Crise de nerfs et confusion. Le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a fait acte d’autorité, mercredi 17 juin, en demandant la démission du gouvernement d’union nationale palestinienne dirigé par Rami Hamdallah. Simple remaniement ou changement plus profond ? La sortie de crise ne devrait pas se profiler avant plusieurs jours. M.Hamdallah pourrait être reconduit dans ses fonctions, mais cette décision unilatérale témoigne de l’échec de la réconciliation avec le Hamas.
Le gouvernement, purement technique, avait été mis en place il y a un an après un accord entre le Fatah, la formation de M. Abbas, et le Hamas, qui dirige la bande de Gaza depuis 2007. L’accord de réconciliation, scellé le 23 avril 2014, devait permettre à l’Autorité palestinienne, cantonnée à la Cisjordanie, de reprendre pied à Gaza. Il prévoyait de régler trois points : le sort des fonctionnaires, la reconstruction de la bande de Gaza et, enfin, la tenue de nouvelles élections générales. Aucun de ces objectifs n’a été tenu.
Les deux parties se rejettent la responsabilité. L’Autorité palestinienne considère que le Hamas refuse de renoncer au contrôle sécuritaire de la bande de Gaza. Le Hamas, lui, affirme que M. Abbas joue le pourrissement, retient les fonds et ne tient pas parole sur la question des employés du secteur public. Des dizaines de milliers de fonctionnaires du Hamas et d’anciens employés du Fatah font doublon. Les listes doivent être fusionnées et élaguées. L’enjeu est fondamental dans ce territoire au secteur privé quasi inexistant.
Fossé accru
Mais le renvoi du gouvernement est sans doute lié à un autre facteur : la stratégie israélienne, qui consiste à jouer sur les divisions palestiniennes. L’Etat hébreu a noué des contacts avec le Hamas, court-circuitant ainsi le président palestinien, qui s’estime seul interlocuteur légitime pour la paix. M. Abbas voit le danger d’un fossé accru entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, rendant encore plus illusoire la création d’un Etat palestinien.
Malgré des tirs isolés de roquettes vers Israël, s’inscrivant dans des rivalités entre factions armées palestiniennes, le calme domine à Gaza depuis des mois. Les contacts informels se sont multipliés entre le Hamas et Israël, par le biais de facilitateurs extérieurs (européens et turcs). Il est question d’un cessez-le-feu de longue durée (cinq ans). En échange, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou accepterait la construction d’un port en haute mer. Supervisé de très près, il offrirait de l’air à la bande de Gaza, étranglée par un blocus israélo-égyptien.
D’autre part, le Hamas s’est efforcé de nouer un contact avec le régime égyptien. Le président Abdel Fattah Al-Sissi, qui considère le Hamas comme une excroissance des Frères musulmans, doit faire face à la menace djihadiste dans le Sinaï et a besoin d’un interlocuteur fiable à Gaza. Le Hamas lui-même, bien que d’obédience islamiste, surveille les groupuscules djihadistes qui le menacent dans la bande de Gaza. Cette inquiétude commune peut permettre une détente. L’Egypte vient, en geste de bonne volonté, d’ouvrir pour quelques jours son point de passage de Rafah.