Côté israélien domine la peur de voir monter en puissance les Frères musulmans égyptiens, alliés naturels du Hamas palestinien qui tient la Bande de Gaza. Côté Autorité palestinienne, le départ de l’homme fort du Caire les prive d’un médiateur de poids, tant avec les Israéliens qu’avec ce même Hamas, son rival.
Les deux camps attendent donc désormais de voir ce qui émergera sur les rives du Nil. Les incertitudes égyptiennes et au-delà régionales, leur offrent une distraction supplémentaire qui vient s’ajouter à la liste déjà longue des raisons les empêchant de relancer les efforts de paix, à nouveau stoppés à peine ravivés en septembre dernier sous égide américaine.
Les Palestiniens étaient déjà KO après l’affaire des fuites d’Al-Jazira, la chaîne qatarie révélant, sur la base de documents des pourparlers passés, qu’ils avaient offert d’importantes concessions aux Israéliens. Face au tollé suscité, qui a d’ailleurs provoqué la démission du négociateur en chef Saeb Erekat, les Palestiniens espèrent désormais détourner cette colère en organisant d’ici septembre des élections depuis longtemps reportées.
Le président américain Barack Obama avait personnellement relancé les négociations israélo-palestiniennes à la Maison Blanche en septembre dernier, mais l’affaire avait à nouveau été gelée trois semaines plus tard, avec l’expiration du moratoire sur les constructions dans les implantations juives de Cisjordanie.
Et pour les Palestiniens, même avec un Proche-Orient en plein bouleversement aux conséquences imprévisibles, le principal obstacle à la paix reste cette politique de constructions dans les colonies.
En l’absence de négociations de paix, note Yasser Abed Rabbo, les Palestiniens devraient passer les mois à venir à préparer les élections, chercher à se réconcilier, et à réunir des soutiens en vue d’une déclaration unilatérale d’indépendance de la Palestine, également en septembre, devant l’Assemblée générale de l’ONU.
Les Israéliens ont des raisons encore plus évidentes de se montrer inflexibles. Ils sont certes été un peu rassurés de voir l’armée prendre la situation en main en Egypte et s’engager à respecter l’accord de paix israélo-égyptien [1]. Mais face à tant d’incertitudes, les responsables de l’Etat hébreu sont plus réticents que jamais à céder le contrôle territorial à quelqu’un d’aussi faible que le président Mahmoud Abbas, de peur que la Cisjordanie subisse le même sort que la Bande de Gaza, et tombe aux mains d’un mouvement hostile à Israël.
"Nous devons faire en sorte de garantir des arrangements de sécurité ultra-solides, à la fois pour protéger la paix (...) mais aussi face au fait que la réalité peut changer demain", déclarait la semaine dernière le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou.
Mais certains estiment que sur le long terme, les bouleversements géostratégiques en cours dans la région sont susceptibles de plutôt renforcer les chances de faire la paix.
"L’aspect positif pourrait être qu’il y ait plus de régimes démocratiques ici. Et un régime démocratique est plus stable et plus à même de signer des accords de paix", espère Eytan Gilboa, analyste de l’Université Bar-Ilan de Tel Aviv.