La campagne médiatique dans laquelle s’est engagé le gouvernement israélien est d’une rare intensité. Comme il l’avait fait à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, en enchaînant les interviews aux chaînes de télévision et journaux américains, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, multiplie, depuis quelques jours, les entretiens avec la presse européenne. Ce blitzkrieg de communication n’a qu’un objectif : la réunion des 15 et 16 octobre, à Genève, du groupe P5 + 1 (les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne), qui doit amorcer une nouvelle série de négociations sur le programme nucléaire de l’Iran.
Cet activisme diplomatique a pour ambition de contrer la tentation prêtée aux Américains et aux Européens de récompenser l’assouplissement apparent de la position iranienne par un allégement progressif des sanctions économiques frappant Téhéran, voire, si possible, d’obtenir leur renforcement.
Les Israéliens savent que cette fuite en avant est vouée à l’échec, mais ils n’ont pas d’autre stratégie. Pour Israël, le vent a tourné dans le mauvais sens : le président iranien, Hassan Rohani, a su convaincre la communauté internationale qu’en dépit d’une décennie de dissimulations sur l’état d’avancement de ses recherches nucléaires, son pays est décidé, cette fois-ci, à se laver de tout soupçon s’agissant de l’orientation militaire de son programme atomique.
En dépit de ses menaces réitérées de recourir à des frappes militaires pour détruire les installations nucléaires iraniennes, M. Nétanyahou sait que la " fenêtre de tir " s’est sans doute refermée : comment imaginer qu’Israël se lance dans une aventure militaire contre l’Iran pendant que son seul véritable allié stratégique, les Etats-Unis, poursuit avec Téhéran des négociations placées sous le signe de la détente diplomatique ?
Même si, selon un récent sondage, 84 % des Israéliens pensent que l’Iran n’a pas l’intention de mettre fin à son programme nucléaire et si 65 % d’entre eux se déclarent prêts à soutenir une opération militaire solitaire de l’Etat juif, rien n’indique que les responsables de l’armée israélienne, en particulier le chef d’état-major, le général Benny Gantz, et les chefs des services de renseignement ont changé d’avis : outre que des frappes de l’aviation ne pourraient, au mieux, que dégrader sensiblement les installations nucléaires iraniennes, Israël aurait nécessairement besoin d’un soutien logistique et stratégique américain pour repousser des représailles de Téhéran.
Initiative guerrière
Or celui-ci serait, dans le meilleur des cas, plus frileux, si le premier ministre israélien torpillait par une initiative guerrière les efforts du président Barack Obama pour sortir diplomatiquement de l’épreuve de force nucléaire avec l’Iran. Il est significatif que le discours agressif de M. Nétanyahou à l’ONU vis-à-vis de l’Iran ait été interprété par plusieurs éditorialistes américains comme une volonté de " saboter " le rapprochement avec Téhéran.
De même, il n’est pas sûr que la Maison Blanche voit d’un très bon oeil les efforts déployés par des responsables israéliens pour convaincre le Congrès d’intensifier les sanctions contre l’Iran. Tel était manifestement le but de la visite à Washington, mercredi 9 octobre, de Mosché Yaalon, ministre israélien de la défense. En pleine crise politique sur le " shutdown " de l’administration américaine, M. Obama considérera comme une nuisance toute tentative israélienne visant à faire dérailler l’esquisse de rapprochement irano-américain.
Les relations entre Benyamin Nétanyahou et Barack Obama se sont améliorées depuis la visite du président américain à Jérusalem, en mars, mais elles restent d’autant plus fragiles que le premier israélien a récemment durci le ton sur les négociations israélo-palestiniennes. Celui-ci est donc engagé dans un jeu délicat : l’administration américaine peut trouver un avantage à laisser Israël brandir le " bâton " des frappes militaires, afin de maintenir la pression sur l’Iran, à condition que M. Nétanyahou ne fasse pas capoter le délicat marchandage diplomatique en cours.