bitterlemons : Pensez vous qu’un gouvernement dirigé par Netanyahou soit une mauvaise nouvelle pour les Palestiniens ?
Abusada : Je ne suis pas sûr qu’un gouvernement dirigé par Netanyahou sera vraiment pire que le précédent. Mais si l’on regarde le conflit palestino-israélien sur ces 60 dernières années, cela a toujours été de mal en pis.
Alors, oui ce sera pire mais cela ne veut pas dire que le gouvernement précédent était bien.
Le gouvernement Olmert parlait de paix d’un côté mais de l’autre étendait les colonies, construisait le mur, encerclait Jérusalem-Est, et marginalisait le président Mahmoud Abbas ce faisant.
Peut-être le nouveau gouvernement israélien se révèlera-t-il aux Palestiniens, aux Arabes et à la communauté internationale comme un gouvernement beaucoup plus agressif.
bitterlemons : Si cela se produit, est-ce que ça pourrait être quelque chose de positif, de façon détournée ?
Abusada : Oui, comme ce fut positif dans le passé avec le gouvernement Shamir ou même l’ancien gouvernement Netanyahu. Les relations des Etats-Unis avec Israël s’étaient alors détériorées car ces gouvernements de droite refusaient de se plier au processus de paix. Aussi montrer le véritable visage d’Israël -avec Avigdor Lieberman aux Affaires étrangères, un homme qui a menacé de détruire le barrage d’Assouan, de déporter les Palestiniens ou de les noyer dans la mer morte etc. [1]- peut envoyer un signal d’alarme aux acteurs internationaux.
Nous avons déjà pu voir certains signaux émanant de la communauté internationale. Récemment l’Union européenne a déclaré que si le gouvernement Netanyahou n’acceptait pas la solution à deux Etats, cela aurait des répercussions sur les relations entre l’Europe et Israël.
bitterlemons : Et Gaza ? Quelle chance y a-t-il d’arriver à un accord de cessez-le-feu et à un échange de prisonniers ?
Abusada : S’il n’y a pas d’échange de prisonniers dans les jours qui viennent, je ne vois pas de chance [d’y arriver] sous Netanyahou. Netanyahou n’est pas tenu aux mêmes obligations morales que le gouvernement Olmert de faire en sorte que Gilad Shalit soit libéré. Et je ne vois pas le gouvernement Netanyahou, sur la base des grands discours de son parti et des partenaires de sa coalition, s’engager dans un processus d’échange de prisonniers qui permettrait la libération de certains membres du Hamas. Donc je ne vois pas de possibilité qu’un échange de prisonniers ait lieu entre le Hamas et un gouvernement Netanyahou.
Quant au cessez-le-feu, tel que je comprends l’accord de coalition entre Netanyahou et Lieberman, le nouveau gouvernement israélien veut mettre fin à la domination du Hamas à Gaza. Je ne suis pas sûr que Netanyahou puisse le faire mais je ne pense pas qu’il tolèrera la moindre roquette tirée de Gaza. Je pense que la relation entre Gaza et Israël sous le nouveau gouvernement [israélien] va être de nature très agressive.
bitterlemons : Quelle est l’importance de la réconciliation palestinienne ?
Abusada : La réconciliation palestinienne devrait être une priorité absolue pour les Palestiniens. Les dirigeants palestiniens devraient entendre les grandes déclarations de Netanyahou et sa coalition et cela devrait les inciter à mettre de côté leurs divergences.
Il ne me semble pas, malheureusement, que les dirigeants palestiniens aient compris la nature de ces menaces. Les factions palestiniennes, Hamas et Fatah, recherchent leurs propres intérêts plus que l’intérêt national.
bitterlemons : Etes-vous d’avis que Netanyahou va s’engager vers une solution à deux Etats, et sinon, quid de la communauté internationale ?
Abusada : Je pense que Netanyahou ne s’engagera vers une solution à deux Etats qu’à la façon d’ Ariel Sharon, càd un Etat palestinien sur seulement 50 % de la Cisjordanie, ce que les Palestiniens ne peuvent accepter [2] Mais je ne pense pas que la communauté internationale soit en mesure d’exercer beaucoup de pression sur Israël dans ce contexte.
L’UE, par exemple, est toujours soumise au poids de sa culpabilité historique et ne fera donc pas vraiment pression sur Israël. Chaque fois que l’Europe tente d’exercer des pressions sur Israël , on l’accuse d’être antisémite.
Il est possible que les relations empirent, mais sans aller jusqu’à un boycott économique ou quelque pression qui aurait vraiment du sens.