A la suite de la décision d’Israël d’accélérer les constructions dans les colonies de Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et compte tenu de l’adoption de la loi qualifiée de “loi de régularisation,” qui permet l’expropriation de terres palestiniennes privées, la conférence au sommet entre Israël et l’Union Européenne, prévue pour le 28 février, sera à présent différée. Des diplomates européens ont fait la remarque que la réunion a déjà été retardée depuis cinq ans, et qu’elle devait représenter un dégel des relations entre Israël et l’UE.
Des diplomates, qui ont souhaité rester anonymes en raison du caractère délicat de la question, ont déclaré à Haaretz que, pendant la réunion de lundi des ministres des affaires étrangères de l’UE, plusieurs états ont exprimé leur opposition à la tenue de la conférence au sommet, qualifiée de “réunion de l’association.” La réunion était destinée à marquer le renforcement de la coopération entre Israël et l’UE et à établir un plan de travail et des priorités pour améliorer les relations entre les parties.
Parmi les pays qui ont exprimé des réserves au sujet de la conférence au sommet il y a eu la France, la Suède, l’Irlande, les Pays-Bas et la Finlande. Les diplomates européens ont souligné que ces pays ont affirmé que les nouvelles décisions prises par Israël en ce qui concerne les colonies, à savoir l’annonce de projets de construction de 6.000 nouveaux logements en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ont transformé en erreur la tenue de la conférence au sommet. Quelques pays ont soutenu que tenir une réunion en ce moment s’apparenterait à récompenser Israël pour sa mauvaise conduite.
En l’absence de tout consensus entre les 28 états-membres de l’UE, la réunion avec Israël ne peut se tenir, ont déclaré les diplomates. Le consensus doit concerner non seulement la date, mais aussi l’ordre du jour, les sujets devant être discutés avec Israël et les déclarations finales. Les diplomates ont déclaré qu’à ce stade il n’y a aucun consensus, aussi a-t-il été décidé d’examiner la question à la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères, qui doit avoir lieu au début de mars.
La Ministre des Affaires étrangères de l’UE, Federica Mogherini, espérait tenir la conférence au sommet avec Israël afin d’indiquer que les parties s’engagent sur une route nouvelle. Toutefois, Mogherini aura des difficultés à faire la promotion de cette question en allant à l’encontre de l’opposition de membres importants de l’UE, tels que la France. Dans une conférence de presse, lundi, après la réunion des ministres des affaires étrangères de l’UE, Mogherini a évité de dire quand la conférence au sommet se tiendrait, même si la date en a déjà fixée au 28 février.
Elle n’a pas non plus déclaré de façon explicite que la conférence au sommet était différée. Mogherini s’est contentée d’une vague déclaration disant qu’il avait été décidé de commencer à préparer la conférence au sommet pour laquelle un ordre du jour serait établi ultérieurement par consensus de tous les états-membres.
Les diplomates ont déclaré que la réunion des ministres des affaires étrangères s’était tenue plusieurs heures avant que la Knesset israélienne ne se soit prononcée sur la soi-disante « Loi de Régularisation". Cependant , ils ont déclaré que plusieurs ministres de l’UE avaient fait part de leur grande préoccupation de ce que la Knesset n’adopte cette mesure, et ont cité cela comme une des raisons pour lesquelles il n’est pas opportun de tenir la conférence au sommet avec Israël .
Les U.S.A n’ont pas été rapides à réagir à l’approbation de la mesure. Un haut fonctionnaire du Département d’Etat a déclaré que l’administration Trump veut examiner la question avec les deux parties.
Selon le fonctionnaire, les U.S.A. ne réagiront pas jusqu’à ce que la Cour Suprême d’Israël ne statue sur le recours contre la loi. « Ceci est la première fois depuis 1967 que le droit civil israélien s’applique directement à la Cisjordanie, et que le procureur général d’Israël a déclaré publiquement qu’il ne défendra pas cela devant un tribunal, » a-t-il dit.
Mogherini devrait s’envoler cette semaine vers Washington pour une série de réunions avec de hauts responsables de l’administration Trump, destinées à traiter principalement du conflit israélo-palestinien. Mogherini doit rencontrer le Conseiller à la Sécurité Nationale, le Gén. Michael Flynn, et le conseiller principal et gendre du président, Jared Kushner, qui devrait s’occuper de la question israélo-palestinienne.
Mogherini a déclaré lundi qu’elle soulignera aux Américains que la position de l’UE est toujours de soutenir la solution à deux états et de s’opposer à la construction de colonies. Plus tard ce mois-ci Mogherini rencontrera aussi le Vice-Président Mike Pence, quand il se rendra à Bruxelles en compagnie du Secrétaire d’Etat Rex Tillerson et du Secrétaire à la Défense, le Gén. James Mattis. Mogherini devrait mettre aussi l’accent dans ces réunions sur la position de l’UE à propos du conflit israélo-palestinien.
La Jordanie et la Turquie ont mardi matin condamné la loi. Le Ministre de l’Information de Jordanie, Mohammed al-Mumani, a qualifié la loi de "provocation » et a mis l’accent sur le fait qu’elle nuit à la possibilité d’une solution à deux états et qu’elle pourrait entraîner une montée de la violence dans la région. Le Ministère turc des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué que la loi était inacceptable et que la politique du gouvernement israélien était en train de détruire tous les fondements d’une solution à deux états.
Réagissant à la décision, la législatrice israélienne, Ksenia Svetlova, de l’Union Sioniste a déclaré : "Israël paie le prix politique pour ses dirigeants irresponsables qui cèdent à une minorité extrémiste."
Svetlova a considéré la démarche de l’UE comme « seulement le début" des mesures contre Israël dont elle craignait qu’elle n’aient lieu, et dont elle avait exigé que la Knesset discute de la question.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers