaboration d’une stratégie cohérente. Le 23 juin dernier, Nétanyahou avait annoncé en Conseil des ministres qu’il venait de charger le ministre des Affaires stratégiques, Yuval Steinitz, d’élaborer une riposte, "y compris la coordination des efforts avec des organisations en Israël et à l’étranger, afin de relever la menace brandie contre Israël et le peuple juif".
Une campagne publique agressive
Nétanyahou avait précisé que Steinitz aurait les pleins pouvoirs en la matière. Il faut noter que, pendant cette période [jusqu’en novembre 2013], le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, faisait encore l’objet d’une instruction judiciaire et que l’administration des Affaires étrangères avait été placée provisoirement sous la tutelle de Steinitz.
Pour Yuval Steinitz et le directeur général de son administration, Yossi Kuperwasser, la "délégitimation" d’Israël est une tendance lourde et profonde à laquelle il faut répondre par une campagne publique agressive et la mobilisation de ressources financières considérables. Ils exigent un budget de 100 millions de shekels [21 millions d’euros] pour appliquer leur plan, lequel consiste principalement à mener une campagne intensive de communication sur le front diplomatique, ainsi qu’à prendre des mesures légales contre les organisations encourageant le boycott.
Cependant, Avigdor Lieberman a entre-temps récupéré son portefeuille ministériel et son approche est complètement différente. Lui et son administration estiment que Steinitz et Kuperwasser gonflent exagérément l’ampleur de la menace en qualifiant de campagne de "délégitimation" toute critique légitimement formulée par des gouvernements étrangers et des ONG à l’encontre de la politique israélienne dans les Territoires, en particulier la colonisation de peuplement.
Les "diktats de Kerry"
Pour Avigdor Lieberman, il est préférable de cibler la contre-offensive sur les organisations qui militent en faveur d’un boycott total d’Israël. Enfin, toujours selon Lieberman, seule une avancée significative des négociations avec les Palestiniens peut éloigner la menace du boycott. La discussion prévue cette semaine au cabinet du Premier ministre montrera laquelle de ces deux approches l’emportera.
Histoire de mettre la pression, le 30 janvier, des milliers d’Israéliens se sont rassemblés face au mur des Lamentations pour prier contre les "diktats de Kerry" [le secrétaire d’Etat américain John Kerry est accusé par les Israéliens de "ne pas être hostile" au boycott d’Israël], et ce à l’appel du mouvement d’extrême droite Tkuma [Renaissance].
Outre celle des rabbins extrémistes Haïm Druckmann et Dov Lior, la présence de plusieurs représentants éminents de la majorité gouvernementale a été relevée : le ministre du Logement Uri Ariel, le vice-ministre des Cultes Elie Ben Dahan et les députés Motti Yogev et Orit Struck, tous membres du Foyer juif.
Entre autres prières, on a pu entendre : "Seigneur, donne la force, la foi et le courage à nos dirigeants. Instille en eux la crainte et la terreur de meurtrir notre Terre sainte."
Traduction publiée par le Courrier international