Tout d’abord, il est à noter que ces six mois de présidence belge de l’Union Européenne (UE) ont vu se produire un ralentissement des négociations d’adhésion de la Turquie.
Le pays présente pourtant plusieurs aspects stratégiques pour l’Europe (contrepoids à l’Iran, relais de l’islam modéré dans la région, etc.). Mais il semble que les efforts réalisés et à réaliser par le pays dans le cadre des négociations d’adhésion - signes de progrès, de modernisation et de stabilisation du pays - constituent des objectifs en soi pour l’UE dans cette région explosive. Néanmoins, la Turquie a son propre agenda et ce ralentissement du processus, alors même que l’économie du pays n’a jamais été aussi prospère et prometteuse, risque d’amener le pays à se détourner de l’Europe pour regarder vers d’autres horizons.
Dans le volet des relations bilatérales, les relations euro-marocaines, pour leur part, sont au beau fixe avec le renforcement du statut avancé par trois nouveaux accords de coopération signés lors de la neuvième session du Conseil d’Association Maroc-UE en décembre 2010.
Le partenariat avec le Maroc a une valeur fondamentale dans la région parce qu’il pourrait précipiter une dynamique régionale. Mais aussi parce que le Maroc est indispensable aux stratégies européennes de confinement de la migration et de lutte contre les réseaux terroristes. L’enthousiasme de l’UE tranche toutefois avec l’absence d’avancée dans les négociations sur le Sahara occidental et avec les nombreuses atteintes aux droits de l’homme recensées par les organisations de défense des droits de l’Homme dans le pays.
Avec le Maroc, la Jordanie est le seul Etat à avoir accédé au statut avancé. Cela s’est fait à l’occasion du neuvième Conseil d’Association du 26 octobre 2010.
En accordant ce privilège à la Jordanie, l’UE espère bien se rapprocher d’un État à la position stratégique et engagé dans des réformes de modernisation, qui pourrait bien devenir un allié dans la région. Pour la Jordanie, en revanche, ce choix apparait plus axé sur le volet commercial que stratégique, et devrait permettre de dynamiser une économie encore fragile.
En ce qui concerne les efforts d’intégration méditerranéenne, le projet de l’Union pour la Méditerranée a fait du surplace. En effet, le Sommet de l’Union pour la Méditerranée, initialement prévu en juin 2010, repoussé à novembre 2010, n’a finalement pas eu lieu et aucune date n’a été avancée. Deux ans après son lancement, l’UpM est dans l’impasse en raison de la rupture du dialogue entre Israéliens et Palestiniens mais aussi d’un manque de crédibilité de la structure sur la scène internationale.
En ciblant une approche pragmatique basée sur des coopérations économiques concrètes pour favoriser un rapprochement entre monde arabe et Israël, le projet n’a pas tenu compte de la complexité du conflit israélo-arabe. L’intégration méditerranéenne ne saurait se passer d’une véritable avancée dans le processus de paix. L’UpM, censée permettre de dépasser les écueils du processus de Barcelone, a, semble-t-il, échoué.
Et ce n’est pas l’attitude actuelle de l’UE qui est de nature à le relancer. En effet, l’UE semble avoir complètement renoncé à peser sur les négociations et laisse la charge politique de ce dossier aux Etats-Unis. Pourtant, en tant que principal partenaire commercial d’Israël et principal bailleur de fonds de l’Autorité Palestinienne (aide financière, qui dans les faits, couvre les frais de l’occupation), l’UE a les cartes en main pour faire pression sur Israël pour faire avancer les négociations.
Ce deuxième semestre 2010 a également été marqué par la mise en place progressive du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Une nouvelle phase s’ouvre et l’UEespère bien faire son entrée dans la diplomatie mondiale.
Le corps diplomatique du service sera constitué de 60% de fonctionnaires européens pour 40% de diplomates nationaux détachés. Catherine Ashton, Haut-Représentant européen pour la politique étrangère et la politique de sécurité aura le rôle de chef d’orchestre pour créer une véritable culture diplomatique européenne, s’affranchissant des politiques étrangères nationales pour poursuivre les intérêts stratégiques de l’UE.
Mais force est de constater que les changements restent à venir. Avec le lancement effectif du SEAE, l’UE s’est doté de l’instrument qui lui manquait pour peser sur la scène internationale. 2011 sera révélatrice de la capacité et de la volonté de l’UE à prendre sa place dans la résolution des conflits de la région. Parce qu’au-delà des grandes déclarations et des réformes institutionnelles engagées, c’est à travers des actes concrets et courageux que l’UE gagnera en crédibilité dans le monde arabe et méditerranéen et pourra se positionner comme un acteur politique de poids capable de peser dans le processus de paix tout en défendant ses intérêts stratégiques dans la région.