Le conflit israélo-palestinien est-il en train de se transformer en affrontement religieux ? Il ne se passe plus une semaine sans des incidents entre musulmans et juifs religieux sur l’esplanade des Mosquées - le mont du Temple pour les Juifs - dans la vieille ville de Jérusalem. Les plus sérieux ont eu lieu le 4 septembre, à quelques heures du début de Rosh ha-Shana, le nouvel an juif. Des Palestiniens ont lancé des pierres en direction de la police et du mur des Lamentations en contrebas. Quarante-huit heures plus tard, nouvelles émeutes. Deux vagues de violence qui n’ont pas fait de blessé, mais qui se sont soldées par l’arrestation de vingt-deux Palestiniens.
L’Autorité palestinienne s’inquiète
Selon les responsables du Waqf, l’administration des biens musulmans, cette agitation a pour origine le nombre croissant de juifs religieux qui, tous les jours à l’exception du vendredi, du samedi et des jours de fête, viennent, souvent accompagnés de leurs rabbins, visiter l’esplanade. Il leur est interdit de prier à haute voix. Mais certains enfreignent cette règle, voire se prosternent en direction du dôme du Rocher, où se dressait, selon la tradition, le temple juif, il y a 2 000 ans. Les policiers ont ordre d’expulser les contrevenants. Ce qu’ils font en général. C’est ainsi que Moshe Feiglin, député du Likoud - le parti de Benyamin Netanyahou - et vice-président de la Knesset - le Parlement israélien -, est interdit de séjour sur ce lieu saint, depuis plusieurs semaines.
Quoi qu’il en soit, l’Autorité palestinienne est inquiète. Et cela ne date pas d’hier. À la fin du mois de mars dernier, Mahmoud Abbas s’est rendu à Amman pour une rencontre avec Abdallah II, qui s’est achevée par la signature d’un accord réaffirmant le rôle historique de la Jordanie comme gardien des lieux saints de Jérusalem et précisant qu’Abdallah II "a le droit d’entreprendre tous les efforts légaux pour les protéger, en particulier la mosquée d’Al-Aqsa". Quelques jours auparavant, lors de la Pâque juive, les accrochages entre des Palestiniens et la police se multipliaient. Les premiers prenant pour cible à coups de pierres des Israéliens qui, sous escorte policière, visitaient l’esplanade. Le nouveau pic de tension enregistré fin août-début septembre a amené le ministre palestinien des Affaires étrangères à adresser des lettres à l’ONU, à l’Union européenne, à la Ligue arabe et à la Conférence islamique, appelant à des mesures urgentes "pour protéger Al-Aqsa".
La riposte de la droite religieuse israélienne
En Israël, la droite religieuse nationaliste riposte en accusant les dirigeants palestiniens d’être à la tête d’une campagne contre les visites de juifs sur l’esplanade des Mosquées. Dans une de ses éditions de début septembre, le Jerusalem Post, le quotidien en langue anglaise, expliquait que "pour l’Autorité de Mahmoud Abbas, il y a un plan israélien visant à judaïser et diviser le lieu avec comme objectif ultime la reconstruction du temple juif". Comme preuve de ce qu’il avance, le journal évoque "l’appel lancé par un groupe lié au Fatah du président Abbas pour des opérations de guérilla". Pour l’auteur de l’article, "Abbas chercherait ainsi à faire oublier sa décision de reprendre les négociations de paix en abandonnant toutes conditions préalables, et notamment l’arrêt total de la colonisation".
Une chose est sûre : à ce stade, cette agitation sur le haram al-Sharif - le troisième lieu saint de l’islam - et le nombre croissant d’Israéliens demandant à l’État de les autoriser à prier sur le seul lieu saint juif, le mont du Temple, ne font pas débat. Seuls quelques Israéliens, de gauche, conscients du danger, commencent à tirer la sonnette d’alarme. C’est le cas de Keshev, une ONG spécialisée dans l’étude des médias israéliens.
En conclusion d’un rapport publié au début de l’été et intitulé "la dynamique de la montée en puissance en Israël des mouvements pour le temple et sa signification", ses auteurs soulignent le large soutien officiel dont bénéficient les mouvements pour la reconstruction du temple : "Des personnalités politiques de premier plan, des rabbins employés par l’État, des fonctionnaires à l’Éducation nationale relayent leurs messages." Également épinglé, le gouvernement qui "les finance directement ou indirectement". Et Keshev d’avertir : ces organisations et ceux qui les soutiennent "sont à la limite de ce que peut tolérer une démocratie, voire à la limite de l’incitation contre l’islam".