Je me suis frottée avec vigueur, j’ai laissé ma tête sous l’eau dans l’espoir de me retrouver au moins vide.
Plus de 85 Palestiniens tués en une semaine. D’après Betselem, une association israélienne des droits de l’homme, plus de 40% d’entre eux sont de simples civils.
Un rapport des Nations Unies fait état de 24 enfants tués, soit plus d’un quart du nombre total.
Mais les médias s’en vont répétant ce que dit l’armée israélienne : tous des activistes. Le bilan est pire que celui de Jénine où l’offensive avait duré 3 semaines. Alors que les Israéliens professent un « plus jamais Massada » et ont longtemps montré du mépris pour les Juifs déportés dans les camps en alléguant qu’ils ne s’étaient pas défendus, les mêmes demandent aux Palestiniens de subir l’occupation sans rien faire.
Tout qui se défend avec ou sans armes est un terroriste. Les autres sont coupables simplement d’être là et d’être Palestiniens.
Un étrange aveuglement prend les journalistes qui font plus de cas des deux gosses tués par des Qassam à Sederot (et personne ne nie que ce soit terrible) que des autres gosses tués sur le chemin de l’école comme cette écolière abattue de 20 balles dans le corps à Rafah, il y a deux jours. Pourquoi ? [1]
Passées aux oubliettes les plus de 60 maisons démolies depuis « l’offensive repentir ». Une maison démolie, c’est une famille sans toit, une famille qui a tout perdu puisque que personne ne reçoit le temps de déménager ses affaires ; une maison démolie, c’est une vie à refaire, ce sont des gosses privés de toute sécurité et même de leurs affaires d’école. J’imagine simplement que demain ma maison, mon refuge a disparu.
Passés sous silence les champs et vergers dévastés. Un champ, un verger, c’est pourtant bien le revenu des familles de Beit Hanoun ou Beit Lahyia. Que ferai-je demain sans boulot ?
Complètement occultées les terribles conséquences sociales et psychologiques de l’enfermement, des nuits rythmées par les tirs et les explosions et de l’impuissance à protéger les siens.
Quant à l’arrêt de la vie sur toute la Bande de Gaza du fait des fermetures des routes par l’armée israélienne, on n’en entend même plus parler. A Gaza , le prix des fruits et légumes monte en flèche : plus rien ne vient ni du sud enfermé ni du nord occupé. Dans le sud, les vivres n’arrivent plus et le gaz non plus. Quant au nord, c’est la guerre et certains quartiers de Jabalyia sont isolés depuis une semaine.
Avant-hier, une amie qui travaille avec Médecins du Monde, me racontait les terribles conditions sanitaires. Pour faire sortir un malade (pas un « activiste » blessé) de Beit Hanoun et l’emmener vers l’hôpital équipé de Shiffa à Gaza, les ambulances doivent demander une coordination à l’armée israélienne et celle-ci la donne ou la refuse suivant son bon vouloir.
De toute manière, la réponse met des heures à venir. Ce jour-là, la demande avait été faite à 9 heures du matin pour un infarctus. Le jour passant, dix-sept patients devaient être transportés d’urgence.
Parmi eux, trois femmes enceintes avec hémorragies, un bébé de deux mois avec une malformation congénitale du cœur, deux enfants.
A 5 heures du soir, la réponse tombe : une ambulance, une seule peut passer. Le médecins en charge des patients a dû entasser dans une ambulance dix-sept malades et l’homme qui avait fait un infarctus était assis devant avec un bébé sur les genoux.
Le médecin s’accusait d’être un criminel ; il répétait sans cesse cette phrase expliquant qu’on ne pouvait mélanger ainsi les cas et empiler les malades.
Quand l’ambulance, un 4X4 est partie surchargée, elle a dû suivre un chemin décidé par l’armée : des chemins de terre retournée par les chars.
Incapable de passer à un certain endroit, le chauffeur de l’ambulance a dû rappeler l’armée qui lui a enjoint de prendre un autre itinéraire.
En arrivant enfin à Gaza, les malades avaient attendu une journée et fait quatre fois plus de route que nécessaire.
Hier, la maison d’un employé d’une association médicale (UPMRC) a été démolie à Jabalyia. Personne n’était dedans heureusement. Aujourd’hui, il se demande comment il va faire pour continuer à vivre : où mettre sa famille, où trouver l’argent pour recommencer ou simplement pour survivre ?
Ce ne sont que quelques exemples. Des exemples de ce qui se passe depuis sept jours à chaque moment.
Et maintenant le coup de massue. Hier, les journaux israéliens faisait état de l’interview d’un des plus proches conseillers de Sharon, Dov Weissglass. Il déclare très simplement que « le plan de retrait (de Gaza) avait en fait pour objectif de geler le processus diplomatique ». Il ajoute :« Lorsque vous suspendez un tel processus diplomatique, vous empêchez du même coup la création d’un Etat palestinien et vous repoussez tout débat sur la question des réfugiés, des frontières et de Jérusalem. » Il précise enfin que toutes les démarches en vue de la création d’un Etat Palestinien ont été écartées sine die et que les Israéliens disposent de suffisamment de moyens pour empêcher toute négociation avec les Palestiniens.
Cela ne donne-t-il pas à penser à tous les braves gens qui se disaient pour le plan de désengagement en y voyant un début de processus de retrait des territoires palestiniens ? Faut-il à chaque fois que des Israéliens (de gauche ou de droite d’ailleurs) fassent des analyses lucides et que nous restions sur nos fantasmes de paix ?
Il est clair que Sharon ne partira pas de si tôt de la bande de Gaza mais que le retrait annoncé est un bon prétexte pour nettoyer la Bande de Gaza et en faire un désert. « Là où ils font un désert, ils appellent cela la paix » disait un chef germain des Romains.
On pourrait en dire autant du Gouvernement israélien.