Al-ahram hebdo : Pensez-vous que le dialogue national palestinien, actuellement organisé au Caire, peut aboutir ?
Salam Fayyad : J’espère profondément que ce dialogue parrainé par l’Egypte réussisse. J’aimerais saisir l’occasion pour remercier l’Egypte pour les efforts déployés afin de réunir les Palestiniens. L’accord sur la formation de comités de dialogue et le commencement de leurs travaux sont des indices positifs. Il en est de même pour les communiqués et les déclarations émis à ce sujet, ainsi que la disposition à trancher les dossiers le 20 mars ou au plus tard à la fin du mois, notamment la question de la formation du gouvernement d’unité nationale. Tout ceci nous pousse à l’optimisme.
— Serait-il possible de régler les questions de la restructuration des services de sécurité palestiniens et de l’OLP ?
— Il est indispensable de remédier aux problèmes selon des critères pratiques. Les sujets relatifs à l’OLP et au programme politique palestinien nécessitent de larges discussions. Celles-ci doivent prendre tout l’intérêt qu’ils méritent. J’ai déjà dit, depuis plus d’un an, qu’il est indispensable d’accorder la priorité à la restauration de l’unité nationale et par la suite d’achever toute discussion se rapportant aux dossiers politiques, mais sur l’arrière-plan d’un Etat uni. La première chose que je souhaite serait un accord sur un gouvernement capable de servir le peuple palestinien à la fois dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. J’espère aussi que les discussions se poursuivront autour de tous les autres sujets de différends, y compris l’agenda politique.
— Avez-vous reçu des promesses sur la levée du blocus imposé à la bande de Gaza, après la tenue de la conférence des donateurs à Charm Al-Cheikh ?
— Le Déclaration finale de la conférence a mis l’accent sur la nécessité de lever le blocus imposé à Gaza. Ce sujet a également occupé une place importante dans l’allocution que j’ai prononcée au nom de l’Autorité palestinienne devant la conférence. Nous avons mis l’accent sur la nécessité que le monde entier se dresse face à cette politique israélienne agressive contre Gaza. J’en ai longuement parlé en disant que les dirigeants du monde ne devraient pas continuer à accepter une situation les amenant à passer beaucoup de temps à convaincre les Israéliens de permettre l’injection des fonds dans les banques de Gaza ou l’inscription des élèves dans les écoles. Ce n’est pas la question. Notre objectif étant de lever le blocus et je crois que ce message a été bien saisi.
— Pensez-vous que les pays donateurs respecteront leurs engagements cette fois-ci ?
— Je pense que réunir les pays du monde et les mobiliser de cette manière en un temps record n’est pas une mission facile. Le fait doit rassurer la partie palestinienne sur le respect des pays donateurs de leurs engagements.
Nous avons une longue expérience avec les conférences des donateurs, qu’il s’agisse de pays ou d’institutions. La dernière en date était la conférence de Paris, tenue en décembre 2007. La réponse des donateurs a été rapide et de nombreuses aides ont effectivement été versées. Ces aides visaient à combler le déficit budgétaire et des sommes plus importantes que celles requises ont même été versées.
Bien que le non-respect des engagements des donateurs soit chose fréquente, la situation est différente cette fois-ci. En effet, le non-respect concerne les sommes consacrées par les donateurs à l’investissement général et au développement et non aux dépenses courantes dont les fonds consacrés à combler le déficit budgétaire et à verser les salaires ... Quant aux sommes consacrées à l’investissement général, elles sont sensées être versées après un certain temps, soit après l’élaboration de budgets détaillés et d’études sur les frais à engager. Ce sont des choses qui prennent un certain temps. Par conséquent, le non-respect des engagements ou le retard dans ce cas est un phénomène international et non un phénomène purement palestinien et il est lié à plusieurs facteurs.
— La conférence de Paris a adopté de nombreux projets de développement à Gaza. Pourquoi n’ont-ils pas été exécutés ?
— Les projets de développement de Gaza n’ont pas été exécutés bien que de nombreux mois se soient écoulés depuis la Conférence de Paris en 2007. Les sommes consacrées à ces projets et qui s’élèvent à près de 40 % des sommes requises n’ont pas été versées à cause de l’impossibilité d’exécuter les projets à la lumière du blocus imposé à la bande de Gaza depuis mi 2007. Idem pour la Cisjordanie. Les entraves sont énormes. Il y a plus de 700 barrages, sans oublier les autorisations israéliennes requises pour commencer les travaux. Les pratiques israéliennes à ce sujet sont bien connues. Israël met toujours des bâtons dans les roues. Par exemple, les produits importés restent dans les ports pendant des mois sans qu’Israël ne permette leur sortie. Par conséquent, les donateurs ne versent pas les sommes promises, car la question est liée aux étapes d’exécution et non le contraire. Bref, ce sont l’occupation et ses pratiques qui entravent les projets dans les territoires palestiniens, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie et par conséquent l’arrivée des sommes des donateurs, en plus des complications ordinaires que nous trouvons partout.
— Les promesses d’aide économique présentées à la conférence de Charm Al-Cheikh sont-elles à la hauteur de vos attentes ?
— Les engagements présentés par les pays donateurs ont dépassé nos attentes. Ils ont même dépassé les demandes de l’Autorité palestinienne. Ceci est un indice du succès de la conférence. Permettez-moi de saisir l’occasion pour rendre hommage au rôle joué par le président Moubarak pour faire réussir la Conférence internationale de la reconstruction de Gaza, accueillie à Charm Al-Cheikh. Ce que la conférence a réalisé a dépassé toutes nos attentes et a confirmé la place de l’Egypte au niveau arabe et international. Le président Moubarak a accordé un intérêt personnel à l’organisation de la conférence depuis le premier jour de l’invitation lancée par l’Egypte à sa tenue. Le fait qui nous rassure que les donateurs respecteront leurs engagements.
— Vous aviez demandé d’obtenir des garanties qu’Israël ne déclenche pas de nouvelles agressions contre la bande de Gaza et par conséquent ne détruise ce qui sera reconstruit. Pourquoi n’a-t-on pas œuvré à obtenir ces assurances ?
— Ni les institutions internationales, ni les pays donateurs ne peuvent présenter de telles assurances. Mais lorsque le président Moubarak dit dans son allocution à la conférence que nous ne voulons pas reconstruire Gaza pour que les Israéliens la détruisent une nouvelle fois, ceci est un message de la part de Moubarak exprimant une position politique forte. C’est un message qui place toute l’affaire dans le contexte d’une occupation qui est sensée avoir pris fin. Il ne signifie nullement, comme certains peuvent le comprendre, que nous voulons obtenir des garanties de la part des institutions internationales qu’Israël ne lancera pas une nouvelle agression contre Gaza, car il n’est pas du ressort de ces institutions de présenter de telles garanties.
— Quelles sont les mesures qui doivent suivre la conférence ?
— Je pense que la prochaine étape doit consister à faire pression sur Israël pour lever le blocus imposé à Gaza. La conférence a répondu de manière tranchante à des questions restées longtemps sujets de polémique. Par exemple, on se demandait si le monde arabe était prêt à contribuer aux aides. Cette question a été tranchée par la conférence lorsque les dons arabes ont atteint près de la moitié des dons internationaux. Deuxièmement, il y avait une polémique autour de la manière d’exécuter la reconstruction. Cette question fut également tranchée par la conférence, lorsque le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit, a annoncé dans le communiqué de clôture que les pays donateurs se sont mis d’accord sur le transfert des fonds dans le compte du Trésor national, que ce soit de manière directe ou à travers d’autres mécanismes comme le mécanisme européen, la Banque mondiale ou autres. Le monde est prêt à présenter son aide. Il ne reste qu’une seule chose, la levée du blocus imposé à Gaza, afin que commence le processus de reconstruction. Je pense que ce regroupement international, qui a été réuni à Charm Al-Cheikh, est à même d’exercer une grande pression sur Israël pour lever le blocus et mettre un terme aux souffrances de notre peuple.