« Je me suis rendu compte, cependant, à la lecture de votre dernière lettre, que vous regardez la question [des frontières] comme
étant d’une importance des plus vitales et urgentes. C’est pourquoi
je n’ai pas perdu de temps pour informer le gouvernement de la
Grande-Bretagne du contenu de votre lettre et c’est avec un grand
plaisir que je vous communique, en son nom, la déclaration suivante que, j’en suis sûr, vous recevrez avec satisfaction.
Les deux districts [vilayets] de Mersine et d’Alexandrette et les
parties de la Syrie s’étendant à l’ouest des districts de Damas,
Homs, Hama et Alep peuvent pas être définis comme étant purement arabes et doivent être exclus des limites demandées.
Avec cette modification, et sans causer de tort aux traités que
nous avons signé avec des chefs arabes, nous acceptons ces limites.
En ce qui concerne les régions à l’intérieur de ces frontières, là
où la Grande-Bretagne est libre d’agir sans porter atteinte aux intérêts de son allié, la France, j’ai le pouvoir, au nom du gouvernement
de la Grande-Bretagne, de vous donner les assurances suivantes et
de répondre ainsi à votre lettre :
1° Dans le cadre des modifications indiquées ci-dessus, la
Grande-Bretagne est prête à reconnaître et à soutenir l’indépendance des Arabes dans toutes les régions à l’intérieur des limites
demandées par le chérif de La Mekke.
2° La Grande-Bretagne garantira les Lieux saints contre toute
agression extérieure et reconnaîtra leur inviolabilité.
3° Quand la situation l’impliquera, la Grande-Bretagne donnera
aux Arabes ses conseils et les assistera dans l’établissement de ce
qui peut apparaître comme les formes les plus appropriées de gouvernement dans ces territoires variés.
4° D’un autre côté, il est compris que les Arabes ont décidé de
rechercher l’avis et la direction de la Grande-Bretagne seule, et que
les conseillers européens et les fonctionnaires qui peuvent être
nécessaires pour la formation d’une bonne forme d’administration
seront britanniques.
5° En ce qui concerne les vilayets de Bagdad et Basra, les Arabes
reconnaîtront que la position établie et les intérêts de la Grande-
Bretagne nécessitent des arrangements administratifs spéciaux afin
de protéger ces territoires de toute agression étrangère, de promouvoir le bien-être des populations et de sauvegarder nos intérêts
économiques mutuels.
Je suis convaincu que cette déclaration vous assurera sans
doute possible de la sympathie de la Grande-Bretagne envers les
aspirations de ses amis les Arabes et qu’il en résultera une ferme
et durable alliance dont les premiers résultats seront l’expulsion
des Turcs des pays arabes et la libération des peuples arabes du
joug turc, qui a, pendant de si nombreuses années, pesé lourdement sur eux. »
Avec cette lettre, on entre dans un imbroglio qui va être lourd de conséquences pour l’avenir de la Palestine. Mac Mahon est de bonne foi en considérant
que les territoires à l’ouest de Damas, Homs, Hama et Alep, ne sont pas « purement arabes ». Pour lui, il s’agit de régions levantines. Dans cette logique, la
Palestine, qu’il n’a pas nommée, n’est pas comprise dans la zone accordée aux
Hachémites. Cette ligne est d’autant plus mal déterminée que dans le texte arabe,
le terme « district » est traduit par « vilayet » : or s’il existe des vilayets de
Beyrouth, Damas et Aleps, il n’en existe pas pour Homs et Hama. On doit logiquement comprendre alors le sens de « district » par celui de « région urbaine »,
mais ce ne sera pas, on le verra l’interprétation que les Britanniques lui donneront après la guerre. Dans sa réponse du 5 novembre, le chérif accepte le retranchement des territoires turcophones d’Anatolie, mais exprime son incompréhension par rapport à la Syrie :
« Les deux vilayets d’Alep et de Beyrouth et leurs façades littorales sont des vilayets purement arabes et il n’y a pas de différence
entre un musulman et un chrétien arabe : ils descendent tous deux
d’un même ancêtre. »
Le chérif se réfère à la carte administrative de la Syrie ottomane et rapporte
la seule définition correcte de l’« arabité » selon la culture arabe : est arabe toute
personne de généalogie arabe. Dans sa réponse du 14 décembre 1915, la dernière à évoquer les questions territoriales, Mac Mahon enregistre l’accord concernant
les régions de peuplement turc et indique la satisfaction que lui procure la référence à l’égalité des droits entre chrétiens et musulmans. En introduisant une
nouvelle confusion, il reprend les termes du chérif :
« En ce qui concerne les vilayets d’Alep et de Beyrouth, le gouvernement de la Grande-Bretagne a pleinement compris et a enregistré avec soin vos remarques, mais comme les intérêts de notre
alliée, la France, sont concernés dans ces deux [vilayets], la question mérite une étude attentive et nous vous en informerons au
moment approprié. »
Cette fois la référence entre « purement arabe » et « non purement arabe »
n’est pas introduite et la ligne Damas-Homs-Hama-Alep n’est pas mentionnée.
La Palestine en tant que sandjak de Jérusalem n’est pas comprise dans la zone
concernée par les intérêts français.