Les pays signataires sont la France, le Royaume Uni, l’Espagne l’Italie, la Belgique, la Suède, Malte, l’Autriche, l’Irlande, le Portugal, la Slovénie, la Croatie, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas et le Luxembourg. L’Allemagne a été la seule des cinq grands pays de l’Union à ne pas signer. La Hongrie, qui figurait dans la liste publiée hier par Haaretz et le Guardian n’a pas signé, non plus, le document. En revanche, la Croatie, qui ne figurait pas dans la liste établie par ces deux quotidiens a endossé cet appel à Federica Mogherini. La signature de son ministre des affaires étrangères et européennes, Vesna Pusic, premier vice-premier ministre, en témoigne.
Outre l’Allemagne et la Hongrie, les 12 pays qui n’ont pas signé la lettre sont la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la République tchèque et la Slovaquie.
Datée du 13 avril la lettre des 16 ministres salue l’implication renouvelée de l’Union européenne dans le processus de paix au Moyen Orient et rappelle qu’une lettre, dans le même sens, avait été adressée, il y a deux ans exactement, par les représentants de 13 pays, à Catherine Ashton qui exerçait alors les fonctions dévolues aujourd’hui à Federica Mogherini. Lettre qui n’avait pas été suivie d’effet à la suite d’une démarche américaine.
Pendant l’été 2014, Catherine Ashton avait en effet accepté d’ajourner la mise en œuvre des mesures réclamées par les 13 ministres à la demande du secrétaire d’Etat américain John Kerry, qui s’efforçait alors de renouer les négociations de paix israélo-palestiniennes et qui redoutait que cette initiative européenne ne serve de prétexte à un durcissement israélien. Précaution vaine : les négociations israélo-palestiniennes avaient échoué en mars 2014, buttant notamment sur le refus israélien de libérer, comme promis, un contingent de prisonniers palestiniens. En réaction, plusieurs pays, qui n’avaient pas signé la « lettre des 13 » avaient décidé de durcir leur attitude et trois d’entre eux ont d’ailleurs paraphé la « lettre des seize ».
« Nous considérons toujours, écrivent les ministres signataires, que [cet étiquetage] est un pas important vers la véritable mise en œuvre de la politique constante de l’Union européenne, liée à la sauvegarde de la solution à deux Etats. L’expansion continue des colonies israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés et les autres territoires occupés par Israël depuis 1967 menace la perspective d’un accord de paix juste et définitif. En outre, la mise en œuvre rigoureuse et cohérente de la protection des consommateurs de l’UE et de la politique européenne d’étiquetage est indispensable pour garantir que les consommateurs ne sont pas trompés par de fausses informations ».
Les ministres ne le mentionnent pas, mais il est clair qu’ils entendent ainsi répondre au nouvel infléchissement à droite des positions de Benjamin Netanyahou, qui s’est prononcé pendant sa campagne électorale contre la création d’un Etat palestinien, avant de tenter, sans convaincre, les élections gagnées, de revenir sur ses propos. L’étiquetage des produits en provenance des colonies était d’ailleurs l’une des recommandations formulées par les chefs de missions diplomatiques de l’UE dans leur dernier rapport confidentiel. Rapport particulièrement alarmant, sur la situation à Jérusalem-Est. (Rapport publié par Médiapart et qu’on peut lire ici : http://www.mediapart.fr/journal/international/280315/document-exclusif-la-bombe-retardement-de-jerusalem).
Le même rapport recommandait également l’adoption par l’UE de nouvelles restrictions, en matière d’accès aux pays de l’Union contre « les colons connus pour leur violence et ceux qui appellent à des actes de violence » et conseillait d’accroître la vigilance des entreprises européennes sur « les risques qu’elles courent de travailler avec des colonies ».
Pour les responsables israéliens, cette lettre n’est pas une véritable surprise. Au cours de leurs rencontres avec des interlocuteurs israéliens avant les élections législatives remportées par le Likoud et ses alliés, nombre de diplomates européens avaient indiqué que si Netanyahou était réélu et formait un gouvernement d’extrême-droite l’Europe n’aurait pas d’autre choix que d’imposer des sanctions sur les produits des colonies et prendre d’autres mesures énergiques pour empêcher Israël de franchir les dernières « lignes rouges » qui protègent encore la solution à deux Etats. La coalition gouvernementale, à ce jour, n’est pas encore formée, mais quelle que soit sa composition réelle – il est même question d’un cabinet d’union avec les travaillistes – son centre de gravité, plombé par le poids politique des colons, l’entraîne à ce point à droite qu’on ne voit pas comment les dernières lignes rouges ne seraient pas franchies par Netanyahou.