Un sujet devenu presque quotidien
La reconnaissance de la Palestine est un thème récurrent qui fait figure de leitmotiv de l’actualité depuis plusieurs années déjà.
À chaque fois que certains dirigeants israéliens ou européens sont pris "la main dans le sac", nous appelons de manière presque automatique à une reconnaissance de l’État palestinien : ce fut le cas le mercredi 17 décembre alors que le Tribunal de l’Union européenne annulait les décisions du Conseil européen ayant vocation à ajouter le Hamas dans la liste des organisations terroristes.
C’était aussi le sujet lorsque Mahmoud Abbas se déplaçait à Paris pour commémorer la mémoire de ces 17 victimes alors que le Président Hollande avait fermé les yeux sur les 2.310 morts et les 10.626 blessés de l’Opération Bordure protectrice quelques mois auparavant.
Mais à chaque fois que le sujet est effleuré, certains n’hésitent pas à en venir à l’insulte pour éviter qu’il ne soit mis en avant, tout le monde se souvient de ces mots de Netanyahu alors candidat à l’élection législative anticipée en mars dernier.
Aujourd’hui, la question de l’apartheid au centre des débats
Aujourd’hui, c’est la question de l’apartheid que subit une partie de la population palestinienne en Israël qui pose problème puisqu’en une semaine deux événements ont marqué l’actualité : les manifestations des juifs éthiopiens et la polémique sur les bus séparés.
Qu’attendons-nous donc pour réagir ? Quel prochain stade ? Si ce n’est plus l’ennemi extérieur qui est dépeint, c’est aujourd’hui l’ennemi intérieur (le Palestinien, le juif ancestral éthiopien) qu’on nous décrit. Quel est le prochain stade de cette politique moribonde et virulente menée par la droite ultra-conservatrice israélienne ?
On parle bien de personnes dénigrées dans la rue, on parle d’individus regardés comme des pestiférés par une partie de la population. Pour le premier sujet, il n’est même pas discutable : j’en tiens pour cause les mots du président Reuven Rivlin qui a admis le 4 mai que l’État hébreu avait commis des erreurs causant "une plaie ouverte" chez les Israéliens d’origine éthiopienne. Cela n’a pas empêché certains sites à l’éthique douteuse de publier des articles avec des photos de femmes voilées sur la plage pour chercher à prouver on ne sait quoi.
Israël a une "dette" envers l’humanité
Pour le second sujet, il est au cœur d’un débat puisque la décision émanait en réalité du ministre de la Défense et qu’il n’a finalement pas vu le jour. Mais l’on conviendra aisément que Jean-Yves le Drian ne serait jamais resté à son poste s’il avait proposé que l’on mette en place des lignes de bus différentes pour les citoyens immigrés et les nationaux.
Réfléchissons deux secondes à cette proposition. Ne nous fait-elle pas penser à Rosa Parks ? À Montgomery ? Les américains à l’époque avaient au moins le respect de mettre Noirs et Blancs dans un même bus ! D’autant plus que la question de ce genre de propositions relève d’une institutionnalisation du racisme, c’est un racisme d’État.
Si nous avons été intraitables avec la ségrégation américaine, l’apartheid sud-africain, nous devons être tout aussi virulents si ce n’est plus quant à ce qui s’organise aujourd’hui en Israël et qui prend des tournures particulièrement troublantes.
Car on ne le rappelle désormais plus assez : si nous avons un devoir de mémoire à l’égard des victimes de la Shoah, Israël a un devoir d’humanité compte tenu de son histoire, l’État a été particulièrement privilégié ces cinquante dernières années et pareil au Rwanda de l’après-génocide on a eu facilité à tout pardonner au régime.
Aujourd’hui, compte tenu de ces trop nombreuses années de fautes impardonnables, il est temps que l’État soit jugé à la même échelle que le reste des pays du monde. Face au droit international, nul ne peut se défiler.
Le silence du gouvernement français inquiétant
Ce qui m’inquiète, c’est le silence de la France et d’abord de son gouvernement. J’apprécie tout particulièrement Christiane Taubira et ses joutes oratoires inouïes, mais elle fait preuve d’un silence troublant ces derniers temps, et je ne l’ai jamais entendu s’exprimer sur le sujet des victimes palestiniennes.
Ce sujet est au cœur même de notre philosophie, celle des Lumières, celle de Rousseau qui refusait de fermer les yeux car comme il le rappelait : "Qui croit fermer les yeux sur quelque chose se voit bientôt forcé de les fermer sur tout."
Dessiner une nouvelle politique pour la relation Franco-israélienne
Israël a le droit d’exister, mais il est intolérable de mener cette politique inacceptable qui accable tout une population et qui sème la panique des deux côtés du mur de séparation. Nous devons continuer d’apporter notre soutien à cet État ami.
Mais défendre un ami, ce n’est pas lui donner le droit de tuer en toute impunité. La France a donc le devoir d’agir : la reconnaissance pleine et unilatérale de l’État palestinien doit être actée, la circulaire Alliot-Marie interdisant le boycott doit être abrogée, les manifestations de soutien à la Palestine ne doivent plus être interdites et nous devons apporter un soutien financier plus important à l’égard de cette population meurtrie et l’aider à consolider ses frontières, celles de 1967.
Si ceci n’est pas fait, cette variable lourde sera décisive pour le vote d’une partie des électeurs en 2017 et elle pourrait être un facteur de plus de l’échec de François Hollande à sa réélection. Il y a des questions politiques sur lesquelles nous devons être intransigeants, nous devons militer pour la paix autant qu’on le fait en Syrie, au Kenya ou au Sud-Soudan.
Mais si nous devons agir, il faut le faire en restant à propos de cette question du conflit israélo-palestinien sur la même ligne, celle fixée par Mahmoud Abbas en 2013 qui est celle du respect du droit international, rappelée par ces belles paroles : "Aujourd’hui, au Proche-Orient il n’y a pas un État de trop mais il manque un État."