Le gouvernement israélien a décidé, une nouvelle fois, de geler le transfert des taxes qu’il perçoit au nom de l’Autorité palestinienne. Le versement de 106 millions d’euros, pour le mois de décembre 2014, a été suspendu, a-t-on appris le 3 janvier de source officielle.
La parade était attendue : elle répond à l’adhésion palestinienne à la Cour pénale internationale (CPI), lancée après le rejet d’une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU sur la fin de l’occupation israélienne. L’Autorité palestinienne (AP) a transmis le 2 janvier les documents nécessaires à cette adhésion, après la ratification deux jours plus tôt du statut de Rome et de 19 autres traités internationaux.
Cette arme judiciaire, agitée pendant des mois par le président Mahmoud Abbas, était redoutée par Israël, qui ne veut pas se retrouver formellement soupçonné de crimes de guerre pour ses opérations successives dans la bande de Gaza ou bien dans le cadre de l’occupation de la Cisjordanie. « L’Autorité palestinienne a choisi la confrontation avec Israël, a affirmé, dimanche, Benyamin Nétanyahou. Nous ne laisserons pas les soldats et les officiers de l’armée être traînés devant la CPI à La Haye. »
Pour le premier ministre israélien, le gouvernement palestinien de réconciliation, qui scelle une bien fragile alliance entre le Fatah, la formation du président Abbas, et le Hamas, rend le vieux leader palestinien comptable de tout. « Ceux qui doivent être poursuivis sont les dirigeants de l’Autorité palestinienne, qui ont fait une alliance avec les criminels de guerre du Hamas », a proclamé M. Nétanyahou. Israël pourrait réclamer des poursuites contre les dirigeants palestiniens, à commencer par M. Abbas, pour les crimes commis par le Hamas.
Campagne électorale
De son côté, Saeb Erekat, le négociateur en chef côté palestinien, a dénoncé la réponse israélienne. « Les Israéliens ne retiennent pas de la charité à l’égard du peuple palestinien, mais notre propre argent, ce qui nous revient de droit », dit-il. A la suite des accords d’Oslo en 1993, Israël perçoit les taxes sur les produits destinés aux territoires palestiniens, la TVA sur les achats palestiniens en Israël et les taxes sur l’essence. Israël transmet chaque mois ces revenus à l’AP, qui en a un besoin crucial pour financer son administration pléthorique.
Le gel des fonds, instrument de punition, a été déjà utilisé à maintes reprises par Israël, pendant de courtes périodes, lorsque les Palestiniens entreprenaient, sur la scène internationale, une action qui le contrariait. Début décembre 2012, le gouvernement Nétanyahou avait bloqué le versement de 500 millions de shekels (100 millions d’euros), en réponse aux démarches palestiniennes à l’ONU pour obtenir le statut d’Etat observateur non membre. Les transferts avaient repris au bout de quelques mois. En avril 2014, le premier ministre avait fait grand cas d’un nouveau gel, après la décision de l’AP d’adhérer à 15 conventions internationales et traités sous l’égide des Nations unies.
Etranglement budgétaire
Cette fois, le gel représente seulement une première réponse des autorités israéliennes, décidées à passer à l’offensive. D’autant que la campagne électorale qui s’ouvre, avant le scrutin législatif anticipé du 17 mars, pousse la droite à un concours d’intransigeance. Le directeur général du ministère des affaires étrangères, Ben Sheetrit, a écarté, dimanche, l’hypothèse de nouvelles constructions dans les colonies, qui renforceraient les critiques contre la politique israélienne. En revanche, le gouvernement espère une nouvelle preuve de soutien du Congrès américain. Elle se concrétiserait par l’arrêt de l’aide annuelle (440 millions de dollars prévus en 2015) accordée par Washington à l’AP, en raison de l’adhésion palestinienne à la CPI et des possibles poursuites visant l’armée israélienne.
L’étranglement budgétaire était une rétorsion attendue par l’Autorité palestinienne, qui espère un soutien des pays arabes. L’AP clame son intention de poursuivre ses démarches à l’ONU, en déposant à nouveau une résolution au Conseil de sécurité. Mais après un premier échec, sa marge de manœuvre semble faible et ses soutiens échaudés. Les seules armes, risquées, qui restent à sa disposition seraient surtout tournées contre elle-même.
Il s’agit de la fin unilatérale de la coopération sécuritaire avec les services israéliens, ou bien la disparition pure et simple de l’AP, obligeant Israël à assumer la responsabilité politique, militaire et financière pour tous les territoires. Cette mesure serait toutefois un sabordage du projet de libération nationale, même si les dirigeants palestiniens répètent qu’Israël a vidé l’AP de sa substance, en ne cessant de saper son pouvoir.
Avigdor Lieberman s’en prend aux Européens
Le ministre israélien des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a tenu des propos sévères contre certains membres de l’Union européenne, dimanche 4 janvier, les accusant d’abandonner Israël. M. Lieberman, qui critiquait le débat, intense en Europe, sur la reconnaissance de la Palestine, a estimé que « le niveau de mensonges, de distorsions, d’inexactitudes et d’inventions dans les débats parlementaires en Europe représentait un nouveau chapitre dans les Protocoles des sages de Sion » (célèbre faux du début du XXe siècle sur un prétendu plan juif de domination du monde). Le ministre a comparé l’attitude de pays comme la Suède, qui a reconnu la Palestine, à l’abandon de la Tchécoslovaquie en 1938, à la veille des accords de Munich. Selon lui, les pays occidentaux représentent le plus grand défi pour Israël en 2015, devant les Palestiniens ou les Etats arabes.
L’offensive diplomatique de la Palestine en 3 dates
- 2014
30 décembre. Le Conseil de sécurité des Nations unies rejette, par 8 voix pour, 2 contre et 5 abstentions (9 voix étaient nécessaires), une résolution, déposée par la Jordanie au nom des Palestiniens, prévoyant la fin de l’occupation israélienne en 2017.
- 2015
2 janvier. Le représentant palestinien aux Nations unies, Riyad Mansour, dépose les documents ratifiant une vingtaine de traités et conventions internationales. Parmi eux, le statut de Rome, ouvrant la voie à l’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI) et donc à d’éventuelles poursuites contre l’armée israélienne.
3 janvier. Israël annonce le gel du transfert de 106 millions d’euros, soit les taxes perçues au nom de l’Autorité palestinienne en décembre 2014.