On peut retourner le problème dans tous les sens. Des trêves de 48h ou 72h ne suffisent pas. Laisser Israéliens et Palestiniens en tête à tête sous l’égide du régime autoritaire d’Al-Sisi en Égypte, sans implication de la communauté internationale qui attend que le miracle d’une paix durable sorte du chapeau, c’est tout simplement de l’irresponsabilité !
Tous les trois ans en moyenne, une agression israélienne a lieu pour apparemment détruire les tunnels du Hamas, mais qui en réalité pratique une dévastation humaine et humanitaire à Gaza , comme vient de le faire l’opération militaire israélienne « bordure de protection ». Puis vient le temps des reconstructions qui, une fois terminées, sont de nouveau bombardées, touchant les populations et ainsi de suite, et comme prime : un blocus féroce.
Les statistiques montrent que 43,5% de la population de la Bande Gaza a moins de 15 ans, 20,9% entre 15 et 25 ans, soit une population de 64% de moins de 25 ans, cible des différentes offensives israéliennes, en l’occurrence celle d’aujourd’hui "Bordure de protection".
Si plus de 400 000 réfugiés palestiniens à Gaza vivent dans les camps de réfugiés, autant vivent à l’extérieur des camps sur une population de 1,7 millions d’habitants.
Près de 250 000 personnes sans abris trouvent refuge dans les 90 abris de l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, abris qui ne sont autres que les écoles de l’UNRWA. L’inquiétude est grande, car ces abris ne peuvent être une solution sur le long terme. Surtout que le 24 août est le jour de la rentrée scolaire. 230 000 élèves dépendant de l’UNRWA, sont attendus, mais ils seront plus nombreux puisque l’agence des Nations Unies ouvre les portes de ses écoles aux élèves des écoles publiques de la ville qui ont été détruites. Ils recevront tous éducation et aide humanitaire. L’une des grandes priorités aujourd’hui est la reconstruction des écoles de l’UNRWA qui ont été bombardées. Les rapports presque quotidiens de l’UNRWA sur la situation à Gaza sont édifiants. Malgré cette situation de dévastation et d’occupation, les jeunes Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza bénéficient d’un haut niveau d’éducation, ce qui est salutaire et aussi la façon non violente de résister à l’occupation.
Quel est l’avenir de cette jeunesse confrontée à la violence des offensives israéliennes et à la conception autoritaire qu’a le Hamas de la société palestinienne avec le pouvoir qu’il exerce à Gaza depuis son coup d’État en 2007 ? Mais quel est aussi l’avenir de la jeunesse de Cisjordanie qui subit la violence de la colonisation et de l’occupation renforcées par les gouvernements successifs israéliens de droite et d’extrême droite. Selon les statistiques de 2013 en Cisjordanie, 34,4% de la population a moins de 15 ans et 21,8% est entre 15 et 25 ans, plus de 56% de la population a moins de 25 ans.
Les jeunes Palestiniens, notamment de Gaza, sont victimes de syndromes post-traumatiques liés au contexte de violence. Les organisations humanitaires font un travail titanesque avec des programmes adaptés comme c’est le cas pour Médecins sans Frontières depuis l’an 2000.
Mais la solution doit être réglée politiquement, ce que refuse Israël. Les dirigeants actuels Benyamin Netanyahou, Avigdor Lieberman, Naftali Bennett et le Président de la République Reuven Rivlin qui représentent la droite dure et extrême sont strictement opposés à un État palestinien.
Aujourd’hui, Gaza compte plus 1900 morts, dont plus de 400 enfants et près de 10 000 blessés. Il a fallu que des écoles de l’ONU soient la cible pour que la communauté internationale commence à bouger.
Pourquoi l’UE est-elle sans réaction ? L’ONU, quant à elle, est impuissante, à cause des dizaines de vétos des USA. 25 ans après la fin de la Guerre froide, l’ONU continue de fonctionner avec les mêmes mécanismes comme le droit de veto. L’UE doit pouvoir faire entendre sa voix à l’ONU et pour cela elle doit réclamer son siège au Conseil de sécurité, comme le réclame depuis des années Dany Cohn-Bendit.
Mais en attendant, à l’échelon mondial, c’est la politique des États qui fait avancer les choses... ou reculer.
La France était jusqu’en 2007 très écoutée sur la question du Proche-Orient, précisément parce qu’elle a toujours été consciente de la centralité de la question israélo-palestinienne et qu’elle a toujours eu une position traditionnelle d’équilibre entre les parties, se fondant sur le droit international, comme le rappelle Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’iReMMO. Sarkozy, se dirigeant peu à peu vers un tournant pro-israélien, a décidé que ce conflit devenait secondaire ce qui fut une grande erreur .
Quant à la première déclaration de François Hollande, considérant qu’Israël pouvait utiliser tous les moyens pour se défendre, elle marque une rupture totale, il s’agit d’une position quasiment néo-conservatrice de soutien au Gouvernement de droite dure et extrême de Benyamin Netanyahou. Non seulement la France a abandonné le leadership de la question palestinienne depuis plus de cinq ans, mais le Président de la République se place en situation d’observateur, sans analyse globale de la situation. Or, quand on dirige un pays et quand on connaît le rôle de la France dans cette partie du monde, on ne fait pas qu’observer, on prévoit, on anticipe, on propose et on prend des initiatives fortes, dans le respect du droit international, afin de dépasser le cadre Israël-Palestine-Egypte qui ne peut déboucher sur une solution globale du conflit.
La France a su, dans le passé, prendre des initiatives, seule, et a entraîné derrière elle bon nombre de pays. Comme le dit Alain Gresh, c’est bien la France qui a été la première à condamner la colonisation israélienne. C’est bien la France qui a ouvert le dialogue avec l’OLP à une époque où Israël et les États Unis considéraient l’OLP comme organisation terroriste. C’est bien la France qui, alors, prônait un État palestinien, alors que les USA et Israël, refusaient. C’est bien la France qui, seule contre tous, a été la première à recevoir Yasser Arafat. C’est bien la France qui, d’ailleurs sous Sarkozy [1], a voté en faveur de l’admission à l’ONU de l’État de Palestine comme État observateur, entraînant dans son sillon le vote positif de nombreux pays, dont bon nombre de l’UE.
Aujourd’hui, la Bande Gaza n’est toujours pas sorti du système d’occupation. Elle vit sous un blocus féroce israélien et égyptien depuis l’arrivée d’Al Sisi au pouvoir. Le Hamas ne cédera pas sur le blocus, il en fait son cheval de bataille, martèle sa revendication de levée du blocus et devient de fait le parti de la résistance, alors qu’il s’agit de la revendication de l’ensemble de la délégation palestinienne au Caire conduite par l’OLP. La levée du blocus a été mentionnée à chaque fois dans les clauses des cessez le feu précédents, mais n’a jamais pris effet.
Il faut une voix forte de la communauté internationale pour que cessent ces mesures punitives contre les populations de la Bande de Gaza comme le blocus et les bombardements récurrents contre les populations palestiniennes. Mais la France a eu une attitude affligeante, lorsqu’elle s’est abstenue à la commission des droits de l’homme de l’ONU qui demandait une enquête liée à la tragédie de Gaza. De par son abstention, elle tire ainsi vers le bas l’Union Européenne et les chances de parvenir à une solution.
Cependant, la France s’est réveillée lorsque trois écoles de l’UNWRA ont été attaquées, emboîtant le pas aux critiques du secrétaire général de l’ONU. Le Président de la République a déclaré qu’il n’est pas possible de rester neutre après un tel massacre, sans citer d’ailleurs le nom de l’agresseur. Par contre pour le ministre des Affaires étrangères, la sécurité d’Israël ne doit pas justifier un tel carnage, il faut imposer la Paix. Par la voix de Laurent Fabius, la France semble vouloir renouer avec ses traditions.
Mais il convient de noter qu’entre le renoncement de Sarkozy et la première déclaration de François Hollande d’un côté et celle de Laurent Fabius de l’autre, on assiste à une diplomatie de grand écart.
Si la proposition de Laurent Fabius d’une solution de paix imposée aux parties se confirme, cela voudra dire, qu’après trois semaines de silence suivant la 1e déclaration fatale du Président de la République, on assiste à une démarche nouvelle et importante.
Que la France prenne la tête d’une initiative européenne - l’UE n’ayant aucun rôle, à part financer la reconstruction qu’Israël s’applique à détruire tous les trois ans – où le droit international est au premier plan ! Qu’elle favorise la réunion des parties contractantes des conventions de Genève pour protéger les populations civiles sous occupation ! Que la France, comme puissance motrice au sein de l’UE, prenne des initiatives en liaison avec les USA et les pays arabes et décide de reconnaitre l’État de Palestine dans les frontières de 1967 ! Qu’elle se dirige vers des pressions sur Israël concernant les produits des colonies et la colonisation ! Qu’elle aille jusqu’à brandir la menace de sanctions, comme par exemple la demande de la suspension de l’Accord d’association entre l’UE et Israël ! Que dit la France par rapport à ces milliers de Français qui vont s’installer dans les colonies, alors que la colonisation est condamnée comme crime de guerre par la Cour Pénale Internationale ? Comment la France peut-elle laisser faire que des soldats français servent dans l’armée israélienne, sans pour autant avoir la double nationalité ? Là aussi le Gouvernement français doit répondre. L’Afrique du sud donne l’exemple en menaçant de poursuites en justice les soldats sud-africains servant dans l’armée israélienne.
La France doit être à la tête d’une initiative européenne sur la question globale de la Palestine : Gaza avec le blocus et la dévastation humaine et humanitaire, et la situation en Cisjordanie, pour qui la tragédie de Gaza permet de remettre la question de la fin de l’occupation et de la colonisation à l’ordre du jour. S’il ne se passe rien, l’occupation et la colonisation qui sont la cause des humiliations quotidiennes que vivent les Palestiniens conduiront à de nouvelles explosions.
Il manque une vraie vision de la communauté internationale en général et de la France en particulier. Pour ce, une volonté politique est nécessaire. La volonté politique veut dire tout ceci, mais signifie aussi mettre sur la table la question des ressources en eau, car la question qui se pose, est celle du droit à l’eau pour les Palestiniens.
La volonté politique veut dire également œuvrer pour un règlement de la question des prisonniers, en commençant par l’obtention de la libération de Marwan Barghouti, en prison depuis 2002, et qui, il y a quelques jours, vient d’adresser un message au peuple palestinien, dont voici un court extrait : « le chemin de la dignité et de la liberté est pavé de sacrifices (..). Notre peuple doit unifier ses efforts pour en finir avec l’occupation et incarner l’unité nationale qui constitue la loi de la victoire pour les peuples opprimés. »
Une unité nationale palestinienne que rejette l’équipe au pouvoir en Israël Netanyahou-Lieberman-Bennett-Rivlin, sous prétexte que le Hamas y figure, après avoir reproché au Président Mahmoud Abbas de ne pas être un vrai partenaire en raison des divisions intrapalestiniennes.
De qui se moque t-on ?
Mais l’offensive israélienne a réalisé l’unité nationale palestinienne que cette droite dure et extrême au pouvoir, rejette. C’est cette unité nationale d’une grande cohésion dans les négociations qui fait dire à des Démocrates palestiniens que Gaza, en dépit de sa tragédie, peut et doit conduire à un éveil palestinien démocratique.
Cet éveil palestinien démocratique doit être accompagné. Comment peut-on, dans une telle situation, laisser les Palestiniens et les Israéliens, seuls, face à face dans les négociations sous l’égide de l’Égypte ?
Quant au Hamas, la communauté internationale doit mener un dialogue sans concession avec lui.
Imposer la Paix, ce n’est pas regarder les trains passer, surtout pas celui de l’histoire.
La communauté internationale doit s’engager et vite. La France doit au plus vite prendre une initiative dans ce sens, car la Paix, c’est la levée du blocus et la fin de l’occupation, et basta !
Et le reste suivra.