« L’asile politique, dans des pays arabes, en Europe, n’importe où ! » s’écrie Amr. Dans le corridor d’Erez qui va en Israël, des centaines de Palestiniens ont un seul espoir : fuir Gaza.
Ils sont environ 500, hommes, femmes, enfants, entassés depuis des jours, par familles, sur des morceaux de carton ou à même le sol. Le principal point de passage entre Israël et la bande de Gaza a des airs désolés de camp de réfugiés.
À l’intérieur de ce couloir de quelques centaines de mètres, c’est le chaos. Les cris et les pleurs des femmes et des enfants s’entremêlent. Parfois, des tirs en l’air de soldats israéliens déchirent les tympans.
Lorsque les Israéliens ont interdit le passage, à la suite de la prise de contrôle de Gaza par le Hamas vendredi, les fonctionnaires proches du parti Fateh ou membres des services de sécurité ont craint d’être la cible des islamistes.
Les nouveaux maîtres de Gaza ont été sévères envers les chefs du parti du président Mahmoud Abbas ou les responsables de la sécurité qui n’avaient pas réussi à quitter à temps le territoire, désormais coupé du monde.
« Depuis quatre jours, nous dormons ici. J’ai fui Gaza avec ma famille pour essayer de rejoindre la Cisjordanie. Mais Israël ne veut pas nous laisser passer », déplore Amr.
L’homme refuse de livrer des informations qui permettraient de l’identifier. C’est un fonctionnaire de l’ancien quartier général du président palestinien Mahmoud Abbas, sur lequel flotte désormais le drapeau vert, couleur de l’islam et emblème du Hamas.
Autour de lui, des jeunes gens se protègent la tête des rayons ardents du soleil qui frappent le tunnel. Avec la chute de Gaza, des pillards sont venus dérober la tôle ondulée qui servait de toit.
Derrière l’imposant portail électrique gris contrôlé à distance, une dizaine de soldats israéliens, bouclier et fusil d’assaut au poing, observent la scène. « Éloignez-vous », hurlent-ils à chaque fois que certains tentent de s’approcher. Un ordre parfois appuyé par une rafale tirée en l’air, puis une deuxième. Tout le monde recule et se plaque contre les pans de béton.
Israël doit permettre à ceux qui fuient la bande de Gaza passée sous contrôle du Hamas de gagner la Cisjordanie, a néanmoins affirmé hier le ministre israélien de la Justice Daniel Friedman. « Nous devons permettre aux habitants de Gaza qui cherchent à fuir le terrorisme du Hamas de se rendre en Cisjordanie », a-t-il déclaré.
« Je suis un fils d’Abou Ammar (le nom de guerre du défunt Yasser Arafat). Où est Mahmoud Abbas ? Qu’ils viennent ici voir ce que nous subissons. Où est la communauté internationale ? » s’emporte Amr, à bout de nerfs. Au bord des larmes, il s’époumone encore : « Si on ne nous laisse pas aller en Cisjordanie, qu’on nous donne l’asile politique dans des pays arabes, en Europe, aux États-Unis. N’importe où ! »
À ses côtés, Fatima, une jeune femme venue de Khan Younès avec son mari et ses cinq enfants, fond en larmes lorsque claquent les coups de feu. « Nous voulons seulement aller à Ramallah », en Cisjordanie, sanglote-t-elle. Sans famille là-bas, elle se dit prête à dormir « dans la rue ou des bureaux officiels », juste pour fuir Gaza. Elle raconte que son mari est membre de la Sécurité préventive, un organe de sécurité contrôlé par Mahmoud Abbas qui a été au centre des combats sanglants avec les islamistes, qui durent depuis un an. « Ils sont venus chez nous pour prendre les armes de mon mari et nous ont menacés », dit-elle.
Une autre femme se lamente : « Nous avons les soldats israéliens devant nous et derrière nous, ce sont les hommes de la Force exécutive » du Hamas. Ces derniers sont postés à plusieurs centaines de mètres de l’entrée du corridor et empêchent désormais tout Palestinien de s’en approcher. « Il y a beaucoup de gens à Erez qui tentent de se rendre en Cisjordanie », confie l’un de ces combattants du Hamas, sans décliner son identité. Il assure que les craintes des fuyards sont injustifiées : « Il n’y a pas besoin de fuir. Il n’y a plus de combats et les rues sont calmes. La bande de Gaza est désormais un territoire sûr. »