Des émeutes ont éclaté à Kafr Cana, dans le nord d’Israël, après la mort, vendredi 7 novembre au soir, d’un Arabe israélien de 22 ans, tué par un policier après qu’il s’en était pris à son véhicule. La polémique monte sur la responsabilité des fonctionnaires. Entretien avec Ahmed Tibi, député à la Knesset (Parlement), l’une des voix les plus influentes de la communauté arabe israélienne.
Quelle est votre réaction à la mort d’un jeune Arabe israélien à Kafr Cana et à la diffusion d’une vidéo sur les circonstances du tir policier ?
Ahmed Tibi : Il s’agit d’un meurtre de sang froid. Ce n’est pas ainsi qu’une police formée et entraînée doit agir. Ils auraient pu l’arrêter, le neutraliser. Mais Kheir Hamdan a été tué, alors même qu’il s’éloignait de la voiture des policiers, car c’était un Arabe. Les policiers auraient dû respecter les règles selon lesquelles ils ne peuvent pas tirer sur quelqu’un à moins de se trouver en danger de mort. Ils auraient pu le viser aux jambes ou bien continuer en voiture sur dix ou vingt mètres pour s’en éloigner. C’était un gars en colère, humilié, qu’ils avaient arrosé de gaz brûlant. Ils avaient arrêté son cousin. Il a attaqué la voiture, pas les policiers. Il n’aurait pas dû, c’est une erreur, mais ça ne mérite pas une exécution. Depuis l’Intifada de 2000, quarante-huit citoyens arabes ont été tués ainsi. C’est une tendance.
La police israélienne nous traite comme des ennemis, et non comme des citoyens. Les forces israéliennes n’auraient pas tiré sur un Juif dans ce genre de situation. Quand un Juif a pris un pistolet pour tuer un premier ministre [Yigal Amir, assassin de Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995], il a été arrêté, et pas tué.
Vous étiez samedi aux funérailles de Kheir Hamdan. Quel était l’état d’esprit de la population arabe ?
Des milliers de personnes étaient présentes. Son père et la foule m’ont demandé de tout faire pour que le meurtrier soit poursuivi. Nous voulons qu’il soit puni. Il y avait de la colère et de la frustration. Beaucoup estiment qu’il existe un lien direct entre cet événement et les exécutions dans les rues de Jérusalem [il évoque la mort des conducteurs palestiniens de voitures-béliers et celle de l’auteur de la tentative d’assassinat contre l’extrémiste juif Yehuda Glick]. Les policiers de Kafr Cana ont bien reçu le message du ministre de la sécurité publique, Yitzhak Aharonovitch, qui a déclaré que tous les incidents devaient se finir par la mort des prétendus terroristes.
Que pensez-vous de la réaction du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui a évoqué samedi une possible destitution de la nationalité israélienne pour les Arabes qui agiraient contre l’Etat ?
Nétanyahou est un facteur d’instabilité. Sa déclaration correspond tout à fait à celle d’Ehoud Barak, son prédécesseur, au moment de l’Intifada en 2000 : une absence totale d’empathie pour les citoyens arabes, de l’arrogance et de la légèreté. Par leurs déclarations, Nétanyahou, Bennett [ministre de l’économie] et Liberman [ministre des affaires étrangères] agissent comme des pyromanes. Nous sommes les victimes, nous ne voulons pas d’escalade ni de confrontation. Mais on a le droit de se défendre. La grève générale est un message de colère.