A Ramallah, en Cisjordanie, jeudi 11 décembre 2014, funérailles du ministre palestinien Ziad Abou Ein tué mercredi lors d’une manifestation contre une colonie sauvage israélienne.
Après la mort du ministre Ziad Abou Eïn, mercredi 10 décembre, l’Autorité palestinienne a menacé de suspendre la coopération sécuritaire avec Israël lancée par les accords d’Oslo de 1993. Fustigée par les opposants au processus d’Oslo, Hamas et Jihad islamique en tête, la coopération sécuritaire est désormais critiquée jusque dans les rangs du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas. Partisan de la voie diplomatique, le président palestinien avait réactivé cette coopération, suspendue lors de la Seconde Intifada (2000-2005), après son élection en 2005. En mai, le président Abbas a, à nouveau, défendu son caractère « sacré », mais les pressions s’accentuent pour y mettre un terme face à l’escalade des tensions entre Israéliens et Palestiniens.
Coopération née des accords d’Oslo
L’Autorité palestinienne, née des accords d’Oslo de 1993, s’est vue confier la gestion administrative des zones A (18 % du territoire) et B (21 %), tandis qu’Israël continuait à administrer la zone C (61 %), où sont établies les colonies. La sécurité a été confiée aux forces palestiniennes dans la zone A et aux forces israéliennes dans les zones B et C. Ce partage implique une coopération entre autorités, notamment pour le passage des biens et des personnes.
La coopération sécuritaire dépasse toutefois ce cadre. Les accords d’Oslo I, signés au Caire en mai 1994, prévoient que les forces de sécurité palestiniennes agissent contre toute incitation au terrorisme et à la violence contre Israël ainsi que contre tout acte hostile aux colons. Cette coordination implique ainsi l’échange d’informations – avec des rencontres régulières des chefs des services de sécurité – et des opérations conjointes entre forces de sécurité israéliennes et palestiniennes.
Coopération soutenue par la communauté internationale
Lors de son élection à la tête de l’Autorité palestinienne, en janvier 2005, Mahmoud Abbas a fait de la sécurité un pilier de la construction du futur Etat palestinien. La poursuite de cette coopération avec Israël est aussi un gage donné à la communauté internationale, et notamment aux Etats-Unis, qui y voient un prérequis dans l’optique d’un accord de paix.
Elle a été renforcée avec la réforme des services de sécurité mise en œuvre par l’ancien premier ministre Salam Fayyad (2007-2013). Soutenue par les Etats-Unis et l’Union européenne, principaux bailleurs de l’Autorité (dont 30 % du budget est consacré à la sécurité), cette réforme s’est traduite par le démantèlement des groupes armés en Cisjordanie, ainsi que la restructuration et la modernisation des forces de sécurité, pourvues de 30 000 hommes. Avec l’aval d’Israël, des unités spéciales ont été créées, notamment en matière de lutte antiterroriste, dotées d’équipements modernes.
Coopération au service d’Israël et de l’Autorité
Cette coopération est, pour Israël, un élément-clé de sa lutte antiterroriste. Elle en a tiré, au cours des dernières années, des renseignements lui permettant de déjouer des dizaines d’attentats sur son territoire, ainsi que contre les colons et les soldats en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
L’Autorité trouve aussi son intérêt dans la surveillance accrue du Hamas et des groupes radicaux ou djihadistes, ses principaux opposants. Des responsables israéliens ont affirmé que la coopération a fait échouer plusieurs tentatives de déstabilisation de l’Autorité palestinienne par le Hamas. Mais elle permet aussi aux services palestiniens – régulièrement accusés d’exactions et d’arrestations arbitraires contre les opposants – de prévenir tout soulèvement en Cisjordanie qui pourrait se retourner contre l’Autorité.
« Sous-traitant » de la sécurité et de l’occupation israéliennes
Le ressentiment de la population palestinienne n’a cessé de croître face aux incursions répétées des forces israéliennes en zone A, à l’arrestation de milliers de civils palestiniens et à l’augmentation des attaques de colons israéliens. Pour beaucoup, les forces de sécurité palestiniennes sont devenues un « sous-traitant » de la sécurité et de l’occupation israéliennes. Ce sentiment est renforcé par le blocage du processus de paix et la poursuite de la colonisation, qui amenuisent les espoirs de création d’un Etat.
En juin, la participation des forces de sécurité palestiniennes au ratissage militaire de la Cisjordanie – pour retrouver trois jeunes Israéliens kidnappés –, qui avait occasionné neuf morts et 400 arrestations, a accru la défiance envers l’Autorité et ses forces de sécurité. Ces dernières ont été accusées d’étouffer toute contestation lors de la guerre de Gaza cet été et de procéder, jusqu’à aujourd’hui, à des arrestations pour empêcher un nouveau soulèvement.
Choix risqué pour Mahmoud Abbas
Le président Abbas, dont la décision est attendue vendredi soir, a indiqué que toutes les options étaient sur la table. Les commentateurs estiment qu’il n’est pas dans son intérêt de mettre ces menaces à exécution, tant sur le plan interne qu’international. La fin de cette coopération pourrait donner lieu à un nouvel embrasement sur le terrain et au redéploiement de l’armée israélienne en zone A, au risque de susciter de violents affrontements. Contesté dans son camp, le président Abbas risquerait de perdre le contrôle du terrain face à ses opposants ainsi que le soutien de la communauté internationale.