En cherchant à mettre fin aux tirs de roquettes artisanales qui harcèlent les habitants de certaines de ses villes du Sud, Israël a peut-être insufflé une nouvelle vie au mouvement islamiste palestinien. Depuis deux ans, le Mouvement de résistance islamique (connu sous la dénomination Hamas) était en perte de vitesse tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.
Quand le parti est arrivé au pouvoir par les urnes, au début de 2006, il fut injustement ostracisé par la communauté internationale pour sa position anti-israélienne, mais il bénéficiait d’un large appui parmi les Palestiniens et les autres Arabes. Ayant décroché une majorité parlementaire décisive avec un programme anticorruption qui promettait changement et réformes, le Hamas fit de gros efforts pour mieux gouverner que le Fatah, son rival et prédécesseur. Les choses ont commencé à s’envenimer quand le Hamas, en 2007, a pris le contrôle de Gaza par la force. Le mouvement a en effet rejeté à partir de ce moment-là toutes les offres de l’OLP et des médiateurs égyptiens, destinées à aboutir à une réconciliation.
La situation a empiré en novembre 2008, quand un plan d’unité nationale, méticuleusement préparé par les Egyptiens, a échoué parce que les dirigeants du Hamas avaient décidé à la dernière minute de ne pas se rendre au Caire pour l’entériner. Les nationalistes palestiniens affirment que le rejet de cet accord n’avait d’autre but que de contourner les exigences de l’OLP, qui réclame de nouvelles élections.
Un sondage réalisé peu après par le Centre des médias et des communications de Jérusalem montre que la plupart des Palestiniens reprochent au Hamas d’avoir fait échouer ces négociations : 35,3 % des personnes interrogées pensaient que le Hamas portait la responsabilité de l’impasse ; 17,9 % accusaient le Fatah ; et 12,3 % rejetaient la faute sur les deux camps. Cette étude révélait en outre que seuls 16,6 % des Palestiniens approuvaient l’action du Hamas, contre 40 % qui se positionnaient en faveur du Fatah. Le déclin du Hamas a en fait été progressif : de 29,7 % en septembre 2006, la cote de popularité des islamistes est passée à 25,2 % en mars 2007, puis à 21,6 % en août 2007, pour tomber à 16,6 % en novembre 2008.
C’est sans doute la raison pour laquelle, après six mois de cessez-le-feu avec Israël, les dirigeants du Hamas ont estimé qu’ils n’avaient plus rien à perdre. En continuant à respecter la trêve, le Hamas se serait en effet situé exactement sur la même ligne que Mahmoud Abbas, et il se serait alors discrédité en tant que mouvement de résistance. Le Hamas aurait couru le risque de se priver définitivement de son soutien populaire.
La réponse d’Israël : une aubaine pour le Hamas
Chacun pour ses propres raisons, le Hamas et Israël ont tous les deux décidé de rompre la trêve, pensant que la voie menant à leurs objectifs politiques passait par une montagne de cadavres. Les islamistes veulent retrouver la faveur de leur opinion publique en apparaissant comme des héros de la résistance, tandis qu’à la veille d’élections le gouvernement israélien tient à donner la preuve de sa fermeté à sa population, harcelée par les tirs de roquettes Qassam.
La réponse brutale et disproportionnée d’Israël dans la bande de Gaza a été une aubaine pour le Hamas. Le mouvement radical a restauré son image dans le monde arabe, s’est assuré de nouveaux soutiens dans la communauté internationale et est parvenu à torpiller les négociations indirectes entre Israël et la Syrie, ainsi que les pourparlers directs entre Israéliens et Palestiniens. Ce faisant, il place également dans l’embarras l’Egypte et la Jordanie.
Si personne ne sait comment se terminera cette nouvelle épreuve de force, une chose est sûre : le Hamas est aujourd’hui de retour dans le jeu politique, et les dirigeants arabes modérés se voient contraints de renoncer à toute forme de réconciliation avec Israël.