La Déclaration universelle des droits de l’Homme marque une véritable révolution en affirmant dans son article premier "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."
Ce texte reconnaît la valeur et les droits de tout être humain "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique, ...", précisant de surcroît qu’"il ne serait fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays dont la personne est ressortissante, que ce pays ou ce territoire soit indépendant, sous tutelle, ou autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté."(art. 2). Donc des droits universels, pour tous les êtres humains. Et le devoir universel, de tous les êtres humains, de respecter et faire respecter les droits des autres.
Ce sont les mêmes pays qui contribuèrent le plus à la rédaction de ce texte majeur au sein de la jeune Organisation des Nations unies (ONU) qui ont, la même année, pour répondre à la demande du mouvement sioniste dans l’Europe traumatisée par la guerre et le génocide des Juifs, disposé de la terre des Palestiniens contre leur volonté et sans égard de leurs intérêts. Quelle en est l’explication ? L’esprit colonial, bien vivace à cette époque dans certains pays d’Europe, eux-mêmes colonisateurs (par exemple la France), n’englobait pas tous les humains dans la même humanité. Les émigrants en Palestine étaient européens, les habitants de la Palestine étaient arabes...
Par la suite, le droit de nombreux Palestiniens à rester dans leur pays ou à y revenir (art.13 de la DUDH), le droit à une nationalité (art.15), le droit à la propriété (art.17) leur ont été déniés. Et, depuis 1967, depuis l’occupation de la partie de la Palestine censée devenir un jour l’Etat palestinien puis sa colonisation intensive par des Israéliens juifs, perpétuant cette situation coloniale, nombre d’autres droits sont quotidiennement violés, comme le droit à la vie, à la liberté, à la sûreté (art.3), à la reconnaissance de sa personnalité juridique (art.6), à une égale protection contre toute discrimination (art.7). Sans parler des droits au travail, à l’éducation et à un niveau de vie décent. Sans compter les traitements inhumains ou dégradants...
"Le colonialisme refuse les droits de l’Homme à des hommes qu’il a soumis par la violence, qu’il maintient de force dans la misère et l’ignorance, donc, (...), en état de "sous-humanité". (...) l’indigène est un sous-homme, la Déclaration des droits de l’Homme ne le concerne pas ;(...). (...) deux sortes d’individus : pour l’un, le privilège et l’humanité ne font qu’un ; il se fait homme par le libre exercice de ses droits. Pour l’autre, l’absence de droit sanctionne sa misère, sa faim chronique, son ignorance, bref sa sous-humanité..." Ces lignes ont été écrites en 1961 par Jean-Paul Sartre dans sa préface du "Portrait du colonisé" d’Albert Memmi. On pouvait espérer que près de soixante ans plus tard, les colonies d’alors étant devenues des Etats indépendants, elles seraient devenues obsolètes. Mais il y a eu la guerre de 1967 et la forme que l’on connaît d’occupation de toute la Palestine par Israël... et sa colonisation, même si celle-ci est différente des précédentes car elle vise à l’appropriation du territoire en en écartant le plus grand nombre possible de ses habitants. De nouveau, tout se passe comme si, pour nombre d’Israéliens, les Palestiniens ne sont pas vraiment des humains comme eux (c’est le propre du colonialisme). Et comme si, pour une grande partie du reste de la "communauté internationale", Palestiniens et Israéliens ne sont pas vraiment égaux "en dignité et en droits" ?
Les Palestiniens ne sont pas les seuls en Méditerranée (et bien sûr dans le monde) dont les droits humains sont violés. Mais ils sont les seuls dont le malheur a son origine dans une décision de l’organisation qui a inventé la DUDH et dont le pays qui colonise leur territoire depuis quarante ans, a un statut d’exception au sein de cette organisation, jouissant d’une totale impunité pour des crimes commis au su et au vu de tous – et dénoncés dans un nombre impressionnant de rapports impartiaux et par la Cour internationale de justice. Cette même ONU est aujourd’hui politiquement incapable d’imposer pour la Palestine le droit et ses propres décisions.
La Déclaration universelle des droits de l’homme reste un grand texte qui prendra un jour son plein effet pour tous les êtres humains, grâce à tous ses défenseurs, à tous ceux qui résistent et restent debout, comme les Palestiniens depuis 60 ans. Face aux plus forts, les plus faibles deviennent les plus forts sur le plan humain. Une des vertus de la Déclaration universelle est d’encourager la résistance des opprimés et leur combat pour l’égalité des droits.