Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas et premier ministre de la bande de Gaza, fête le nouveau président égyptien, dimanche.
C’était le scénario du pire ; il s’est réalisé. Si les Israéliens essaient de se rassurer en soulignant que l’armée égyptienne devrait user de son pouvoir pour équilibrer celui du président Mohamed Morsi, la victoire du candidat des Frères musulmans est, à bien des égards, une mauvaise nouvelle pour l’Etat juif.
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a réagi, dimanche 24 juin, avec la prudence diplomatique convenue : Israël " se félicite du processus démocratique " en Egypte, en " respecte les résultats " et espère " poursuivre la coopération avec le gouvernement égyptien sur la base du traité de paix " conclu en 1979, qui est de " l’intérêt commun des deux peuples et contribue à la stabilité régionale ".
Israël ne croit pas que la paix avec l’Egypte soit menacée, même si M. Morsi s’est prononcé pour un référendum à propos du traité et s’il évoque l’" entité sioniste " pour parler de l’Etat juif. Israël va s’efforcer de nouer des relations de coopération avec le nouveau chef de l’Etat égyptien, mais bien des nuages s’annoncent. " Soit, commente un haut diplomate israélien, dans l’exercice du pouvoir, les Frères musulmans atténuent leur discours islamiste et font preuve de pragmatisme ; soit ils veulent lancer leur "vraie" révolution en ouvrant des fronts avec l’armée égyptienne, et avec Israël. "
Le " ventre mou " du Sinaï
En tout état de cause, poursuit-il, l’armée va être mobilisée par la situation intérieure en Egypte, ce qui signifie qu’elle le sera encore moins pour stabiliser la situation dans le Sinaï. Pour Israël, c’est la première conséquence négative de l’élection de M. Morsi. Le Caire ne contrôle plus ce " ventre mou " de l’Egypte, laissant les tribus bédouines s’y livrer à des activités de racket et de terrorisme ; ces dernières, assure-t-on à Jérusalem, étant soutenues par les groupes islamistes de Gaza. Une nouvelle flambée de violence s’est développée depuis huit jours entre ces derniers et l’armée israélienne.
Ce regain de tension, qui a provoqué la mort d’un Israélien et d’une quinzaine de Palestiniens, est la conséquence d’un incident qui s’est produit à la frontière avec l’Egypte. Les manifestations de joie qui se sont déroulées dimanche à Gaza ont confirmé à Israël que le Hamas considère la victoire du candidat des Frères musulmans égyptiens comme étant aussi un peu la sienne. Nul doute que le Mouvement de la résistance islamique, qui a été fondé, en décembre 1987, par des membres de la confrérie, espère disposer à l’avenir d’un puissant relais politique au Caire. " C’est une nouvelle ère qui s’ouvre en Egypte ; il s’agit d’un revers pour le programme de normalisation et de coopération sécuritaire avec l’ennemi " (israélien), a commenté Mahmoud Zahar, numéro deux du Hamas à Gaza.
Israël espère que les militaires égyptiens, qui ont été ses alliés pour maintenir le blocus de la bande de Gaza, vont continuer dans cette voie, mais rien n’est moins sûr. D’autres conséquences fâcheuses sont à envisager pour l’Etat juif. Un Hamas ayant le vent en poupe sera un partenaire plus intraitable pour le Fatah, le parti dominant de l’Autorité palestinienne, et pour son président, Mahmoud Abbas. Ce nouveau rapport de forces devrait avoir pour effet de retarder les chances d’une réconciliation inter-palestinienne et la perspective d’élections générales en Cisjordanie et à Gaza.
Ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour Israël, à ceci près : un nouvel affaiblissement de M. Abbas au profit du Hamas ne peut que réduire à néant les efforts pour réanimer le processus de paix israélo-palestinien. A plus forte raison parce que celui-ci a été qualifié il y a quelques jours de " cliniquement mort " par M. Abbas.