Le représentant d’Israël aux Nations unies a indiqué pour sa part que : « C’est le droit d’Israël, et c’est le droit de tous les États d’agir quand ils sont en situation de légitime défense » en s’appuyant pour cela de manière explicite sur « les termes de l’article 51 de la Charte des Nations Unies. »
Il y a dans ces prises de position un premier manque de respect non négligeable et non sans conséquences, de la Charte des Nations unies.
Que dit, en effet, l’article 51 ? Ceci exactement : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »
Autrement dit, le droit de légitime défense d’un Etat est strictement encadré dans la Charte par deux éléments majeurs : il s’arrête dès que le Conseil prend les « mesures nécessaires » et, deuxièmement, celui qui agit pour se défendre doit porter « immédiatement » à la connaissance du Conseil les mesures qu’il prend. Or aucun de ces deux éléments n’a été rempli s’agissant de Gaza. Plus même : les autorités israéliennes envisagent d’autres actions dans le cadre de leur opération militaire qu’ils ont nommé « Hiver chaud ».
De plus, que le représentant d’Israël se réfère à la Charte des Nations unies pour justifier les actes commis à Gaza et que cet « argument » soit repris par des membres du Conseil de sécurité pose un vrai problème de crédibilité pour l’Organisation alors qu’Israël, en toute impunité, n’a appliqué strictement aucune des très nombreuses résolutions onusiennes qui le contraignaient. Mais il y a plus.
Avec ces déclarations, et en quelques lignes, nous avons-là l’expression de la grille de lecture des événements qui surviennent dans le monde, spécialement au Proche et Moyen-Orient, qu’on veut nous imposer et dans laquelle on veut enserrer les esprits.
Cette grille de lecture, absolument non conforme aux réalités ainsi qu’au droit international, est donc, du même coup, très dangereuse en ce qu’elle ne débouche sur rien d’autre que sur le chaos et une « catastrophe » régionale des plus risquée pour tous.
Car la « légitime défense » ne se comprend que s’agissant de deux pays souverains disposant d’un Etat. Ce n’est pas le cas, loin s’en faut, s’agissant des Territoires occupés, inclus Gaza qui ne dispose d’aucune souveraineté territoriale, aérienne et maritime. Il n’y a pas d’Etat palestinien. Il y a par contre une occupation israélienne armée de ce qui devrait être la Palestine. Et dans ce cas, fort heureusement, le droit de résister est un droit absolu et reconnu comme une exigence.
Disant cela il ne s’agit pas de se féliciter des tirs de roquettes et de faire « la guerre avec la peau des autres ». Il s’agit de dire que si l’exigence de l’arrêt de tirs de roquettes est notifiée, alors et avant tout, il faut demander impérativement « l’arrêt immédiat de l’occupation israélienne » et qualifier tous les actes commis contre la population de Gaza comme autant de « crimes de guerre ». C’est d’ailleurs l’opinion du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
Pour permettre d’aller dans le sens de l’apaisement, une première mesure devrait être prise par l’ONU : obtenir une trêve (proposée à deux reprises mais sans succès par le Hamas), ce qui suppose de nouer des liens adéquats avec les acteurs concernés, et donc avec le Hamas. D’ailleurs c’est ce qu’a exprimé clairement un membre du même Conseil onusien susmentionné. Et le Président Abou Mazen s’y est déclaré favorable.
En vérité, il y a dans les diverses prises de position relatives à Gaza et dans cette absence notoire de mesures adaptées pour mettre fin à l’horreur, une volonté politique sournoise tout autant qu’inacceptable de justification et d’effacement « obliques » de l’occupation israélienne des Territoires palestiniens. Or c’est bien l’occupation qui est la cause et non la résultante de tout le reste. On veut nous faire admettre que nous n’aurions pas affaire, au Proche-Orient, à un problème d’occupation qui dure depuis des dizaines d’années mais à un problème entre deux pays souverains. Ainsi on veut propager cette thèse : l’occupé, qui n’est plus reconnu comme tel, est le coupable et l’occupant, qui n’existe plus, devient la victime.
Plus que jamais il convient donc pour les défenseurs de la paix et de la justice de dénoncer ce « jeu » des grandes puissances s’agissant du conflit israélo-palestinien. Il ne peut y avoir de paix et de sécurité pour Israël sans l’application ferme et résolue des résolutions des Nations unies. Un Etat palestinien – voilà la seule solution possible et porteuse d’avenir.
Alors que Israël fêtera cette année ses 60 ans d’existence, à tous les pacifistes et à tous les humanistes d’exiger la création d’un Etat palestinien et d’obtenir « la justice par le droit ». Une initiative a lieu le 17 mai à Paris pour exprimer ces exigences. Cela ne nous démobilisera pas pour manifester avant, sous toutes les formes, dès qu’il le faudra, pour exiger la fin du blocus à Gaza « prison à ciel ouvert » et notre refus des massacres qui endeuille les populations.
Il n’y a pas de solution militaire mais uniquement politique.
Jean-Claude Lefort
Député honoraire
Le 5 mars 2008