Photo : Une jeune fille escalade la clôture qui sépare Israël de la bande de Gaza lors des manifestations de la marche du retour - Crédit : Mohammed Zaanoun (Active Stills Collective)
À cette époque de l’année, les tensions politiques en Palestine augmentent de façon habituelle. Les fêtes juives sont toujours associées à des colons qui prennent d’assaut l’enceinte de la mosquée al-Aqsa et attaquent les fidèles et les civils palestiniens, et ces attaques font toujours l’objet d’une réponse de la part de la bande de Gaza. Cette fois-ci, cependant, ce ne sont pas les factions de la résistance de Gaza qui réagissent, mais des gens ordinaires.
Au cours de la semaine et demie écoulée, des centaines de personnes se sont rassemblées à divers endroits le long de la clôture de Gaza avec Israël, dans le cadre d’une mobilisation populaire qui rappelle la Grande Marche du retour de 2019. Les similitudes ne résident pas dans la taille ou la nature des manifestations, mais dans les lieux où elles se déroulent et dans les participants eux-mêmes. De nombreux visages familiers sont apparus, mais il semble que certains d’entre eux opèrent désormais sous un nom.
Ce nom apparaît comme une nouvelle voix appelant aux manifestations : al-Shabab al-Tha’er, ou « la jeunesse révolutionnaire ».
Tout a commencé mercredi dernier, lorsque des dizaines de Palestiniens ont répondu à un appel signé par la « Jeunesse révolutionnaire », les exhortant à soutenir les prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes. Les manifestants se sont acheminés vers la clôture israélienne et s’en sont approchés lorsqu’une forte explosion s’est fait entendre. Le ministère de la santé de Gaza a fait état de la mort de six Palestiniens. 25 autres ont été blessées.
Les circonstances de l’explosion restent floues et les témoins racontent deux versions différentes de l’incident. Selon le premier, les forces israéliennes auraient placé un engin explosif sur la clôture pour tendre une embuscade aux jeunes et les tuer. Selon l’autre version, l’explosion s’est produite lorsque les manifestants ont tenté de lancer un engin explosif du côté israélien.
Les six martyrs ont été enterrés au milieu d’une foule massive de personnes en deuil, tandis que leurs cortèges funèbres remplissaient les rues de la bande de Gaza le jeudi 14 septembre. Leur mort n’a pas dissuadé les autres manifestants de se joindre à eux. Au contraire, ils ont servi de force galvanisante pour inciter les gens à se rendre à la frontière. Dans les jours qui ont suivi, la Jeunesse révolutionnaire a continué à lancer des appels à d’autres manifestations à la frontière, et les gens ont commencé à venir en plus grand nombre.
Alors que les manifestations se poursuivaient, la poursuite de la campagne de répression israélienne contre les Palestiniens en Cisjordanie a jeté de l’huile sur le feu, notamment après la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos montrant des colons israéliens et des forces armées en train de violenter des femmes et des personnes âgées palestiniennes, accompagnées d’images de colons prenant d’assaut l’enceinte de l’Aqsa.
Vendredi, les manifestations ont attiré une foule nombreuse et les forces israéliennes ont réagi en tirant des gaz lacrymogènes sur les manifestants et en tirant sur les manifestants et les journalistes. Un photographe qui couvrait les manifestations a été touché à la main par une grenade lacrymogène et a été transporté en Turquie pour y être soigné et tenter de sauver sa main.
Dimanche, des centaines de personnes ont manifesté à l’est de la ville de Gaza, à Malaka, l’un des points névralgiques des manifestations à la frontière. Parmi la foule de jeunes, deux femmes participaient, espérant trouver d’autres personnes pour les rejoindre et exprimer leur solidarité avec leur peuple en Cisjordanie. Lorsque Mondoweiss s’est entretenu avec elles, elles semblaient déçues qu’il n’y ait pas plus de monde. Normalement, une violation aussi évidente d’al-Aqsa devrait susciter une réaction populaire plus large, mais ils restent optimistes et pensent que davantage de personnes viendront dans les jours à venir.
« Nous sommes venus ici aujourd’hui pour défendre et soutenir nos concitoyens à Jérusalem et en Cisjordanie », a déclaré à Mondoweiss Amal Ahmad, 41 ans, l’une des manifestantes en première ligne. « C’est la chose la plus simple que nous puissions faire pour montrer à l’occupant israélien que les Palestiniens sont un peuple invaincu et fort, et que quoi qu’ils fassent pour nous terrifier par des tirs et des gaz lacrymogènes, nous sommes plus forts qu’eux. »
« Il est inacceptable que les habitants de Gaza voient les Palestiniens de Jérusalem et de Cisjordanie souffrir aux mains des Israéliens et ne fassent rien », a-t-elle ajouté.
Le désir de résister
La plupart des manifestants actuels sont d’anciens participants à la Grande Marche du Retour, et nombre d’entre eux ont souffert de blessures permanentes lorsque la Marche battait son plein. Même la Jeunesse révolutionnaire, qui a organisé ces manifestations, est composée de vétérans de la Marche du retour.
« Ce qui arrive à nos frères et sœurs de Cisjordanie et de Jérusalem nous arrive à nous », a déclaré Ahmad Hafez, un manifestant de 18 ans, à Mondoweiss, adressant un message à Israël depuis les lignes de front. « Si vous continuez à agresser notre peuple en Cisjordanie, nous viendrons aux frontières tous les jours et nous répondrons durement. »
Les manifestants affirment que ces protestations seront de plus en plus efficaces et dommageables pour Israël au fil du temps, menaçant d’intensifier les actions directes en utilisant de nouveaux outils de confrontation, tels que de simples grenades artisanales et des engins explosifs improvisés (EEI).
« Israël verra des actes terrifiants de la part de la Jeunesse révolutionnaire à Gaza en réponse à ses crimes contre les Palestiniens », a déclaré à Mondoweiss Ahmad Abu Khater, un membre de la Jeunesse révolutionnaire âgé de 22 ans.
Abu Khater considère que ce type de manifestations est plus préjudiciable à Israël que les conflits militaires à proprement parler. Il pense qu’Israël a subi des pertes à la suite des actions des manifestants, mais il ne veut pas divulguer de détails. « Nous sommes ici pour semer la confusion dans l’esprit de l’occupant », a-t-il déclaré. « Lorsqu’ils voient des centaines d’entre nous se lever sans crainte, c’est eux qui ressentent la peur, pas nous ».
« C’est pourquoi un enfant brandissant une pierre peut terrifier l’occupant plus que n’importe quelle arme », a poursuivi Abu Khater.
Abu Khater est originaire du camp de réfugiés d’al-Nusserat, au milieu de la bande de Gaza. Il est arrivé pour manifester aux côtés de ses amis et de certains membres de sa famille, tous de jeunes garçons âgés de onze à treize ans. Abu Khater les a montrés du doigt un par un, puis a déclaré : « Ce sont ces jeunes qui libéreront notre terre. »
La réponse d’Israël
Israël ne s’est pas contenté de réprimer les manifestations à sa frontière : il a également lancé des frappes aériennes dans toute la bande de Gaza, à partir de vendredi dernier. Les forces aériennes israéliennes ont frappé plusieurs sites affiliés au Hamas dans le nord de la bande de Gaza. Certains de ces sites se trouvaient également à proximité des lieux où se sont déroulées les manifestations. L’un des sites bombardés était un point de contrôle militaire du Hamas dans la partie orientale de la bande de Gaza, ce qui a fait plusieurs blessés et entraîné des destructions massives dans les zones visées.
Outre les frappes aériennes, Israël a également renforcé ses sanctions économiques à l’encontre de Gaza, en fermant vendredi le point de passage d’Erez entre Gaza et Israël et en empêchant plus de 18 500 travailleurs de Gaza d’aller travailler en Israël.
Sami ’Amsi, chef du syndicat des travailleurs de Gaza, a déclaré dans un communiqué de presse que la fermeture du point de passage d’Erez en réponse aux événements survenus aux frontières est un acte de punition collective à l’encontre de plus de 18 500 travailleurs de Gaza et de leurs familles.
« L’occupation israélienne utilise la situation des travailleurs de Gaza comme une forme de pression et de chantage politique et économique à l’encontre des Palestiniens », a déclaré M. Amsi dans son communiqué. « Israël cherche à obtenir des bénéfices politiques aux dépens des travailleurs palestiniens et de leurs moyens de subsistance. »
Traduit par : AFPS