Le premier ministre israélien joue décidément un drôle de jeu. Contraint sous la pression de renouer le dialogue avec les Palestiniens, voire de prendre des mesures positives comme la levée de plusieurs dizaines de barrages en Cisjordanie et de promettre la libération de prisonniers politiques, il vient tout d’un coup de semer le doute sur ses véritables intentions : Israël a donné son feu vert à la construction d’une nouvelle implantation dans le nord de la Cisjordanie, plus exactement dans la vallée du Jourdain, pour y héberger d’anciens colons de la bande de Gaza. Ce qui va à l’encontre de sa promesse de mettre un point final à la construction d’implantations. « Quel message cherchent-ils à envoyer ? », a demandé Saëb Erekat, conseiller du président palestinien, Mahmoud Abbas. « Israël doit choisir entre la paix et les colonies, car il ne peut y avoir de paix avec des colonies », a-t-il souligné.
A l’encontre de la « feuille de route »
Selon La paix maintenant, une organisation israélienne opposée à la colonisation, aucun gouvernement n’a donné d’autorisation pour l’ouverture de colonies depuis 1992, permettant en revanche la construction de nouveaux quartiers dans des colonies existantes, ce qui contrevient à la « feuille de route » élaborée par le Quartett (États-Unis, Union européenne, Russie, ONU). Le directeur général de cette association influente, Yariv Oppenheimer, a dénoncé cette décision. « C’est un véritable scandale, d’autant plus que cette décision a été prise par Amir Peretz », le chef du Parti travailliste et ancien membre de La paix maintenant, a-t-il indiqué. « Cette décision va à l’encontre de la "feuille de route" et du programme du gouvernement. De plus, elle n’a pas reçu l’aval du Parlement », a-t-il ajouté. Cette colonie, qui sera nommée Maskiot, accueillera 20 familles de l’ancienne colonie de Shirat Hayam, ainsi que 10 familles venues d’autres colonies du Goush Katif, évacuées en août 2005. Shirat Hayam était l’une des colonies de Gaza les plus « idéologiques » et la dernière à avoir été créée dans la bande de Gaza. Le site de cette nouvelle colonie a été abandonné récemment par l’armée qui y abritait une unité de soldats ultraorthodoxes.
À l’heure actuelle, 260 042 colons vivent en Cisjordanie, sans compter Jérusalem occupé et annexé où sont installés plus de 200 000 Israéliens dans une douzaine de quartiers, selon des statistiques du ministère de l’Intérieur publiées en septembre dernier. Selon La paix maintenant, 121 colonies ont été construites avec une autorisation du gouvernement alors que 102 ont été créées de manière sauvage par des colons.
Cette initiative israélienne ne fait que souligner le flou entretenu par les dirigeants israéliens qui n’entendent pas rétrocéder la vallée du Jourdain aux Palestiniens, alors que cette zone est évidemment indispensable pour la viabilité d’un État palestinien. Emily Amroussy, porte-parole du conseil des implantations de Cisjordanie, la plus importante organisation de colons, a en revanche souligné qu’il « n’y a pas de quoi se réjouir de cette décision, car il ne s’agit que de l’application d’une promesse faite aux expulsés de Goush Katif ».
Cette annonce israélienne, couplée aux récentes opérations ciblées menées en Cisjordanie, a eu un effet immédiat : des roquettes tirées depuis la bande de Gaza se sont abattues sur le sud d’Israël et ont fait deux blessés graves. En conséquence de quoi, Israël a annoncé qu’il allait riposter aux tirs, tout en affirmant vouloir toujours observer la trêve conclue le mois dernier avec les Palestiniens.
Marwan Barghouti bientôt libre ?
Dans un communiqué qui écarte une offensive générale au profit d’attaques ciblées, les services du premier ministre Ehud Olmert précisent que « les responsables de la défense ont reçu pour directive d’opérer des actions ponctuelles contre les équipes qui lancent des roquettes ». Le mouvement de la résistance islamique Hamas a dit craindre qu’une reprise de la « politique d’assassinats » menée par Israël « n’emporte comme un fétu de paille le calme » actuel.
Un calme qui a permis un certain nombre de rencontres et de négociations. Le militaire israélien capturé en juin dernier à Gaza par des militants palestiniens liés au Hamas est toujours en vie, a ainsi assuré mercredi le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, en visite à Jérusalem. Une rencontre entre le premier ministre israélien et le président égyptien, Hosni Moubarak, est annoncée pour le 4 janvier. D’ici là, une libération de prisonniers palestiniens pourrait avoir lieu et, parmi eux, Marwan Barghouti.