Une organisation caritative musulmane britannique qui fournit de l’aide à Gaza et des experts craignent qu’une nouvelle législation proscrivant le mouvement Hamas comme organisation terroriste n’entrave le travail caritatif dans le territoire palestinien assiégé.
Un amendement à la loi sur le terrorisme de 2000 a été adopté sans vote par la chambre basse du parlement britannique mercredi, à l’issue d’un débat, et proscrit l’aile politique du Hamas comme organisation terroriste. Il sera soumis à la chambre haute, la Chambre des Lords, jeudi.
La branche militaire du groupe a été désignée comme une organisation terroriste en 2001.
Soutenir publiquement le Hamas est désormais passible d’une peine de prison, mais on ne sait pas encore quel sera l’impact de cette interdiction sur les organisations caritatives qui opèrent à Gaza, le territoire palestinien dirigé par le Hamas, soumis depuis 2007 à un siège paralysant imposé par Israël.
Jahangir Mohammed, PDG de Communica, une organisation qui conseille les organisations caritatives locales et internationales, a déclaré que cette décision modifie le statut de Gaza, qui est "désormais gouverné par une entité terroriste, ce qui signifie que les organisations caritatives devront examiner très attentivement le travail qu’elles envisagent de faire dans le territoire".
"La plupart des organisations caritatives ont des contacts avec le gouvernement du Hamas et ses services, même lorsqu’elles travaillent par l’intermédiaire d’ONG à Gaza. Cette désignation peut signifier que les groupes d’aide pourraient être accusés d’avoir des liens avec un groupe terroriste", a déclaré Mohammed à Middle East Eye.
"Cette décision est irréfléchie, car les Nations unies et l’UE traitent avec l’aile politique du Hamas et entretiennent des relations avec elle, et l’aide est indispensable à Gaza".
"Il va être très difficile pour les organisations caritatives de travailler à Gaza, car elles risquent de faire l’objet d’une enquête pour contacts avec une entité terroriste. Les administrateurs risquent d’enfreindre les lois sur le terrorisme", a-t-il ajouté.
Nur Choudhury, président de l’ONG Human Aid basée à Londres, s’est fait l’écho des inquiétudes de Mohammed et a déclaré que l’acheminement de l’aide à Gaza pourrait désormais devenir plus difficile.
"La nouvelle loi n’est pas claire dans ce qu’elle signifie en pratique, car une interdiction pourrait avoir un effet néfaste sur les voyages pour livrer l’aide et ... affecter le travail que nous faisons à Gaza ", a déclaré Choudhury à MEE.
"Nous avons déjà un processus de vérification rigoureux, mais nous devons maintenant faire des vérifications supplémentaires pour nous assurer de la destination de l’argent et confirmer avec nos partenaires sur le terrain qu’ils ne figurent pas sur une liste de personnes interdites", a ajouté Choudhury.
"Par exemple, nous travaillons en étroite collaboration avec l’hôpital al-Shifa, le plus grand hôpital de la ville de Gaza, qui abrite une aile de traumatologie que nous soutenons. Notre interaction avec al-Shifa serait-elle désormais classée comme une collaboration avec le Hamas ?"
Risque pour les banques
Le plus gros problème soulevé par Mohammed et Choudhury est l’impact que la proscription du Hamas par le Royaume-Uni aura sur les comptes bancaires des organisations caritatives travaillant à Gaza.
"Un autre problème pour les organisations caritatives, même s’il est permis de fournir de l’aide, sera que les banques considéreront comme une activité à haut risque le transfert de fonds à Gaza", a déclaré Mohammed.
"Une préoccupation similaire existe en Afghanistan, où certains hauts responsables talibans qui ont été désignés comme terroristes sont maintenant des membres importants du gouvernement", a-t-il ajouté.
"Le gouvernement et la Charity Commission doivent donner des orientations claires sur l’aide humanitaire à Gaza et en Afghanistan et confirmer que les organisations caritatives engagées dans l’aide humanitaire ne seront pas accusées d’avoir des liens avec le terrorisme."
La Charity Commission a confirmé à MEE qu’elle n’avait pas publié de nouvelles orientations à la lumière de la nouvelle législation vis-à-vis de l’aile politique du Hamas.
"Toutes les organisations caritatives doivent se conformer à la loi, et nos orientations indiquent clairement que les organisations caritatives ne doivent pas agir d’une manière qui pourrait amener un membre raisonnable du public à conclure qu’elles ou leurs administrateurs sont associés à une organisation interdite ou qu’ils encouragent ou soutiennent le terrorisme", a déclaré un porte-parole.
"Cela s’applique à toutes les organisations caritatives, quel que soit leur lieu d’activité. Mais les organisations caritatives travaillant dans des zones instables ou à haut risque à l’étranger peuvent avoir besoin de prendre des mesures supplémentaires pour gérer tout risque d’association avec des activités et des organisations terroristes".
Le Home Office n’a pas souhaité faire de commentaire à MEE, mais a transmis des liens vers les directives existantes de la Charity Commission.
Hugh Lovett, chercheur principal au Conseil européen des relations étrangères, a déclaré que la nouvelle interdiction du Hamas "augmentera le risque juridique et la charge administrative des organisations caritatives lorsqu’elles opèrent à Gaza".
"Un grand nombre de ces organisations humanitaires, en fonction de l’endroit où elles sont enregistrées, doivent déjà se conformer aux exigences américaines en matière de lutte contre le terrorisme et aux exigences définies par l’UE et ses États membres", a déclaré M. Lovett.
"Avant même de proscrire l’intégralité du Hamas en tant qu’organisation terroriste, le Royaume-Uni a déjà mis en place des règles visant à empêcher que de l’argent soit versé à des groupes terroristes. La question est donc de savoir ce que cette proscription va réellement faire de plus pour freiner les opérations financières du Hamas."
Traduction : AFPS