Ce jour-là est pour toujours gravé dans ma mémoire. C’était le quatrième jour de la guerre. Notre famille est d’Hébron, elle y a toujours vécu. Mon père avait quatre frères. Trois d’entre eux étaient partis dès le 7 juin se réfugier à Amman avec leurs familles. Restaient mon père et mon oncle. Ma mère avait déjà fait les balluchons : elle avait peur de voir ses filles violées par les soldats. Moi, j’avais seize ans. Je voulais rester avec mon oncle qui avait décidé qu’il ne partirait pas. Finalement, mes parents sont restés aussi. La première patrouille israélienne qui est passée a demandé à mon père de jeter par terre la veste kaki qu’il portait et qu’il avait achetée sur le marché. Ils ont pris tout ce qu’il y avait dans les poches : 15 dinars jordaniens et de très belles lunettes de soleil de marque. Je n’ai jamais oublié cette image.
Mais ce qui m’a marqué pour la vie, c’est deux mois plus tard, en août, quand les Israéliens ont débarqué à la maison en pleine nuit, à 3 heures du matin. Ils ont pris mon père, l’ont violemment tabassé. Ma soeur avait tellement peur qu’elle faisait pipi. Ça m’a marqué pour la vie. Cette nuit-là, les soldats ont arrêté et tabassé tous les hommes de notre rue parce qu’un fil électrique qui la traversait avait été coupé !
Le lendemain, je suis parti chercher la résistance palestinienne pour m’engager dans la lutte. Elle était encore clandestine et je n’ai trouvé le Fatah qu’en mars 1968, après ses premières opérations militaires. Mais c’est cette nuit-là qui a fait de moi un résistant".