Avocat Gaby Lasky : “le rejet du recours contre la loi sur le boycott change les règles constitutionnelles fondamentales d’Israël. Le boycott du fromage fermier est autorisé, mais pas s’il s‘agit de fromage fabriqué par des colons.”
Hier (mercredi 15 avril) la Cour Suprême d’Israël à Jérusalem a rejeté le recours contre la “Loi Anti-Boycott” qui avait été introduit par l’ancien député Uri Avnery, Gush Shalom et d’autres groupes israéliens de défense de la paix et des droits de l’homme, en maintenant en vigueur la loi adoptée il y a plusieurs années par la majorité de droite à la Knesset –criminalisant tout appel au boycott d’Israël et définissant le boycott des produits des colonies comme étant aussi “un boycott d’Israël”.
“C’est un verdict déplorables avec des conséquences de grande ampleur” a déclaré l’Avocat Gaby Lasky, qui représentait Gush Shalom pour ce recours. “Les Juges ont réellement changé le droit constitutionnel fondamental israélien tel que nous l’avons connu, en accordant à l’intérêt du maintien des colonies dans les Territoires Occupés une priorité sur le droit fondamental de tous les citoyens à la liberté d’expression en matière politique. En fait, la Cour Suprême est devenue prisonnière des préceptes politiques des gens de droite opposés à la démocratie, et donnant leur approbation à une mesure législative destinée à bâillonner un côté de l’éventail politique.”
Lasky a en outre déclaré : “C’est une décision qui aurait dû être simple et claire. La Cour aurait dû se ranger du côté de la Liberté d’Expression -particulièrement depuis que la Cour Suprême elle-même a fixé des limites claires sur lesquelles reposent les motifs d’enfreindre cette liberté fondamentale. Une menace réelle et évidente à l’ordre public ou à la sécurité nationale, et une interdiction explicite d’appels à la violence et au racisme –étaient jusqu’ici les seuls motifs qui pouvaient justifier une enfreinte à la Liberté d’Expression. Avec la nouvelle décision , la Cour a cédé à une majorité parlementaire oppressive qui a inventé de nouvelles et inacceptables raisons pour porter un coup à la Liberté d’Expression”.
“Aux termes de la situation juridique créée dans l’Etat d’Israël par la Loi Anti-Boycott et ratifiée maintenant par la Cour Suprême, il est acceptable d’appeler à un boycott du fromage fermier en raison de son prix élevé – mais absolument interdit d’appeler à un boycott du même fromage parce qu’il est produit dans une colonie” a déclaré Lasky (c’est une référence à la “Campagne de Boycott du Fromage Fermier” qui a déclenché le Mouvement collectif de Protestation Sociale dans l’Israël de 2011).
Gush Shalom, le Bloc de la Paix israélien, qui a été le premier à introduire le recours évoqué ci-dessus, a exprimé sa déception devant le verdict déplorable qui maintient l’interdiction imposée par la majorité de droite de la Knesset – rendant tout citoyen ou groupe appelant au boycott des colonies et de leurs produits passible de lourdes peines. Le verdict de la Cour Suprême est particulièrement dérangeant et inquiétant en cette conjoncture – précisément quand l’ordre du jour des pourparlers de Netanyahu avec les partis d’extrême-droite sur la formation d’une nouvelle coalition de gouvernement comprend des propositions de nouvelles mesures draconiennes, ayant pour but de porter des coups dévastateurs à la Cour Suprême elle-même tout comme à la Liberté d’Expression et de Réunion en Israël.
Il est inacceptable d’avoir une loi qui déclare qu’”un boycott d’un territoire contrôlé par les Israéliens” équivaut à un boycott d’Israël lui-même. Il y a une différence essentielle entre le territoire sous la souveraineté légitime d’Israël et les territoires occupés en 1967 – qui ne sont pas une partie d’Israël selon le droit international, ni même selon les propres lois d’Israël. La construction de colonies dans les Territoires Occupés est une violation du Droit International. Le principal but pour lequel ces colonies sont créées est de rendre impossible aux Palestiniens la construction de leur propre état indépendant et par ce moyen de rendre impossible pour les citoyens d’Israël de parvenir à la paix avec leurs voisins.
Ceux qui s’opposent aux colonies ont le droit de ne pas consommer les produits qui en sont issus. Les militants ont le droit de lancer un appel haut et clair à un boycott des produits des colonies. Les organisations telles que Gush Shalom ont le droit de dresser une liste détaillée des produits des colonies, de l’afficher pour qu’elle soit vue par le public le plus large possible, de la distribuer à l’entrée des supermarchés et d’appeler les clients à ne pas consommer les produits qui figurent sur celle-ci. Actuellement aussi , à la suite du verdict de la Cour Suprême, nous renouvelons et réaffirmons notre point de vue selon lequel ce droit est valable. Ces dernières années Gush Shalom a été forcé de mener ses activités avec la Loi Anti-Boycott toujours suspendue au-dessus de lui comme une Epée de Damoclès. Nous sommes fâchés de constater que les Juges ont décidé que cette épée continuerait à être suspendue au-dessus de nos têtes.
On doit noter que, indifféremment de ce que chacun d’entre nous fait ou a envie de faire, le mouvement mondial de boycott d’Israël (BDS) prend de plus en plus d’ampleur, en raison de la politique d’occupation et d’oppression menée par le gouvernement. Beaucoup de gens partout dans le monde – y compris des Juifs- ont acquis le sentiment que les actions d’Israël ces dernières années justifient l’instauration d’un boycott. La seule véritable voie pour Israël de venir à bout du boycott est de changer de politique dans les Territoires Occupés, laquelle alimente toujours davantage l’embrasement du boycott. La plupart de ces boycotteurs sont à l’étranger, hors d’atteinte des lois d’Israël.
Les mesures punitives contre ceux qui sont soumis aux lois d’Israël ne feront qu’exacerber la situation.
(traduit de l’anglais par Y. Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers)